jeudi 29 mars 2007

Le territoire.

Nous reprenons la présentation du document “Projet de Livre blanc sur la décentralisation” daté du 12 décembre 1977. Nous sommes rendu au chapitre 4: Le territoire.Voici donc les principes de base du décopage territorial.

«La délimitation d’un territoire constitue une des bases de toutes décentralisation, surtout si celle-ci vise à mettre en place une structure politique et administrative unique, responsable de plusieurs fonctions. Divers organismes ad hoc exerçant différentes fonctions peuvent opérer sur la base de territoires plus ou moins équivalents. C’est le cas actuellement, pour les commissions scolaires, les CLSC et les municipalités, sans parler des territoires opérationnels de nombreux ministères et organismes gouvernementaux qui offrent des services aux citoyens. On fait face alors à une multiplicité de découpages du territoire, c’est-à-dire, en pratique, autant d’unités territoriales qu’il y a d’organismes ad hoc.

Pour les fins de la décentralisation, il a donc été nécessaire, en les remaniant, de fondre en un seul, divers territoires opérationnels. L’objectif d’un tel remaniement des territoires était d’obtenir un territoire unique répondant aux normes d’opération du plus grand nombre possible de secteurs d’activités concernés. Compte tenu de la répartition géographique du peuplement ainsi que de la structure d’urbanisation qui prévaut au Québec, les territoires retenus devaient pouvoir servir d’assise à des institutions qui pourront se voir confier la gestion d’un nombre important d’activités.

Le territoire des comtés municipaux actuels a été utilisé au départ.

Pour le remaniement des territoires des comtés municipaux actuels, cinq principes de base ont été appliqués. Les trois premiers principes apparaissent comme des critères permettant de juger de l’adéquation du découpage proposé par rapport aux objectifs poursuivis, tandis que les deux derniers principes peuvent être qualifiés de contraintes dont il a fallu tenir compte. Ces principes sont les suivants: homogénéité socio-économique; unicité du territoire; taille et capacité suffisante; limites politico-administratives existantes; facteurs géographique.

Homogénéité socio-économique:
Il serait irréaliste de s’attendre à ce que des citoyens poursuivent collectivement des objectifs s’ils ne se reconnaissent pas une allégeance commune à une communauté de base identifiable par un ensemble de caractéristiques culturelles, économiques, sociales et géographiques. C’est cette unité d’intérêts et d’allégeance qui doit trouver son expression par le truchement d’une structure politique et administrative agissant sur un territoire défini.

Pour identifier ces territoires où s’exprime une certaine homogénéité socio-économique, on a tenu compte des pôles d’attraction et des zones d’influence dégagés par le ministère de l’Industrie et du Commerce dans une étude publiée en 1966 et mise à jour par le moyen d’études plus récentes.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 65 et 66.

Nous verrons dans le prochain texte les principes de “l’unicité du territoire” et de “la taille et capacité suffisantes”.

mercredi 28 mars 2007

Pour un nouveau discours des régions.

Petite pause post électorale. Je profite de l’occasion pour y aller de quelques conseils pour les leaders et décideurs régionaux suite aux élections de lundi. Je reprend une phrase célèbre de l’ancien président John F. Kennedy: ne demandez pas au gouvernement ce qu’il peut faire pour vous, demandez plutôt ce que vous pouvez faire pour le gouvernement. Si on transpose cela pour les régions, voici en quelque sorte ce que ça veut dire.

Il va falloir que les régions demandent autre chose qu’un plus gros chèque de B.S.

Il va falloir que les leaders régionaux soient plus créatifs et élaborent eux-même des solutions. Il va falloir que les leaders régionaux apprennent à travailler ensembles plutôt qu’en vase clos. Il va falloir que les leaders démontrent qu’ils ont une véritable volonté de développement; qu’ils cessent de quémander des bouées de sauvetage aux différents gouvernements.

Il va falloir que le secteur privé s’implique plus dans le développement des régions. Il va falloir que les institutions financières s’ouvrent plus aux régions et adaptent leurs services aux réalités régionales.

Il va falloir que les leaders régionaux apprennent ce que ça veut dire “autonomie”. Si vous ne le savez pas, vous pouvez toujours me contacter. Il y a beaucoup de potentiel de développement pour les régions comme la Gaspésie.

Si vous êtes un leader régional (maire, préfet, président de chambre de commerce, directeur d’une institution financière, directeur d’une corporation de développement ou d’un organisme communautaire, député ou ministre) et que vous ne croyez pas au potentiel de développement de votre région, LAISSEZ VOTRE PLACE À QUELQU’UN D’AUTRE. Il y a beaucoup de gens dans les régions et ailleurs qui y croient et qui sont prêts à travailler pour le développement des régions.

Nous avons besoin d’un changement de culture. Pour emprunter le slogan d’un parti politique:

EN RÉGION, C’EST LE TEMPS DE PASSER À L’ACTION.

Si vous n’êtes pas prêts ou que vous attendez que le gouvernement vous dit quoi faire, PRENEZ VOTRE RETRAITE.

Ceci est un message d’intérêt public.

Commissions spécialisées et stratégie administrative.

Toujours dans la présentation du Projet de Livre blanc sur la décentralisation de décembre 1977. Le PLQ et l’ADQ pourraient s’en inspirer pour proposer ensemble une véritable politique de décentralisation. Qu’en pensez vous?

«Les commissions spécialisées.
La loi organique des comtés va donner au conseil d’administration le pouvoir général de constituer par règlements des comités consultatifs sur les sujets jugés significatifs par le conseil. De plus, la loi organique va prévoir la création de quatre commissions permanentes ayant des pouvoirs exécutifs délégués par le conseil. Il s’agira des commissions de l’éducation et de la culture, du développement social, de l’aménagement du territoire, et du développement économique et touristique.

Ces quatres commissions auront comme devoirs et attributions généraux: d’étudier la situation dans leur champs d’action de façon à dégager une politique d’ensemble en précisant les objectifs, les programmes, les activités, les priorités et les coûts; de faire au conseil d’administration les recommandations nécessaires à l’application des politiques proposées; de proposer et d’administrer le budget du secteur à partir de l’enveloppe financière allouée par le conseil d’administration; de préparer et de proposer au conseil le plan d’immobilisation requis; de surveiller les organismes et institutions tombant sous leur responsabilité; de s’assurer des services offerts à la population et de recevoir les plaintes.

En ce qui a trait aux pouvoirs et aux relations avec le conseil d’administration, ces commissions exerceront tous les pouvoirs délégués par lui. Par ailleurs, la commission devra tenir une assemblée annuelle publique spéciale à l’intention de tous les contribuables. À cette assemblée seraient soumis: les prévisions budgétaires et les activités projetées, le rapport d’activités et le rapport financier de l’année écoulée. Le conseil d’administration de la communauté pourra, lorsque les circonstances l’exigeront, requérir de ses commissions tout rapport écrit jugé nécessaire pour l’étude et la solution d’un problème particulier. (...)

La stratégie administrative de la communauté.
La communauté de comté devra tenir compte de trois caractéristiques particulières dans son fonctionnement administratif. Ce sera un organisme qui jouira d’une large autonomie et qui aura donc à prendre des décisions concernant les structures administratives dont elle devra se doter. La loi organique des communautés de comté prévoiera cependant, qu’elles devront se doter d’au moins un directeur général, un greffier et un secrétaire-trésorier. D’autre part, la communauté de comté, au cours des premières années de fonctionnement, sera dans une situation de démarrage. Elle aura donc à définir au fur et à mesure ses besoins administratifs et la structure porteuse dont elle aura besoin. Enfin, la communauté de comté verra dans le temps (environ cinq ans) un certain nombre de fonctions lui être confiées par les autorités centrales. Elle sera donc dans une situation évolutive et, à ce titre, ses besoins administratifs évolueront dans le temps au rythme des priorités définies par le milieu et au rythme de décentralisation d’activités gouvernementales.

Il n’y a donc pas lieu de décrire en détail la structure administrative de ces nouvelles communautés de comté. Au contraire, ce serait perpétuer l’approche normative bien connue dans les réseaux de l’éducation et des affaires sociales que de dicter à priori la structure administrative porteuse de ces futurs organismes.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 57 à 58.

mardi 27 mars 2007

Rôle et mandat.

