lundi 30 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (7)

Voici la sixième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les enjeux et les moyens. Je présenterai au prochain billet la conclusion de ce document.


Déconcentrer ou décentraliser : quelle option?
Déconcentration, décentralisation ou aucune de ces réponses? Choisir une option n’est pas aussi simple que cela. Deux critères doivent être considérés : les enjeux et les moyens à privilégier.

Les enjeux
Beaucoup se sont plaints de la grosseur et de la lenteur de l’appareil d’État. Dans La question régionale au Québec, Lionel Robert (1984) cite un extrait du rapport de la Commission Rochon ou il est question d’“ingouvernabilité” : «Le système devient tellement complexe, réglementé, embourbé, traversé par des conflits qu’il est à toutes fins pratiques ingouvernable» (Rapport Rochon, 1988). Face à l’inefficacité du gouvernement central, l’idée qui s’impose alors, selon la commission, est le partage du pouvoir décisionnel. Ce partage permettrait ainsi à ceux qui sont le plus en mesure de trouver des solutions à des situations qui les touchent de disposer de pouvoirs et de compétences leur permettant d’appliquer ces solutions. L’enjeu principal n’est donc pas la création de nouveaux gouvernements ou de structures nouvelles, mais le partage de pouvoirs et de responsabilités publiques du gouvernement central vers des paliers plus près des citoyens.

Les moyens
Détenir un véritable pouvoir décisionnel implique la capacité de l’utiliser de façon autonome sans avoir à attendre l’autorisation de l’État central. Une instance qui détient un tel pouvoir doit être en mesure d’appliquer et de gérer ses décisions de façon autonome. De plus, cette instance doit être indépendante du pouvoir central tant pour la nomination de ses administrateurs que pour leur révocation. Enfin, pour qu’une telle instance détienne ce type de pouvoir, il faut que le pouvoir central reconnaisse à la fois l’existence d’affaires d’un niveau autre que national et, pour cette instance, une compétence sur ces “affaires”. Ces trois conditions sont celles qui mènent à une véritable décentralisation.

mercredi 25 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (6)

Voici la cinquième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les conditions pour qu’il y ait décentralisation.

Les conditions de la décentralisation
La décentralisation implique un transfert de pouvoirs et un transfert de pouvoirs implique une décentralisation. C’est là un postulat de base sur lequel il doit y avoir unanimité. Comme nous l’avons vu précédemment, la décentralisation peut prendre plusieurs formes. Par contre, pour qu’il y ait une véritable décentralisation, trois conditions doivent être réunies. Il doit y avoir une reconnaissance d’“affaires locales” de la part du gouvernement central. Ensuite, ces “affaires locales” doivent être prises en charge par des autorités locales indépendantes du pouvoir central et reconnues par celui-ci. Enfin, ces autorités locales doivent être en mesure de gérer leurs affaires propres de façon autonome.

Reconnaissance d’affaires locales
Selon Jacques Baguenard (1980), la reconnaissance d’une catégorie d’affaires locales, distincte des affaires nationales, est la donnée première de toute décentralisation. Par contre, il note que cette notion d’affaires locales est juridiquement imprécise. Selon lui, il serait inutile de reconnaître des affaires locales si elles ne peuvent être protégées des ingérences du pouvoir central. La meilleure protection contre ces ingérences serait une ”constitutionnalisation” des affaires locales, mais cette solution serait jugée trop rigide en ne permettant pas d’adaptation. Selon l’auteur, la solution qui permettrait de palier aux exigences d’efficacité, exigences contradictoires que sont la rigueur et l’adaptabilité, serait une reconnaissance juridique des affaires locales où ces dernières seraient définies de façon claire et précise.

Prise en charge des “affaires locales” par des autorités locales indépendantes du pouvoir central
Cette indépendance des autorités locales doit être reconnue par le gouvernement central. Ces autorités doivent avoir le loisir de conduire leurs affaires sans risquer à tout moment d’être écarté, de façon définitive ou temporaire, de leurs responsabilités par l’autorité centrale.

Cette reconnaissance d’autorités locales indépendantes fait face à deux obstacles majeurs : la réticence du pouvoir central et l’absence de consensus, de la part des différents intervenants, quant à leur nature.

Tout d’abord, le pouvoir central a, comme nous l’a démontré la récente histoire de la décentralisation au Québec, de la difficulté à accepter l’existence de structures qu’il ne peut contrôler, surtout si ces dernières peuvent le contester. L’État central a souvent prôné la décentralisation, mais n’était pas prêt à en accepter les implications. Certaines compétences locales ont été reconnues, mais le pouvoir central s’est toujours laissé la possibilité d’intervenir au nom de l’intérêt général. Bien qu’il ne doive pas se départir de tous ses pouvoirs, l’État central devrait, en reconnaissant l’existence de responsables locaux, leur reconnaître des capacités de gestion. De plus, on reconnaît à ces instances une certaine autonomie mais, en oubliant de leur accorder des moyens financiers et techniques, on les empêche de l’exercer. Cette incohérence entre les discours décentralisateurs de l’État central et ses actions semble résulter d’une ambivalence entre la reconnaissance du droit à la différence et les vertus de l’égalité.

Le deuxième obstacle à la reconnaissance d’autorités locales indépendantes est la nature ou la forme que devrait prendre celles-ci. Certains prétendent que pour qu’il y ait une véritable décentralisation, il faut que les autorités locales soient élues au suffrage universel. Ceci assurerait, selon eux, leur indépendance face au pouvoir central et garantirait à la fois leur imputabilité et leur légitimité. Une telle approche résulte d’une confusion entre des questions qui relèvent de concepts différents et indépendants entre eux.

D’abord, le fait que des organes locaux soient élus ne garantit aucunement leur indépendance face au pouvoir central. Par exemple, le fait qu’un conseil municipal soit élu au suffrage universel ne le met pas à l’abri d’une mise en tutelle. Les organes locaux sont indépendants de l’autorité centrale lorsqu’ils ne sont pas soumis à cette dernière pour la nomination et la révocation de leurs dirigeants. C’est donc le mode de nomination de leurs dirigeants qui garantirait à ces organes leur indépendance. Les notions d’indépendance et de démocratie sont des concepts différents, l’un n’impliquant pas “naturellement” l’autre.

Pour ce qui est de l’imputabilité, certains prétendent que l’élection au suffrage universel des dirigeants d’organes locaux et régionaux est un gage de responsabilisation. Ici aussi on confond deux concepts qui sont indépendants l’un de l’autre. Le dictionnaire Larousse définie la responsabilité comme étant la «capacité de prendre une décision sans en référer préalablement à une autorité supérieur» (p. 842). Pour le mot responsable, deux définitions se rapportent au domaine politique : «qui doit répondre de ses actes» et «personne qui a la charge d’une fonction, qui a un pouvoir de décision». Il existe plusieurs niveaux de responsabilisation. En s’inspirant de la définition qu’apporte le dictionnaire Larousse, on peut avancer que le degré de responsabilisation est proportionnel au niveau d’indépendance, le principe démocratique n’ayant pas d’incidence.

Enfin, pour la question de légitimité, faisons un peu de philosophie politique. La légitimité, c’est la conformité à une certaine règle. Elle se réclame d’une idée morale supérieure au droit établi et qui, parfois, est assimilée à ce même droit. En fait, la légitimité relève de croyances et de mémoires validés ou, en d’autres termes, de symboles (ou de symbolique) qui définissent le champ du politique, ses frontières et ses variations. On a tendance à associer la notion de légitimité à celle d’équité ou de légalité.

L’élection d’un gouvernement au suffrage universel en garantit la légalité car cette pratique répond aux règles que nous nous sommes données. La légitimité vient du respect de ces mêmes règles. Il arrive parfois que cette légitimité soit remise en question lorsque l’appui à un gouvernement, en pourcentage, est faible. Pour un gouvernement central (fédéral ou provincial), le respect des règles démocratiques que nous nous sommes données, c’est-à-dire l’élection au suffrage universel, est essentiel. Par contre, pour une instance décentralisée, le respect de ces règles ne devraient pas être une condition sine qua non. Pour assurer la légitimité et la légalité de ces instances, il suffirait d’établir de nouvelles règles propres à leur réalité et à s’assurer qu’elles sont respectées.