Après le mode de représentation, nous passons aux “Attributs institutionnels du corps politique proposé”.

«Rôle du président de la communauté.
Le président du comté sera élu à la majorité simple des voix des personnes inscrites sur les listes des électeurs du comté. Le président du comté sera le chef du conseil et le chef de l’exécutif du comté. À titre de chef de l’exécutif, le président du comté exercera les droits de surveillance et d’orientation des travaux de tous les fonctionnaires œuvrant au sein du comté. Le président du comté fera rapport au conseil à chaque séance de l’exercice de l’exercice de son droit de surveillance et d’orientation des fonctionnaires. Le président du comté agira aussi comme président du conseil d’adminstration et du comité exécutif du comté. À ce titre, il présidera les séances du conseil, fera rapport sur les activités du comité exécutif, déposera les rapports des différentes commissions spécialisées du conseil. Le président du comté, à titre de première autorité politique du comté, sera responsable auprès des instances gouvernementales (ministères, organismes ou autres) de toutes les relations qui devront s’établir avec le comté. Il sera aussi responsable, avec son conseil, de toutes les décisions qui seront prises concernant l’administration des personnes, des biens et des services devant la population. Le président a un vote prépondérant en cas d’égalité.

Le mandat des membres du conseil d’administration.
Le mandat des membres du conseil sera de quatre ans. Le conseil du comté représente celui-ci et il en administre les affaires. Le conseil exercera les pouvoirs que la loi constitutive déléguera au comté pour l’accomplissement des devoirs que la loi lui imposera. Le conseil exercera aussi, pour accomplir ses fonctions, toutes les formalités requises par les règlements qu’il mettra en vigueur dans le comté. Le conseil pourra déléguer certaines responsabilités à des commissions spécialisées. Le conseil sera plus particulièrement responsable de la préparation de son programme triennal d’immobilisation, de l’adoption d’un budget annuel, de la définition des tâches, des conditions de travail et du recrutement du personnel technique ou administratif dont il aura besoin pour accomplir ses tâches. Le conseil pourra aussi soumettre aux électeurs toute question pouvant faire l’objet d’une décision du conseil aux fins d’une consultation avant la prise de décision.

Le comité exécutif.
Le conseil d’un comté peut déléguer au comité exécutif toute responsabilité qu’il juge à propos pour des fins d’efficacité dans l’administration courante. Il ne pourra déléguer, cependant, l’adoption du budget annuel, de même que l’adoption des règlements.
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 54 à 57.

dimanche 25 mars 2007

Le mode de représentation.

Je poursuit la présentation de la structure proposée dans le document “Livre blanc sur la décentralisation” du 12 décembre 1977. Ce projet n’a jamais été rendu public par le gouvernement de l’époque.

«Les principes de base de la représentation étant posé; il est nécessaire d’en préciser les modalités.

En ce qui concerne le nombre de membres, étant donné l’ampleur des mandats du conseil et l’utilité pour celui-ci d’effectuer une partie de son travail en commissions, il est fixé à 49, soit le président, 24 membres élus au suffrage universel et 24 membres représentants des municipalités. Ce nombre de membres représente un compromis entre la meilleure représentation des municipalités et le nombre de membres nécessaire au bon fonctionnement des commissions. Les 24 membres élus au suffrage universel le seront par district électoraux regroupant un nombre égal d’électeurs.

Les 24 membres représentant les municipalités seront désignés par un collège électoral composé de la façon suivante: les municipalités de moins de 200 habitants délèguent le maire; les municipalités ayant de 200 à 500 habitants, le maire et deux conseillers; les municipalités ayant de 500 à 1000 habitants, le maire et quatre conseillers; les municipalités ayant plus de 1000 habitants, le maire et l’ensemble de ses conseillers.

Les représentants au conseil du comté sont désignés selon des modalités que se fixe le collège électoral où chacun des délégués a un vote (dans les cas où le collège électoral est trop petit pour désigner 24 représentants des modalités particulières seront prévues).

Cette formule présente les avantages suivants: elle permet une participation de toutes les municipalités; elle évite de trop normaliser la représentation et laisse le soin aux élus de décider du type de représentants qu’ils désirent; l’éventuelle sous-représentation des villes est compensée par l’élection au suffrage universel à partir de districts définis en fonction du nombre d’électeurs; le nombre de maires membres du conseil sera sans doute plus élevé avec ce mode de représentation qu’avec tout autre; enfin, elle est simple et facilement applicable.

Signalons que tous les membres du conseil seront membres de l’une ou l’autre des quatre commissions permanentes. Le choix des membres sera fait par le conseil en tenant compte des deux critères suivants: une commission comprend au moins huit membres et au plus seize membres; au moins un tiers des membres d’une commission proviennent d’un type ou l’autre d’élus.

Le président d’une commission est choisi par les membres de cette commission.

Le président du conseil est président du comité exécutif qui est composé d’un vice-président choisi par le conseil sur recommandation du président et des présidents des quatre commissions permanentes.

Le cumul des mandats est interdit pour le président. Les élections municipales et de compté ont lieu simultanément.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 52 à 54.

91 conseils de compté avec chacun 49 membres (= 4459), ça fait beaucoup de monde. Plus de détails à venir.

jeudi 22 mars 2007

Proposition gouvernementale.

«Dans un premier temps est présentée la proposition gouvernementale tant en terme de structure qu’en terme de mode de représentation. Puis les attributs institutionnels de l’organisme sont esquissés.

La proposition gouvernementale.
Le Gouvernement propose la création de 91 nouveaux comtés constitués comme corps politiques et administratifs, aptes à exercer de nouveaux pouvoirs qui leur seraient délégués par le Gouvernement. Les objectifs opérationnels de ces corps politiques seraient les suivants, tel qu’il a été indiqué plus haut:
- une structure territoriale;
- une structure responsable de plusieurs fonctions;
- une structure autonome;
- une structure démocratique.

La structure proposée.
Différentes options de structures politiques ont été examinées avant que soit formulée une proposition gouvernementale. Trois options de base qui peuvent être retenues pour la définition de cette structure politique, en ce qui a trait à la désignation du président de la communauté, à la désignation du conseil d’administration et à celle du comité l’exécutif.

Option 1: Représentation directe.
Tous les membres du conseil d’administration des futurs comtés sont élus au suffrage universel, soit par l’ensemble du comté, soit par districts électoraux. Ceux-ci pourraient être définis à partir de découpage appropriés, ou il pourrait s’agir des municipalités actuelles prises une à une ou par groupes pour obtenir une représentativité équitable.

Option 2: Représentation indirecte.
Le conseil est composé des maires de chacune des municipalités du comté auxquels on pourrait ajouter, pour obtenir une meilleure représentativité, un nombre variable de conseillers municipaux des municipalités les plus populeuses. Le président de la communauté serait choisi parmi les membres du conseil.

Option 3: Représentation directe et indirecte.
Selon cette option, le président de la communauté serait élu au suffrage universel sur l’ensemble du territoire du compté. De même, la moitié du conseil serait aussi élu au suffrage universel, l’autre moitié étant composée de représentants des municipalités.

Chacune de ces options présente des avantages et des inconvénients. Cependant, la troisième option apparaît au Gouvernement comme celle qui répondrait le plus adéquatement aux objectifs visés par la réforme. En effet, cette option retenue présente des avantages à plus d’un point de vue: elle reconnaît la complémentarité nécessaire du comté avec le niveau municipal; elle permet des relations dynamiques entre les diverses catégories d’élus (président de la communauté, membres du conseil et délégués des municipalités); elle introduit la possibilité d’un leadership politique plus large en permettant au personnel politique originant des trois réseaux (éducation, affaires sociales, municipal) de se compénétrer (sic); elle permet d’administrer dans la perspective d’un territoire plus large qui tient compte de l’interrelation des problèmes au niveau des équipements et de la qualité des services, tout en tenant compte des préoccupations locales; elle permet à la population d’idenfier plus clairement ses représentants; elle permet un arbitrage entre les besoins locaux et les besoins sous-régionaux; elle permet une vie politique responsable qui devra rendre des compte à la population tous les quatre ans; elle permet de constituer un mécanisme de liaison entre les présidents élus des communautés pour étudier des problèmes dépassant le cadre du territoire du comté, par exemple, au sein d’une conférence régionale des présidents.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 50 à 52.

mercredi 21 mars 2007

La structure politique proposée.

Nous entrons maintenant dans le vif du sujet, soit la proposition de décentralisation contenue dans le Projet de Livre blanc sur la décentralisation du 12 décembre 1977 du gouvernement du Parti québécois. Je rappelle que ce document n’a jamais été rendu public pour des raisons que j’ignore encore. Je présente maintenant la structure proposée par le gouvernement de l’époque.

Je présente donc le chapitre 3 de ce document, soit la structure politique proposée. Retour en arrière.

«Si l’on excepte les commissions scolaires, le Québec possède deux types de municipalités: celles régies par la Loi sur les cités et villes, qui sont urbaines, et celles régies par le Code municipal, les municipalités rurales. Celles-ci sont regroupées dans les municipalités de comté. Au nombre de 71, les municipalités de comté couvrent un territoire à peu près semblable aux anciennes circonscriptions électorales de 1885. Les activités de ces corps politiques ont été nombreuses dans le passé. Dans le “Rapport des commissaires chargés de la refonte des lois municipales”, on trouve un résumé des activités de ces organismes sur une période de cinq ans: 167 règlements concernant des nominations, honoraires, frais de représentation; 88 règlements concernant les cours d’eau, l’évaluation, la taxation, etc. Le nombre des résolutions adoptées par les conseils de comté n’est pas non plus très grand et ne manifeste pas un grand dynamisme. Cependant, ces corps politiques ont l’avantage d’exister, d’être connus de la population, notamment dans le milieu rural, et ils ont été retenus comme étant un palier de base vers lequel il serait possible de décentraliser un certain nombre d’activités de l’État, de regrouper un certain nombre de fonctions des réseaux de l’éducation et des affaires sociales et certaines fonctions à caractère supramunicipal. Évidemment, comme le suggèrent les commissaires, cela suppose de revoir la structure de ces corps politiques, d’en redéfinir les rôles et d’en revoir les territoires. À la page XII de leur rapport, ils émettaient même certains principes directeurs:

“La nouvelle définition devrait sous-tendre des structures propres à favoriser le développement du territoire plutôt que des structures de représentation parlementaire. La nouvelle division devrait tenir compte de l’autorité gouvernementale en matière d’application, d’exécution de certaines lois ou politiques à caractère intermunicipal ou supramunicipal (Rapport des commissaires chargés de la refonte des lois municipales. Livre cinquième: La municipalité de comté. - Mars 1977).”»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, p. 49.

mardi 20 mars 2007

Objectifs opérationnels.

Toujours dans la présentation du contenu du projet de Livre blanc sur la décentralisation (12 décembre 1977) du gouvernement du Québec et qui n’a jamais été rendu public. Aujourd’hui, les objectifs opérationnels de la décentralisation.

«En termes opérationnels, l’organisme décentralisé proposé doit répondre à quatre objectifs: il s’agit d’une structure territoriale, multifonctionnelle, autonome et démocratique.

Une structure territoriale.
L’ensemble du territoire organisé du Québec doit être pris en compte dans le découpage parce qu’il forme un tout. Donc, quelles sont les lois sous la juridiction desquelles tombent les institutions locales, celles-ci seront incorporées dans l’organisme décentralisé proposé.

L’organisme décentralisé proposé aura donc compétence sur un territoire clairement délimité et, à ce titre, il constituera une communauté territoriale.

Une structure responsable de plusieurs fonction.
La structure proposée devra être responsable de plusieurs fonctions, c’est-à-dire qu’elle devra exercer dans plusieurs champs d’action les rôles fondamentaux de la gestion des services collectifs.

L’organisme aura deux rôles fondamentaux: concevoir les politiques, programmes et priorités en fonction des besoins de la population de sont territoire; mettre en œuvre les programmes et offrir les services aux citoyens.

À ce titre, il aura à gérer des services et des équipements, et utiliser les ressources de façon cohérente. Aux fins d’assurer l’efficacité de ses actions, il aura à développer une capacité technique et administrative répondant aux besoins de la population.

Une structure autonome.
La décentralisation suppose une autonomie de gestion, de fonctionnement et de financement. Il importe que les organismes envisagés disposent d’une base territoriale suffisante, d’une capacité réglementaire ainsi que de ressources fiscales dont ils pourront disposer selon leurs priorités. Les organismes à mettre en place ne doivent pas être un prolongement du bras exécutif de l’État non plus qu’une sorte de fédération des municipalités.

Une structure démocratique.
Les gestionnaires de la structure proposée doivent être désignés le plus démocratiquement possible par la population concernée. Si l’État se doit de définir le cadre juridique qui lui permettra d’opérer, il ne doit pas en contrôler directement les leviers de commande et de fonctionnement.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 42 et 43.

Il existe plusieurs types de décentralisation; la décentralisation politique et la décentralisation administrative entre autres. La décentralisation politique implique une indépendance et une autonmie des organismes tant dans la gestion des affaires, la prise de décision, que dans le choix de leurs dirigeants. La décentralisation administrative implique elle aussi une grande autonomie décisionnelle dans la gestion des affaires et responsabilités, mais laisse un rôle important au gouvernement dans le choix des dirigeants de l’organisme. Il existe un lien administratif avec le gouvernement central, mais il est moins direct. Disons que c’est plus une “franchise” du gouvernement qu’un bureau régional.

Dans le projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977, il était question ici de décentralisation politique. Comme nous le verrons plus loin, on proposait l’élection des dirigeants de ces organismes au suffrage universel. On parlait ni plus ni moins de gouvernement régionaux et non de bureaux régionaux.

Les objectifs de la décentralisation (suite).

«... du point de vue de l’État.
Trois objectifs peuvent être fixés, du point de vue de l’État: re-centrer le rôle de l’État; augmenter le rendement administratif; clarifier les relations entre l’État et les collectivités locales.


Re-centrer le rôle de l’État:
Il apparaît nécessaire de re-centrer l’action de l’État sur son rôle fondamental, soit un leadership dans l’établissement des orientations de politiques générales et dans la planification d’ensemble. L’État doit suivre l’évolution, évaluer les situations et effectuer les arbitrages qui s’imposent. Il devra préciser également tant les procédures d’application des lois et règlements que les recours qui sont donnés aux citoyens. Pour ce faire, l’État devra informer mieux les citoyens, en leur fournissant les données de base à la compréhension générale des problèmes.

Optimiser le rendement administratif.
Il s’agit donc de retrouver un nouvel équilibre entre les éléments essentiels des politiques et des fonctions de gestion et de contrôle. On devra donc alléger l’appareil gouvernemental de fonctions de gestion et de tâches administratives qui lui sont difficiles de bien remplir pour satisfaire les besoins.

La décentralisation vise à optimiser le rendement administratif tant de l’État central que des organismes décentralisés. En termes concrets, cela implique qu’il faut chercher à répartir les pouvoirs de façon telle que leur exercice soit efficace. On n’encombrera donc pas d’administration centrale de responsabilités sur des questions qu’elle est incapable de juger de façon adéquate et qui n’ont pour résultat que d’engorger ses circuits décisionnels. Ceci permettra d’éviter, par exemple, qu’une polyvalente investisse dans l’achat d’un stock audio-visuel qui demeurera inutilisé parce que non nécessaire (cet investissement étant effectué pour ne pas perdre l’inscription budgétaire pour l’année suivante).

L’État, comme les organismes décentralisés, devra donc préciser ses critères de performance, afin de rendre compte aux administrés du rendement des administrateurs.

Clarifier les relations entre l’État et les collectivités locales.
Un dernier objectif consiste à simplifier et à améliorer les relations entre les gouvernements locaux et l’État. Il s’agit de mettre un terme aux pèlerinage à Québec, auprès des nombreuses administrations de l’État. Par la définition d’un cadre de relations claires et l’arrêt des interventions ponctuelles des administrations dans la gestion des collectivités locales, on assainira leurs relations et on les obligera à bien déterminer leurs responsabilités respectives et leurs responsabilités vis-à-vis la population.