La capacité de gestion autonome
Que des “affaires locales” soient reconnues par le gouvernement central, c’est bien. Que des autorités locales indépendantes du pouvoir central puissent prendre en charge leurs affaires propres, c’est bien. Mais à quoi cela sert-il si ces instances ne peuvent gérer leurs affaires de façon autonome?

Cette capacité de gérer ses affaires de façon autonome permet aux instances d’appliquer leurs propres décisions sans attendre d’avoir une autorisation quelconque du pouvoir central. La capacité de gestion autonome requiert que l’instance décentralisée ait des moyens financiers et techniques adéquats. L’octroi de ces moyens peut faire l’objet d’une entente administrative entre l’instance décentralisée et le gouvernement central qui aura recours à la péréquation.

mardi 24 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (5)

Voici la quatrième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les différents types de décentralisation qui peut exister.

Les types de décentralisation
Un survol de la documentation et de quelques ouvrages sur la question fait ressortir qu’il existe plusieurs types de décentralisation. Les paragraphes qui suivent ont pour but d’énumérer ces différents types de décentralisation en y attachant les définitions élaborées par les différents auteurs.

Selon un auteur dont j’ai perdu les références, il y aurait 3 types de décentralisation : la décentralisation politique, la décentralisation administrative et la décentralisation territoriale. La décentralisation politique est définie comme étant une répartition des pouvoirs législatifs de l’État. Cette répartition doit être officialisée par un document constitutionnel. La décentralisation administrative, ou déconcentration, est définie comme étant la mise en place de structures administratives locales ou régionales subordonnées à une administration centrale et qui reçoivent des mandats ou des missions de celle-ci. La décentralisation territoriale est définie comme étant une variante de la décentralisation administrative. Ce qui la différencie est son aspect politique. Les administrateurs de ces organismes sont élus. Leurs missions sont déterminées par eux-mêmes alors que leurs pouvoirs sont définis par l’administration centrale plutôt que par une constitution comme c’est le cas pour la décentralisation politique. Il s’agit, comme pour la décentralisation administrative, d’une délégation de pouvoirs.

Selon Jacques Baguenard (1980), la décentralisation de pouvoirs suppose l’existence d’“organes locaux” qui ont la maîtrise juridique de leurs activités, c’est-à-dire qu’ils sont libres de prendre les décisions qu’ils veulent dans le respect des lois et règlements et sans être soumis à aucune volonté du pouvoir central. Il pose trois conditions pour sa réalisation.

D’abord, la décentralisation implique la détermination de compétences spécifiques dont bénéficieront les collectivités locales. C’est la reconnaissance d’une “catégorie” d’affaires locales qui sont différentes des affaires nationales. Ensuite, comme deuxième condition, elle implique que les activités propres à ces collectivités locales soient prises en charge par des autorités locales qui sont indépendantes du pouvoir central tant pour la nomination de leurs dirigeants que pour leur révocation. Enfin, comme troisième condition, elle implique que les autorités locales puissent gérer leurs affaires propres de façon autonome.

Dans Introduction à l’administration publique : une approche politique (Gow, Barette, Dion et Fortmann, 1987), les auteurs définissent la décentralisation comme étant un processus qui consiste à «transférer des fonctions, des pouvoirs et des responsabilités de l’administration centrale vers une administration autonome et distincte». L’autonomie, qui caractérise une administration décentralisée, repose sur plusieurs conditions. D’abord, l’administration décentralisée doit avoir une personnalité juridique propre. Ensuite, elle doit disposer d’une autorité décisionnelle. De plus elle doit avoir la capacité d’organiser l’exécution de sa mission et d’en assurer la gestion. Enfin, elle doit avoir le pouvoir de déterminer ses propres politiques et de disposer comme elle l’entend de ses propres ressources. Bien sûr, l’administration décentralisée doit respecter les limites du mandat qui lui a été attribué. En somme, selon les auteurs, il s’agit d’une délégation d’autorité et d’un transfert de responsabilités à un organisme administratif subalterne mais autonome.