Il s’agit d’un objectif-clé de la décentralisation. Cela suppose une acceptation claire par l’administration gouvernementale du contenu de la décentralisation, tant au palier des hommes politiques qu’à celui des gestionnaires de l’État qu’à celui des citoyens. De nouvelles règles du jeu doivent être établies et respectées. Il faudra accepter la logique fondamentale propre à la décentralisation qui est le droit à la prise de décision et, donc, le droit à l’”erreur”, vu dans l’optique des appareils centraux et des citoyens.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 40 et 41.

dimanche 18 mars 2007

Les objectifs de la décentralisation (suite).

L’adéquation aux besoins.
«La décentralisation des pouvoirs doit répondre à l’objectif de l’adéquation aux besoins des services offerts, en tenant compte des particularités et des priorités du milieu.

En effet, l’action gouvernementale, qui de par sa nature est normalisée, ne peut tenir compte des particularismes locaux et des différentes aspirations de la population d’un endroit à l’autre. Afin que l’adéquation se fasse au profit des priorités du milieu, il est essentiel que les pouvoirs soient près de ce milieu. Il en résultera une meilleure utilisation des ressources.

Les besoins du milieu sont multiples. Cependant, certains d’entre eux sont de nature essentielle: les besoins de santé, d’éducation, de logement, etc. Pour certains de ces besoins, l’État les a littéralement pris en charge (éducation et santé); pour d’autres, l’État légifère, réglemente, fournit une aide financière aux citoyens pour que ceux-ci les prennent en charge. Or, loin des réalités concrètes du vécu quotidien, l’État n’a pas toujours su répondre adéquatement aux multiples situations résultant de la diversité des milieux et des cas individuels.

La cohérence de l’action et des services.
L’intégration des fonctions constitue la façon la plus efficace d’atteindre l’objectif de cohérence de l’action et des services. Cette intégration est difficile à réaliser au niveau gouvernemental parce que la préoccupation dominante y est d’abord sectorielle et d’arbitrage intersectoriel. Les actions sur le territoire pourront mieux s’intégrer si elles se situent à un niveau plus bas, plus près de la population.

Il sera possible d’atteindre cet objectif étant donné l’échelle “plus humaine” de l’organisme décentralisé, étant donné également que les gestionnaires seront plus facilement accessibles et qu’ils agiront sur un territoire limité. Il est vraisemblable de croire que ces gestionnaires pourront répondre plus rapidement et de façon plus adéquate aux demandes.

Par ailleurs, les citoyens devraient avoir accès, à un endroit bien identifié, à l’ensemble ou la plupart des services de première nécessité (santé, aide sociale, aide juridique, services aux personnes âgées, etc.).

La transparence des structures et des responsabilités.
Pour remplacer la confusion actuelle dans laquelle tous et chacun ont de fortes chances de se perdre, on doit viser une transparence au niveau des structures politiques et administratives. Pour ce faire, il faut unifier les lieux où sont exercées les fonctions décentralisées de telle sorte que le centre de responsabilités soit clairement identifié.

Le citoyen pourra faire reconnaître ses droits en un lieu et y rencontrer les responsables plutôt que de se retrouver dans des situations où il ne sait pas à qui, où et comment en appeler.

D’autre part, pour atteindre cet objectif, certains préalables devront être acquis afin que les responsabilités soient identifiées. Il est donc nécessaire d’avoir une définition claire des objectifs et des rôles qui en découlent. Deuxièmement, les enveloppes financières devront appartenir en propre aux organismes qui décideront de leur affectation. Troisièmement, les critères d’évaluation de la performance devront être précisés au départ. Enfin, les actes administratifs devront relever d’autorités facilement identifiables.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 38 et 39.

jeudi 15 mars 2007

Les objectifs de la décentralisation.

«En somme, depuis 15 ans, deux tendances importantes ont marqué les interventions publiques: la centralisation et la bureaucratisation. Celles-ci ont affecté non seulement l’administration publique québécoise, mais aussi toutes les organisations. Les propositions de décentralisation contenues dans ce Livre blanc vont mettre un frein à la centralisation mais n’apporteront pas de réponse comme telle à la bureaucratisation, qui est un phénomène plus large. Le corollaire de la décentralisation, au niveau gouvernemental, sera donc de revoir les processus de décision, le contenu de la réglementation et les procédures utilisées. Cette lourde tâche sera entreprise parallèlement et conjointement avec la mise en œuvre de la décentralisation.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, p. 33.

C’est ainsi que se terminait la présentation du contexte global de la décentralisation. Nous sommes maintenant rendu à la présentation des objectifs visés par le projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977. C’est le chapitre 2 du document. On retrouve deux types d’objectifs: les objectifs généraux et les objectifs opérationnels. Les objectifs généraux se divisent en deux groupes, soient ceux “du point de vue du citoyen”; et ceux “du point de vue de l’État”.

«Quatre objectifs peuvent être fixés, du point de vue du citoyen: la responsabilité des décisions aux citoyens; l’adéquation aux besoins; la cohérence de l’action et des services; la transparence des structures et des responsabilités.»

Le premier objectif est “la responsabilité des décisions aux citoyens”.
«Dans un monde où tout devient dépersonnalisé et où les sentiments d’appartenance et de responsabilité s’effritent, il est essentiel de redonner aux citoyens un cadre et des moyens de reprendre en main leur devenir collectif et individuel en rapprochant les centres de décision.

L’expression démocratique ne peut se limiter à un vote pour l’élection d’un député tous les quatre ans ou à la participation de minorités à des élections plus ou moins représentatives (patients d’hôpital, parents dans les écoles, etc.), ou d’”élections” par acclamation (fréquentes dans les domaines scolaire et municipal).

La revalorisation de l’expression démocratique et le développement du sens des responsabilités de la population sont les objectifs que les organismes décentralisés devront permettre d’atteindre. De plus, le rapprochement des centres de décision permettra d’avoir une décision plus rapide et plus adéquate.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 37 et 38.

L’objectif est de permettre au citoyen d’avoir une influence sur les décisions qui touchent les affaires locales par l’entremise d’instances locales.

Des municipalités sur le B.S?

Je fais une courte pause dans la présentation du Projet de Livre blanc sur la décentralisation (1977). La FQM tient ce 14 mars 2007, un «Forum sur les municipalités dévitalisées». Voici la mise en contexte faite par la FQM.

«Pour assurer la pérennité de leur communauté et un avenir à leurs citoyens, plusieurs municipalités font face à de nombreux défis. Nous pensons notamment à l'occupation du territoire, la consolidation et la diversification de l'économie et de l'emploi, la mise en valeur des ressources ainsi que la desserte de services.

Le déclin, l'exode et le vieillissement de la population, les infrastructures inexistantes ou inadéquates, la dégradation du milieu bâti, l'effritement de la base traditionnelle de l'économie, la disparition ou la désorganisation des services de proximité et le chômage chronique sont autant de facteurs qui contribuent à l'isolement d'un nombre de plus en plus important de municipalités rurales au Québec.

Malgré la grande volonté des élus, les constats sont parfois loin des attentes. On assiste parfois à l'appauvrissement de la qualité de vie des personnes qui souhaitent continuer à vivre dans leur milieu d'appartenance.»

Jusqu’ici, tout va bien, il n’y a rien à redire. Il n’y a rien de mal à ce que ces personnes souhaitent continuer à vivre dans leur milieu d’appartenance. Cette position à été vigoureusement défendues par les opposants aux fusions municipales en 2000. Voyons la suite:

«La Fédération Québécoise des Municipalités a demandé, par le biais d'une résolution adoptée en assemblée plénière le 30 septembre 2006, que le gouvernement du Québec reconnaisse pleinement le droit de ceux et celles qui ont choisi de vivre en milieu rural dans de petites communautés et de reconnaître la nécessité, notamment face au défi démographique, de les soutenir dans l'exercice de cette liberté de choix.»

Si j’ai bien compris, la FQM demande au gouvernement de développer un programme “d’assistance sociale” pour les petites municipalités “dévitalisées”. C’est tout? Il n’y a pas d’autres solutions proposées, pas de nouvelles idées de développement, rien? On demande au gouvernement de s’occuper de nous car nous en sommes incapables. C’est un bonne exemple de déresponsabilisation. Vous avez un problème, demandez au gouvernement de vous trouver une solution (que vous vous empresserez de dénoncer parce qu’elle ne répond pas à vos besoins que vous n’avez pas réussi à présenter parce que vous pensiez que le gouvernement connaissait les problèmes que vous viviez ...).

S’il n’y a pas eu d’avancée en terme de décentralisation au cours des 30 dernières années, c’est peut-être parce que les municipalités n’en veulent pas; ne veulent pas plus de pouvoirs et, surtout, pas plus de responsabilités. Elles veulent exercer leur libre choix de rester toutes petites, mais elles veulent que le gouvernement du Québec leur viennent en aide pour le demeurer. Je le répète, les regroupements municipaux ne sont pas la panacée et ne règlent pas tout les problèmes. Il existe beaucoup d’autres solutions pour aider au développement de petites municipalités rurales “dévitalisée”. Par contre, les regroupements peuvent devenir nécessaires lorsqu’il y a un manque total de volonté de la part des élus locaux (ou de leur association) à trouver des solutions à leurs problématiques. Ce n’est pas en quémandant au gouvernement de leur porter assistance qu’on démontre une volonté de développement.

Remarquez que je peux être complètement dans le champs dans mon interprétation des demandes de la FQM.

mardi 13 mars 2007

Réformes municipales (suite).

Je poursuis la présentation du bilan des réformes gouvernementales des années 1960 pour le secteur municipal que nous retrouvons dans le Projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977. Le document fait le point sur l’aménagement et les communautés urbaines.

D’abord, l’aménagement.

«Pour ce qui est de l’aménagement, les études et les propositions se sont succédées du rapport de la Commission provinciale d’urbanisme (rapport La Haye, 1968) au projet de Loi de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire de 1972. Encore là, aucune mesures préconisées n’a été adoptée et l’urbanisme local souffre encore d’une absence de vision d’ensemble cohérente et de lien avec la planification socio-économique, de sa non-intégration au processus décisionnel local et du fractionnement municipal excessif. Au lieu de se voir comme complémentaires, les municipalités se voient comme concurrentes et leur plan d’urbanisme, lorsqu’elles en ont, se veut autarcique. Aussi, les différents usages du sol actuels et proposés sont souvent irréconciliables d’une municipalité à l’autre. Les zones industrielles sont fractionnées rendant de ce fait toute administration efficace de ce domaine impossible. Des zones résidentielles sont enserrées dans des zones industrielles, d’autres se développent dans des zones sujettes aux inondations. Les municipalités se concurrencent pour se donner des équipements coûteux qui sont souvent sous-utilisés. Les faibles densités de population interdisent le transport en commun et augmentent la dépendance envers l’automobile. Cette liste de problèmes, est loin d’être exhaustive, il va sans dire. Elle est reprise avec plus de détails dans le Livre blanc sur l’aménagement et l’urbanisme.»

Les communautés urbaines:
«La création des communautés urbaines, en 1969, a certes constitué le geste le plus important du Gouvernement dans le secteur municipal. Au total, trois organismes ont été créés (Communauté urbaine de Montréal, Communauté urbaine de Québec et Communauté régionale de l’Outaouais), rassemblant environ 2,750,000 personnes dans 87 municipalités et administrant près de 70% de toutes les dépenses municipales du Québec. La communauté urbaine constitue une collectivité décentralisée dont le rayonnement couvre une agglomération formée de plusieurs municipalités. Pour exercer ses compétences obligatoires et facultatives, elle dispose d’un conseil, d’un comité exécutif et d’une administration. Ses dépenses sont financées au moyen de contributions en provenance des municipalités membres en proportion de leur évaluation foncière. Même si elles existent depuis 1969, les communautés urbaines ont été jusqu’à maintenant assez mal acceptées par l’ensemble des citoyens, étant incapables de susciter une véritable conscience métropolitaine sur leur territoire. Pour les citoyens, il s’agit d’un palier bureaucratique additionnel sur lequel ils n’ont pas de contrôle direct du fait que les membres du conseil ne sont pas élus au suffrage universel. Pour ce qui est des fonctions exercées, on a constaté que les problèmes métropolitains ont été abordés un à un, sans vision d’ensemble, sans coordination et sans que soient établis des objectifs et des priorités dans les différents champs d’activités.

En résumé, le secteur municipal a donc subi peu de transformations majeures, si l’on excepte la mise en place des trois communautés urbaines. Aussi face aux mutations profondes et aux nouveaux problèmes qui affectent leur territoire, les municipalités sont dans une position de plus en plus difficile pour répondre efficacement aux besoins et aux exigences de leurs résidents. La faible taille de la très grande majorité des municipalités fait aussi qu’il est impossible d’effectuer une décentralisation véritable à ce palier.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 20 et 21.

«La faible taille de la très grande majorité des municipalités fait aussi qu’il est impossible d’effectuer une décentralisation véritable à ce palier.» Et on se demande pourquoi le Gouvernement Charest n’a pas livré la marchandise en terme de décentralisation; parce que le palier municipal ne s’y prête pas.

lundi 12 mars 2007

Réforme municipal: le calme plat.

Le bilan des réformes gouvernementales des années 1960 présenté dans le Projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977 est plutôt mince pour le secteur municipal. On constate que de nombreuses études ont été faites mais qu’il y a eu peu de réalisations.

«Le secteur municipal, contrairement à l’éducation et aux affaires sociales, n’a pas fait l’objet d’une réforme globale. Diverses études d’ensemble ont cependant été faites et rendues publiques. Mentionnons le “Plan REMUR” de 1970 (Renouveau municipal et régional) qui prévoyait la formation de quatre communautés urbaines qui se seraient ajoutées aux trois déjà constituées, ainsi que seize communautés régionales. Ces institutions devaient s’occuper de l’aménagement régional et urbain, de l’habitation, de l’assainissement des eaux et de la fourniture d’eau potable. En 1971, la “Proposition de réforme des structures municipales” projette la création de 131 communautés municipales coiffant les municipalités locales. Ces communautés devaient prendre en main l’aménagement du territoire, la promotion industrielle, l’évaluation foncière, le traitement des données, les voies de circulation, l’environnement et les offices d’habitation.

Au début de 1976, le Groupe de travail sur l’urbanisation (Groupe Castonguay) remet sont rapport. Ce document constitue la seule étude de toutes les dimensions de ce phénomène.

Aucune des recommandations principales de ces études n’a été appliquée jusqu’à maintenant. Signalons, par ailleurs, que toutes ces propositions de réformes ont voulu consacrer le caractère essentiellement décentralisé et autonome du secteur municipal, tout en le remodelant plus ou moins afin de lui permettre de mieux répondre à des situations et à des exigences nouvelles. La diffusion récente du “Manuel de normalisation de la comptabilité municipale” et la réforme graduelle de l’évaluation foncière procèdent de cette même philosophie.

Les quelques cas de restructuration municipale (Laval, Gaspé, Percé, Mirabel, ...) réalisés ces dernières années, peu nombreux, ont été fait sans vue d’ensemble. Ils illustrent également l’absence de la part du Gouvernement d’une politique urbaine et d’une cohérence de ses actions face aux municipalités. Ainsi les politiques gouvernementales sont parfois contradictoires et un certain nombre de programmes (comme les subventions d’équilibre budgétaire) ont en pratique pour but ou pour résultat de permettre aux petites municipalités de se tirer d’affaires “seules” et de proclamer leur absence d’intérêt pour tout regroupement même volontaire. De même, le Gouvernement exige des seules municipalités de la Communauté régionale de l’Outaouais d’avoir des plans conformes à celui de la communauté ou encore de la seule ville de Montréal d’avoir un programme triennal de dépenses capitales.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 17 et 19.