Cette délégation d’autorité peut se faire, toujours selon les auteurs, sous deux formes différentes. La première forme est la décentralisation technique ou fonctionnelle. C’est lorsque l’autorité centrale confie certaines missions spéciales à des organismes autonomes telles les sociétés d’État. La deuxième forme est la décentralisation territoriale ou géographique. C’est lorsque des pouvoirs et des responsabilités sont attribués par l’administration centrale à une autorité décentralisée subalterne mais autonome dont les limites territoriales ont été déterminées par cette même administration centrale.

Charles Debbash, qui signe l’article sur la décentralisation dans Encyclopedia Universalis, définie celle-ci comme étant «la gestion par les administrés des affaires qui les concernent le plus directement» en permettant de les associés aux prises de décisions. Il dénombre deux types de décentralisation: la décentralisation territoriale et la décentralisation technique.

La décentralisation territoriale, selon Debbash, implique des collectivités territoriales où les “affaires locales” sont gérées par les citoyens qui vivent sur ces territoires. Cela suppose l’existence d’une communauté d’intérêts entre les habitants de chaque territoire. Elle implique aussi une certaine autogestion locale. Selon l’auteur, il existe plusieurs critères pour mesurer l’étendue de la décentralisation : le volume des affaires locales reconnues, le mode de désignation des responsables locaux et le pouvoir reconnu à ces responsables. Mais, selon lui, tous ces éléments relèvent plus de considérations politiques qu’administratives, puisque ce type de décentralisation est lié au libéralisme.

La décentralisation technique, toujours selon Debbash, c’est lorsqu’un service déterminé détaché de l’État est conféré à un établissement public. Ce type de décentralisation relève des mêmes moyens juridiques et suppose de l’existence d’affaires spécialisées. C’est en quelque sorte un démembrement de l’administration centrale, ce qui suppose, toujours selon l’auteur, un contrôle de tutelle de la part de cette dernière. Cela fait penser aux sociétés d’État que l’on connait ici.

Ce qui différencie la décentralisation territoriale de la décentralisation technique est, selon Debbash, que la première répond à des aspirations politiques alors que la seconde répond à un souci d'efficience. En effet, la décentralisation territoriale consiste en une répartition des affaires administratives qui est demandée par la diversité sociale alors que la décentralisation technique répond aux exigences d’une répartition “harmonieuse” des fonctions administratives entre les différentes branches de l’État.

vendredi 13 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (4)

Voici la troisième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie, qui comprend trois tableaux, porte sur la décentralisation. Elle présente d’abord une définition de la décentralisation; ensuite une description des types de décentralisation et, enfin, les conditions requises. Aujourd’hui, je présenterai la définition de la décentralisation.

La décentralisation : une remise en question de la centralisation
L’élément essentiel de la décentralisation est le transfert de pouvoirs du gouvernement central vers des instances externes ou non gouvernementales. Pour ce faire, le gouvernement central doit renoncer à son pouvoir absolu sur “tout ce qui bouge” et accepter qu’il n'ait pas les solutions à tous les problèmes. C’est en quelque sorte une remise en question de la politique de centralisation.

Une véritable décentralisation implique des changements importants dans la configuration politique d’un l’État.

La décentralisation : c’est quoi?
La décentralisation, un concept à géométrie variable. Le terme décentralisation est devenu un mot à la mode au Québec et, depuis peu, au Canada. Tous les intervenants socio-économiques et politiques le prêchent sans trop chercher à le définir. Pareil débat avait fait couler beaucoup d’encre en France dans les années 70. La confusion était grande, chacun donnant une définition qui collait à son idéologie ou à ses aspirations. Le danger, dans un débat comme celui-ci, est que l’on s’attache au mot plutôt qu’au concept.