Constat, le découpage du territoire en de multiples municipalités de tailles diverses rend difficile “le contrôle efficace du développement, l’utilisation rationnelle des infrastructures et équipements et l’aménagement harmonieux du territoire”. De plus, les petites municipalités se plaignent du peu de budget qu’ils ont à leur disposition et demandent sans cesse au gouvernement de leur octroyer plus d’argent. On se souvient du “cri d’alarme” lancé régulièrement par la FQM demandant plus de moyens pour les petites municipalités qui, pour certaines, on de la difficulté à trouver de la relève pour combler les postes de maire ou de conseillers. Et le gouvernement de les écouter, notamment avec la signature d’un pacte municipal fort intéressant. Mais on ne verra pas ces mêmes petites municipalités, jalouses de leur autonomie et de leurs pouvoirs, envisager, même sur une base volontaire, l’éventualité d’un regroupement.

Mais, le regroupement, bien que parfois souhaitable, n’est pas toujours la meilleure solution.

Le municipal.

Le troisième point du contexte général des réformes gouvernementales depuis 1960 présenté dans le document “Projet de Lvre blanc sur la décentralisation” du 12 décembre 1977 porte sur le secteur municipal. La première partie porte sur “l’ordre des problèmes municipaux”:

«Au début des années ‘60, le régime municipal du Québec donnait l’impression d’un monde figé dans le temps où les nombreuses municipalités reflétaient l’ancienne organisation paroissiale et la séparation du rural et de l’urbain. De fait, il existait 1 672 municipalités dont 206 villes et cités, 336 municipalités de villages et 1 100 municipalités rurales. À cela, il faut ajouter 71 municipalités de comté (regroupant les villages et les municipalités rurales), la Corporation interurbaine de l’Île Jésus et la Corporation de Montréal métropolitain. La réalité socio-économique était tout autre. Déjà, l’on percevait les effets de l’industrialisation et de l’urbanisation. Avec l’apparition et le développement des banlieues, les villes s’étalaient, des agglomérations se formaient et la densité moyenne des communautés traditionnelles décroissait. De sérieux problèmes d’équipements et d’infrastructures se posaient aux diverses municipalités urbaines. Les municipalités rurales commençaient à vivre au rythme des villes grâce aux moyens de communication et notamment l’amélioration du réseau routier. La frontière traditionnelle entre le rural et l’urbain s’estompa rapidement. Désormais, ces deux mondes se distingueront plus au niveau des densités d’occupation du sol qu’au niveau des mentalités des populations.

Depuis 1960, les tendances remarquées auparavant se sont accentuées de sorte que le régime municipal québécois compte en 1976, 1 511 municipalités dont 257 cités et villes, 251 municipalités de villages et 998 municipalités rurales. Sont apparues par ailleurs les Communautés urbaines de Montréal et de Québec et la Communauté régionale de l’Outaouais. Ainsi, 90% des municipalités ont moins de 5000 habitants et on y trouve 26% de la population du Québec; 52% en ont moins de 1000. Seulement 89 municipalités on plus de 10 000 habitants. Il faut constater, par ailleurs, que 60% de la population vit dans les territoires des communautés urbaines et régionale.

Cette absence de concordance du territoire socio-économique avec le territoire juridique des municipalités perpétue la coexistence sur un même territoire de municipalités de taille et de capacité différente. Elle rend, de plus, fort difficile le contrôle efficace du développement, l’utilisation rationnelle des infrastructures et équipements et l’aménagement harmonieux du territoire. Elle rend aussi fort aléatoire le partage des ressources et des coûts engendrés par l’urbanisation. Enfin, il faut noter l’absence de responsabilité politique pour faire face aux problèmes intermunicipaux qui affectent maintes municipalités de même que l’augmentation marquée de l’importance relative de subventions gouvernementales dans les budgets municipaux.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 16 et 17.

jeudi 8 mars 2007

Le social (suite)

Je poursuis la présentation du contexte général des réformes gouvernementales depuis 1960 et les résultats en 1977 tel que présenté dans le document Projet de Livre blanc sur la décentralisation. Le social deuxième partie.

«Ces pouvoirs ont fait du ministère des Affaires sociales le maître-d’œuvre de plusieurs réformes entreprises au cours des dernières années, réformes qui ont toutes eu pour objectifs d’améliorer l’accès à des services de qualité et pour conséquences de placer sous le contrôle du ministère plusieurs services et responsabilités autrefois dispensés par le secteur privé:

- adoption de la Loi de l’aide sociale et mise en place d’un réseau gouvernemental pour la distribution de cette aide (bureaux locaux et régionaux de l’aide sociale);
- fusion de la multitude des agences sociales et quatorze (14) centres de services sociaux (CSS) responsables de la distribution de l’ensemble des services sociaux à la population;
- mise en place d’environ quatre-vingt (80) centres locaux de services communautaires (CLSC); c’est la première intervention importante de l’État dans le secteur des services sociaux et des services de santé de première ligne, secteur qui avait toujours été, jusque là, la chasse-gardée de l’initiative privée;
- mise en place, dans trente-deux (32) hôpitaux généraux, de départements de santé communautaire (DSC) responsables de la santé publique;
- création, dans chaque région administrative, d’un conseil régional de la santé et des services sociaux (CRSSS) chargé de développer la participation des citoyens à la gestion des établissements, de conseiller le ministère sur les besoins de la population et les meilleurs moyens de les satisfaire, et de promouvoir, au sein des établissements et entre eux, une meilleure coordination des ressources;
- mise en place de ressources légères (foyers de groupe, familles d’accueil, centres de jour, services et soins à domicile, etc...) afin de favoriser le maintien à domicile et la réinsertion sociale des personnes âgées et des jeunes mésadaptés et, partant, de diminuer leur hébergement en centre d’accueil (CA).

Ces pouvoirs ont également fait du ministère des Affaires sociales un intervenant dans les moindres détails de la pratique quotidienne des soins de santé et sociaux. (...)

Afin de tempérer cette centralisation encore accentuée par la négociation, à l’échelle du Québec, des conventions collectives régissant les conditions de travail de tous les employés du réseau des affaires sociales, on a jeté les bases d’une certaine décentralisation en confiant à des conseils d’administration autonomes la gestion des centres hospitaliers (CH), des centres d’accueil (CA), des centres de services sociaux (CSS) et des centres locaux de services communautaires (CLSC). Cependant, si l’on fait un bilan, on constate que les objectifs généraux de la réforme ont été atteints, mais on se rend compte également des faits suivants:

- La nécessité d’obtenir continuellement l’autorisation du ministère a vidé de son sens de la participation que recherchait le Gouvernement et a amené une diminution rapide de la marge de manœuvre des conseils d’administration, qui s’interrogent de plus en plus sur leur rôle dans le système.
- Le citoyen se sent de plus en plus étranger face à un réseau qui se complexifie et à des établissements qui se spécialisent, et ce, malgré les efforts qu’a consentis le ministère pour clarifier les responsabilités respectives de chaque catégorie d’établissement. Ce phénomène est d’ailleurs accompagné d’une déshumanisation grandissante des services à la population.
- Les efforts et le temps investis par le ministère au niveau de l’allocation des ressources aux établissements (postes, budgets, plans d’organisation, immobilisations, équipements), tout en lui donnant l’impression de contrôler le développement de son réseau, ne l’ont pas amené vraiment à vérifier si les sommes étaient effectivement utilisées pour les fins pour lesquelles elles ont été versées non plus qu’à évaluer les différents programmes et services mis en œuvre.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 13 à 16.

Près de 30 ans après que ce constat a été fait, mais pas rendu public il faut le rappeler, on pourrait presque dire, en suivant l’actualité dans ce secteur, qu’il n’y a pas eu de changement. On parle encore de déshumanisation des services, on va encore à l’urgence de l’hôpital pour une grippe ou un mal de tête, et la gestion des établissements se fait encore dans la confusion (C difficile, urgence qui déborde, pénurie d’infirmière alors que plusieurs ont encore un statut précaire après plus de 10 ans de services pour le même établissement, etc.). Et chacun se renvoie la balle en se disant non responsable de la situation. Les plus simples d’esprit s’empresseront de blâmer le gouvernement en oubliant que la grande majorité des réformes proposées par les gouvernements qui se sont succédés à Québec se sont frappées aux différents groupes de pressions (syndicats, médecins spécialistes, administrateurs, etc.) qui composent ce complexe secteur. Certains de ces groupes sont passés maître dans l’art de faire déraper les initiatives des gouvernements pour améliorer les services de santé et services sociaux tout en prenant le temps de demander plus d’argent; certains de ces groupes allant même jusqu’à faire du chantage devant les médias. On demande toujours plus d’argent, mais cherchent-on vraiment à vérifier si les sommes versées sont effectivement utilisées pour les fins pour lesquelles elles l’ont été ou à évaluer les différents programmes et services mis en œuvre?

mercredi 7 mars 2007

Le social

Nous sommes encore dans la première partie du document (Projet de Livre blanc sur la décentralisation) qui présente le contexte général des réformes gouvernementales depuis 1960 et les résultats en 1977. Nous avons vu l’état de la situation pour la fonction publique et le secteur de l’éducation. Nous verrons aujourd’hui celui du secteur social. Je le rappelle, ce constat a été fait il y a près de 30 ans. Retour en arrière.

«Depuis 1960, le secteur des affaires sociales et de la santé a fait l’objet d’une vaste réforme. Avant 1960, ce secteur se caractérisait par deux traits principaux:

L’action gouvernementale se limitait essentiellement à fournir les ressources financières aux organismes et établissements qui dispensaient certains services à la population. Ces ressources étaient légères et ne constituaient qu’une faible partie des contributions investies par les québécois dans ce secteur. Essentiellement, ce secteur était pris en charge par la charité privée: les établissement étaient contrôlés pour la plupart par les congrégations religieuses et l’Église.

Chaque communauté ou chaque organisme, d’une façon très autonome, assumait la coordination nécessaire pour dispenser les soins, mais sans plan d’ensemble. Une telle organisation avait pour conséquences: d’établir une accessibilité différente aux services selon les régions et les revenus des citoyens; un dédoublement des services d’un établissement à l’autre; une balkanisation du réseau, les établissements n’étant pas reliés les uns aux autres que très informellement; et enfin, un développement anarchique et inefficace des services à la population.

En 10 ans, par les réformes de l’assurance-hospitalisation (1961), de l’assistance-médicale (1966) et de l’assurance-maladie (1970), l’État devient le principal sinon l’unique bailleur de fonds pour le fonctionnement du réseau des affaires sociales; la charité privée et les clients ne jouent qu’un rôle de plus en plus marginal. L’expansion rapide des fonds publics investis dans le secteur des affaires sociales, qui vise d’abord à rendre plus accessibles les services de santé à l’ensemble de la population, devait logiquement conduire le Gouvernement à vouloir résoudre les problèmes de gestion du système qu’avait fait naître le modèle d’organisation antérieur. L’adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (1971) et la mise sur pied du ministère des Affaires sociales (1970) complètent l’ensemble des instruments visant à rendre le Gouvernement responsable de ce secteur d’activités.

Le ministère des Affaires sociales, par son ministre, autorise la mise sur pied ou la fermeture de tout établissement, décide de sa vocation, des services qu’il dispensera, de son organisation et des moyens humains, financiers et matériels dont il disposera pour réaliser sa mission. Ses pouvoirs lui permettent de fixer les priorités de développement du réseau des affaires sociales, tant en terme de programme et d’équipement qu’en terme de population à desservir.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 12 et 13.

Normalisation, centralisation et désorientation.

Deuxième problème rencontré par la réforme de l'éducation des années 1960: «la normalisation poussée en matière de revenus, de dépenses, d’activités éducatives, de gestion des ressources matérielles, laisse peu de place aux décisions locales».

«Dans l’esprit de la réforme, la normalisation des équipements, de l’impôt foncier etc., visait essentiellement la péréquation et la parité des services selon le principe de la justice distributive. Vue centralement, cette mesure administrative ne se voulait pas centralisatrice, car la perte de l’impôt foncier normalisé était compensée par les subventions d’équilibre budgétaire. Vue localement, la normalisation fut perçue comme une centralisation, car elle entraînait une diminution de l’autofinancement des instances décentralisées. L’établissement de normes communes provinciales risque souvent d’entraîner une inadéquation entre les ressources disponibles et les besoins réels d’un milieu donné. La normalisation, tout en étant neutre par définition, a permis au palier central de fixer des valeurs qui ont été imposées à toutes les commissions scolaires, conduisant ainsi à:
- une mauvaise adaptation des services aux besoins locaux;
- un désintéressement des citoyens des organismes locaux d’éducation;
- l’absence d’incitation pour les commissions scolaires à utiliser rationnellement leurs ressources financières et matérielles;
- une baisse de motivation et de dynamisme des agents locaux d’éducation.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, p. 10.

Une autre problématique constatée dans le document est le fait que «la centralisation des conventions collectives rend difficile l’adaptation des ressources humaines aux réalités du milieu.» Voici le constat fait en 1977:

«La centralisation des conventions collectives, au plan provincial, a limité la décentralisation du système d’éducation. La normalisation des conditions de travail pour l’ensemble du personnel des commissions scolaires n’incite pas ces dernières à utiliser rationnellement leurs ressources humaines en fonction de leurs besoins propres et à les adapter aux réalités quotidiennes. Cependant, la normalisation des conventions collectives (plus de 70% du budget des commissions scolaires est consacré aux salaires), ne peut être imputé essentiellement à la réforme scolaire; car cette normalisation est davantage le résultat des politiques de relations de travail entre le Gouvernement et ses employés.»

Autre problématique, «l’insuffisance d’orientations en terme d’objectifs de formation».

«On l’a trop souvent répété: la réforme du système d’éducation fut principalement axée sur les équipements, les structures et le financement scolaire. Pour plusieurs, la véritable réforme pédagogique, c’est-à-dire celle touchant les contenus de formation et les méthodes d’enseignement, reste encore à faire. Même s’il fallait, au début de la réforme, parer au plus urgent, cette quasi et trop longue absence de préoccupations concernant les orientations et les objectifs de formation ont conduit à:
- une insatisfaction vis-à-vis des programmes;
- l’impossibilité d’évaluer la qualité des apprentissages malgré les nombreux instruments de gestion et de contrôle pédagogique imposés par le ministère;
- la confusion vis-à-vis l’implantation de nouvelles méthodes pédagogiques.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 11 et 12.

Insatisfaction vis-à-vis des programmes; impossibilité d’évaluer la qualité des apprentissages et confusion vis-à-vis l’implantation de nouvelles méthodes pédagogiques. On pourrait prendre ce constat fait il y a près de 30 ans et le copier/coller dans un document d’aujourd’hui sans être accusé de plagiat. Il y a beaucoup de critique vis-à-vis des nouveaux programmes au primaire et au secondaire; il est très difficile d’en évaluer les résultats en raison du manque d’analyse ou d’objectivité des critiques. Enfin, il est toujours difficile d’implanter de nouvelles méthodes pédagogiques car il existe toujours des éléments qui ont comme principale stratégie d’action la résistance au changement.

mardi 6 mars 2007

Pronostic.

Afin d’évaluer une politique, il est bon de se rappeler des objectifs de celle-ci. Dans le cas de la politique de l’éducation des années 1960, les objectifs étaient de:
- donner à chacun la possibilité de s‘instruire;
- rendre accessibles à chacun les études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts;
- enfin, préparer l’individu à vivre en société.

Le but de la réforme était de rattraper le retard de la société québécoise en matière d’éducation. On peut dire aujourd’hui que ces objectifs ont été remplis et qu’ils le sont encore actuellement. Le taux de scolarisation actuel et l’accessibilité des études en sont une preuve formelle. Rappelons-nous que le taux de scolarisation était d’à peine 30% dans les années 1960. À combien se situe-t-il aujourd’hui? Je vous laisse répondre. Voici un aperçu de pronostic de cette réforme que l’on retrouve dans le projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977. Retour en arrière:

«La présence de l’État et l’injection massive de fonds publics dans le système d’éducation allaient provoquer des changements au sein de la gestion du système d’éducation et bousculer des habitudes et des mentalités, tout en permettant d’atteindre les objectifs généraux de la réforme. Après plus de 12 ans, la réforme a peu affecté la structure juridique des instances décentralisées mais a suscité des problèmes aigus de fonctionnement éprouvés par le système et un certain degré d’insatisfaction des utilisateurs des services vis-à-vis la qualité de ces services.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, p. 9.