Le dictionnaire Larousse (p. 295) définit la décentralisation comme étant un «système d’organisation des structures administratives de l’État qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou locaux». Dans cette définition, on peut voir une similitude avec le concept de déconcentration ainsi qu’une différence. D’abord, il s’agit, tout comme pour la déconcentration, d’un “déplacement” de certains pouvoirs du centre vers la périphérie. La différence, quant à elle, réside dans le fait que ce “déplacement” se fait, pour la décentralisation, vers des organes autonomes régionaux ou locaux tandis que, pour la déconcentration, il se fait vers des agents du gouvernement central.

J’attire ici votre attention sur le fait qu’il semble y avoir une certaine contradiction entre les termes “organe” et “autonome”. D’abord, le terme “organe” se défini comme étant «ce qui sert d’intermédiaire, d’instrument (Larousse p. 688)». Le terme “autonome”, quant à lui, se définit comme étant ce qui jouit d’autonomie, ce qui veut dire indépendance, possibilité de décider par rapport à un pouvoir central (Larousse p. 101). Où est la contradiction me direz-vous? Je vous répondrai en vous demandant si un intermédiaire peut être indépendant?

jeudi 12 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (3)

Voici la deuxième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995.

La déconcentration: un aménagement de la centralisation
Selon le dictionnaire Larousse, la déconcentration est un «système d’organisation des structures de l’État dans lequel certains pouvoirs de décision sont donnés aux agents du pouvoir central répartis sur le territoire» (p. 297). Le terme “pouvoir” est défini comme étant la «capacité, la possibilité de faire quelque chose, d’accomplir une action», dont celle de décider. Selon cette définition, l’agent du pouvoir central pourrait déterminer, fixer, décréter quelque chose. Dans La décentralisation territoriale de Jacques Baguenard (1980), la déconcentration est définie comme étant un «procédé consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités non centrales reliées au pouvoir central par le principe de la subordination hiérarchique». Les avantages de cette formule sont, selon l’auteur, qu’elle permet une plus grande rapidité dans le traitement des affaires et une meilleure prise en considération des réalités locales.

La déconcentration est une initiative du gouvernement qui a pour but de rationaliser ses opérations. Elle origine du pouvoir central, et non pas de la volonté de la population, et ne consiste donc pas en une remise en question de la centralisation. Il n’est pas question ici d’une délégation de pouvoirs vers des instances non gouvernementales. Une vraie déconcentration implique un transfert de pouvoirs de décisions aux directions locales que le gouvernement a créées. Ce transfert se fait, bien sûr, à l’intérieur d’un cadre bien défini de politiques bien définies par le pouvoir central. Les directions locales sont ainsi en mesure de prendre des décisions sans attendre une autorisation de pouvoir central; à condition que celles-ci n’aient aucune incidence sur les autres régions et qu’elles respectent le cadre établie.

En 1966, le gouvernement du Québec procéda au découpage du territoire du Québec en 10 régions administratives. Le but de cette mesure visait à uniformiser les nombreux systèmes de régions utilisés par les ministères; on en comptait une quarantaine à l’époque. Le gouvernement comptait ainsi rationaliser ses opérations en déconcentrant son administration.

S’agissait-il d’une véritable déconcentration? Les directeurs régionaux des ministères avaient-ils de réels pouvoirs de décision, ou devaient-ils attendre l’autorisation de Québec? Oui et non; les dépenses inhérentes de ces directions devaient, et doivent toujours, être approuvées par le Conseil du trésor. Quant aux décisions ayant une incidence politique, elles devaient, et doivent toujours, être endossées par le ministre ou le cabinet. Et qu’en est-il aujourd’hui? Il serait peut-être inopportun de conclure à l’échec de la déconcentration sans l’avoir vraiment expérimentée. On devrait plutôt parler d’usure du système. Il est possible que ce concept ne puisse réellement s’appliquer dans son intégrité.

Le problème majeur de la déconcentration est que le fonctionnaire régional n’est pas appuyé lorsqu’il doit prendre une décision. Il n’existe aucun système d’arbitrage au niveau régional. Si des citoyens sont insatisfaits de la décision du fonctionnaire, ils en feront part à leur député qui en fera part au ministre concerné qui fera des pressions auprès de son sous-ministre qui recommandera fortement à son directeur régional de corriger la décision du fonctionnaire.

jeudi 5 juillet 2007

Pause train.

Vendredi dernier (le 19 juin 2007), les gouvernements du Québec et du Canada annonçaient enfin des investissements pour consolider le réseau ferroviaire en Gaspésie. Cette annonce est excellente puisqu’elle permettra à la Corporation de chemin de fer de la Gaspésie d’acquérir le tronçon entre Matapédia et Chandler, devenant ainsi l’unique propriétaire de cette importante voie de communication pour toute la région. Je lève mon chapeau à tous ceux qui ont travaillé à rendre possible cet important développement.

Cet heureux développement nous permettra de travailler ensemble, de Matapédia à Murdochville (en passant par Gaspé), au développement du chemin de fer; un réseau de transport important pour notre économie.

La région possède de nombreux atouts pour développer son économie. Cette transaction, qui assure la pérennité du chemin de fer en Gaspésie, vient consolider notre réseau de transport qui, comme vous le savez, est fort bien pourvu. Un tronçon de 350 kilomètres de voie ferrée qui est directement branché au réseau Nord Américain. À ce réseau ferroviaire, vient s’ajouter cinq ports de mer; quatre commerciaux publics (Gaspé, Chandler, Paspébiac et Carleton-sur-mer tous opérés par Transport Canada) et un port privé (New Richmond). Fait à remarquer, tout ces ports sont opérationnel à l’année.

On parle de la Gaspésie comme une région éloignée. Mais, dans les faits, Gaspé est plus proche de New York que Montréal. En effet, un container qui débarque à Gaspé aura moins de distance à parcourir pour se rendre à New York que s’il transite par Montréal (la distance entre Gaspé et New York est de 1 167 km; la distance entre Montréal et New York est de 543 km, mais le container doit franchir la distance entre Gaspé et Montréal - 782 km - ce qui fait un total de 1 325 km). Qui parle de New York parle de la Côte Est des États-Unis; un marché de 110 millions d’habitants.

En tenant compte du fait que cela prend moins de temps de débarquer un container au port de Montréal pour l’envoyer par train à New York que de l’envoyer par bateau directement à New York en raison de l’achalandage du Port de New York, nous pourrions profiter nous aussi de cette proximité avec les États-Unis (et du traité de libre-échange) pour développer un marché de transit qui permettrait de rentabiliser nos installations portuaires et ferroviaires.

Avec la Chine qui se cherche une porte d’entrée en Amérique de ce côté-ci (le magazine L’Actualité rapportait il y a quelques mois que les chinois avaient visité les installations portuaire d'Halifax en raison de l’achalandage du Port de Vancouver qui devenait problématique et retardait de beaucoup leurs livraisons vers les États-Unis) et la volonté du Gouvernement du Québec de conclure une entente de Libre-échange avec l’Europe, les opportunités sont là pour développer notre réseau de transport et notre économie régionale.

Nous devrons faire preuve de créativité pour relever cet important défi de développer notre réseau de transport. Avec la consolidation de notre réseau ferroviaire, nous sommes très bien parti. Nous avons l’expertise, la capacité et la volonté de réussir. Il faut apprendre à travailler ensemble, de Matapédia à Gaspé, et ne pas tenir compte des clochers ou de la couleur politique des uns et des autres. Nous sommes tous Gaspésiens.

mercredi 4 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (2)

Voici la première partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995.

Partie 1
Région, régionalisme et régionalisation
La notion de région est, encore aujourd’hui, particulièrement ambiguë. Sa définition varie selon le domaine où l’on se situe: région-plan, région culturelle, région touristique, région faunique. Son territoire aussi peut varier: par exemple, pour certains, le territoire d’une région équivaut à celui d’une MRC, pour d’autres, il s’apparente à celui d’une région administrative. Le Conseil de l’Europe définit la région comme étant «un territoire de dimension moyenne susceptible d’être déterminé géographiquement et qui est considéré comme étant homogène». Définition “large” qui laisse beaucoup de place à l’interprétation et qui permet d’en fixer les limites selon ses aspirations ou ses intérêts. Par contre, la notion de “territoire homogène” peut permettre plus de précision puisque la limite d’une région peut alors être associée à un élément humain, comme le sentiment d’appartenance, à un élément physique ou à un élément géographique.