Alors, qu’est-ce qui ne va pas avec le système d’éducation aujourd’hui? Tout comme en 1977, c’est un problème de fonctionnement, de gestion et d’organisation. À l’époque, on ne s’est pas trop poser de questions sur la gestion et le fonctionnement du système qui allait être mis en place. Il fallait construire des écoles pour accueillir tous ces nouveaux élèves et leur offrir une éducation qui allait mener à l’obtention d’un diplôme quelques années plus tard. Comme aujourd’hui, c’était le taux de "diplomation" qui comptait le plus et non la qualité d’enseignement. Et tout le monde y est allé avec sa méthode, sa théorie et, surtout, la défense de ses intérêts. Cette approche éclatée a provoqué un dysfonctionnement du système d’éducation qui, si on le compare à la situation actuelle, n’a pas encore été solutionné. Voyons ce que l’on disait de la situation il y a près de 30 ans. Nous commençons par le problème venant de la confusion des rôles et responsabilités entre le ministère et les commissions scolaires.

«Cette confusion vient, en grande partie, de l’absence d’une définition claire de ces rôles et responsabilités dans une contexte où les commissions scolaires possèdent les caractères essentiels d’organismes décentralisés et où le ministère et le Gouvernement pratiquent une gestion décentralisatrice. Rappelons Rappelons que le ministre de l’Éducation joue un rôle prépondérant dans l’administration des lois relatives à l’éducation. Légalement, le ministre est en mesure d’assumer les responsabilités du chef du système scolaire. Il possède des pouvoirs de réglementation et de contrôle de toutes les structures de l’éducation et ses interventions peuvent toucher à la fois les domaines administratifs et pédagogiques. L’expérience des dernières années démontre que l’attitude du ministère de l’Éducation s’est manifestée par une utilisation maximale de la loi. Les nombreux règlements et directives émanant du ministère ont conduit les corporations scolaires à être, à toutes fins utiles, des exécutants des décisions de l’autorité centrale.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, p. 9.

lundi 5 mars 2007

«Les objectifs de la réforme et son application»

Un gouvernement ne fait pas une réforme parce que ça lui tente. En général, les réformes, les politiques, les programmes et même les projets de loi sont élaborés pour répondre à un besoin ou apporter une solution à une problématique particulière. Il est important aussi de bien connaître le contexte qui a mené à faire une réforme. C’est en général ce qui est fait dans les documents de présentation de ces réformes ou politiques. On trouve aussi dans ces documents une présentation des objectifs visés par ces politiques ou ces réformes. Dans le projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977, on présente la réforme de l’éducation des années 1960 ainsi que les résultats une dizaine d’années plus tard. Retour en arrière:

«La réforme des années ‘60 se basera sur une conception de l’éducation vue comme un instrument primordial dans un projet collectif de développement, conception qui n’isole plus les problèmes scolaires des facteurs économiques, politiques, culturels et sociaux. Ses objectifs se retrouvent dans le rapport de la Commission Parent, lequel, en plus de proposer la création d’un ministère de l’Éducation, présente les trois finalités du système d’éducation:
- donner à chacun la possibilité de s‘instruire;
- rendre accessibles à chacun les études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts;
- enfin, préparer l’individu à vivre en société.

La décennie qui suit entraîne un renversement complet de la situation. L’État s’associe des partenaires locaux et régionaux et devient le maître-d’œuvre du système d’éducation. Création du ministère de l’Éducation, constitution d’un réseau complet d’institution publiques d’enseignement s’étendant de la maternelle à l’université, instauration de la gratuité scolaire jusqu’à la fin du collégial, refonte des programmes d’enseignement, extension de la fréquentation scolaire obligatoire, organisation du transport scolaire, régionalisation des commissions scolaires, etc., voilà autant de gestes qui seront posés afin de rendre le système d’éducation plus cohérent et accessible. Sur le plan financier, l’État se basera sur le principe de la justice distributive et cherchera à atteindre l’objectif de la péréquation des ressources et la parité des services en normalisant l’impôt foncier local, en octroyant des subventions statutaires et d’équilibre budgétaire et en assurant la quasi-totalité du financement des institutions postsecondaires.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 7 et 8.

Il est important de rappeler la situation de l’éducation dans les années 1960 au Québec, avant la réforme qui a mené à la création du ministère de l’éducation ainsi que de l’ensemble de réseau scolaire que l’on connaît: 7 adultes sur 10 (70%) n’avaient pas terminer leur primaire. Et sur les 30% qui poursuivaient leurs études au-delà du primaire, il y avait un taux de décrochage de 70 %. Le Québec accusait un sérieux retard sur les autres provinces du Canada quant au niveau d’éducation de ses résidents. Il y avait donc, pour le gouvernement de l’époque, urgence d’agir. Comment et à quelle vitesse? Le gouvernement devait choisir en deux options: former des maîtres pour ensuite bâtir un réseau d’éducation au fur et à mesure que les nouveaux maîtres sortiraient de l’école ou bien bâtir le réseau et les programmes d’enseignement et former les maîtres sur le tas et confier la tâche d’apporter des améliorations au programme scolaire au fonctionnaires du nouveau ministère de l’éducation. C’est cette dernière option qui fut retenue: rattraper le temps perdu.

jeudi 1 mars 2007

La réforme de l’éducation (bilan de 1977).

Je poursuis la présentation du Projet de Livre blanc sur la décentralisation de décembre 1977. Avant de procéder à une réforme, il peut être intéressant de faire le bilan des réformes précédentes. C’est ce que est présenté au chapitre 1 de la première partie du document, le «contexte général des réformes gouvernementales depuis 1970». Aujourd’hui, un bilan de la réforme en éducation, en 1977. Retour en arrière:

«”Il n’y aura pas de ministère de l’Éducation” disait, il y a quelques années, un homme politique célèbre. Il y a aujourd’hui un ministère de l’Éducation et un système scolaire qui ont pris des proportions telles que d’aucuns n’hésitent pas à le qualifier de “monstrueux”.

Rappelons, sommairement les principaux éléments de la réforme.

Les raisons de la réforme.
Au début des années ‘50, l’éducation au Québec relevait traditionnellement de l’unité familiale. Pour les catholiques, l’Église et la famille partageaient les principales responsabilités conjointement avec les institutions publiques ou privées d’éducation, sans beaucoup impliquer le Gouvernement. Au delà de l’école primaire, l’éducation demeurait davantage un privilège plutôt qu’un service public accessible à tous. Cette perception élitiste de l’éducation impliquait que l’éducation ne pouvait participer au projet collectif de développement de l’activité économique, sociale et culturelle. Cette non-reconnaissance de l’éducation n’incitait guère à définir l’État comme premier responsable du développement du système scolaire.

Au cours de la décennie 1950-1960, de nombreux facteurs, tels l’explosion des effectifs scolaires, l’industrialisation, l’urbanisation, une prise de conscience plus nette des classes sociales, etc. , ont contribué à mettre en évidence les principaux problèmes auxquels se butait le système scolaire. Administré par 8 ministères différents et par plus de 1 700 commissions scolaires, le système d’éducation manquait manifestement de cohérence tant au plan de l’administration qu’au plan des programmes d’enseignement, favorisant ainsi la dispersion et l’éparpillement des services. À ce morcellement et à ce cloisonnement des administrations scolaires s’ajoutait le problème d’inaccessibilité de l’éducation. L’absence d’un enseignement secondaire public complet dans la plupart des commissions scolaires rurales et l’appropriation presque exclusive de l’enseignement de l’enseignement secondaire par des établissements privés de capacité restreinte et de caractère sélectif maintenaient un niveau de scolarisation extrêmement bas de l’ensemble de la population. Enfin, le faible rendement des assiettes fiscales foncières locales, la non-reconnaissance, au plan budgétaire, de l’éducation comme service public et l’implication restreinte et souvent discriminatoire du Gouvernement dans l’octroi des budgets requis par la demande croissante de scolarisation faisaient en sorte que l’éducation jouissait de ressources financières nettement insuffisantes provoquant ainsi l’inégalité des services selon les régions et les individus.»

- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 6 et 7.

À suivre...