Le régionalisme, c’est la prise de conscience, par la population d’une même région, d’intérêts communs, de son caractère homogène et qui sont différents de ceux des autres régions. C’est aussi la volonté de cette même population de prendre en charge la gestion de ses affaires, de ses intérêts, estimant pouvoir le faire mieux que l’État central.

Pour faire face à cette montée du régionalisme, le gouvernement peut reconnaître l’existence de régions et aussi prendre des mesures concrètes pour que ces régions participent à leur propre développement. Il s’agit alors de la régionalisation. Le gouvernement national reconnaît donc aux régions, non seulement des “affaires” propres, mais aussi des compétences particulières; la compétence étant définie comme une «capacité reconnue de telle ou telle manière, et qui donne le droit d’en juger» ou, du point de vue légal, comme l’«aptitude d’une autorité à effectuer certains actes» (Larousse, p. 240).

L’État, par des politiques de développement régional, tente de répondre aux besoins des régions. Mais l’affrontement entre ces deux mouvements, régionalisme et régionalisation, pose parfois quelques problèmes; les demandes des régions au droit à la différence se heurtant à la politique d’unité nationale du gouvernement central. De plus, ce dernier, depuis le début des années 60, est confronté à des impératifs économiques et techniques. En créant les régions administratives en 1966, le gouvernement central se dotait de relais lui permettant de rationaliser ses opérations sur tout le territoire.

Au fil des ans, la montée du régionalisme et les mesures prises par l’État pour accroître l’efficacité de son administration ont conduit à une certaine reconnaissance de la réalité régionale. La présence de conseils régionaux de développement (CRD) et la connaissance qu’ils avaient de leur milieu respectif amena le gouvernement central à les consulter. Ces derniers furent associés à différentes initiatives en matière de développement régional telles que l’opération “schémas régionaux”, la tenue de sommets régionaux et de conférences socio-économiques.

Depuis la fin des années 70, le gouvernement central a fait deux pas majeurs dans la reconnaissance de compétences particulières aux régions. Premièrement, avec la loi créant les MRC, il reconnaissait à ces dernières des compétences exclusives en matière d’aménagement du territoire. Ensuite, au début des années 90, le gouvernement donna au organismes régionaux de concertation et de développement (les CRD) le mandat d’élaborer leur propre plan de développement. Pour concrétiser cette ouverture vers les régions, sa nouvelle politique en matière de développement régional prévoyait la signature d’ententes-cadres de développement avec les régions à partir de priorités et d’orientations issues de leur plan de développement.

Par la régionalisation, le gouvernement central confirme l’existence de régions différentes et leur reconnaît des compétences ainsi que des “affaires” particulières. Par contre, il ne s’agit pas là de décentralisation. Bien que des intervenants extérieurs soient associés à certaines activités, il s’agit d’initiatives du gouvernement central qui en conserve jalousement le contrôle sans délaisser ses pouvoirs. La décentralisation, de même que la déconcentration, sont deux formes que peut prendre la régionalisation. Mais là s’arrête toute comparaison entre ces deux notions. La déconcentration, que nous verrons dans la prochaine partie, est un aménagement à la politique de centralisation. La décentralisation, le sujet de la troisième partie, est une remise en question de cette même politique de centralisation.

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (1)

Encore un autre texte que je sors de mes tiroirs. Celui-là date de 1995. À cette époque, je travaillais à l’Association québécoise des organismes de concertation et de développement du Québec (AQORCD), qui fut renommée Association des régions du Québec (ARQ) et exista jusqu’en 2004. Fondée dans les années 1970, cet organisme avait pour mandat de représenter les CRD auprès du gouvernement du Québec. Or, en 1996, devinez de quel sujet on parlait. De décentralisation. Le gouvernement de l’époque venait de publier un livre vert intitulé: Décentralisation: un choix de société (1995). Un petit rappel, le gouvernement péquiste de l’époque ne donna pas suite à cette idée de décentralisation (comme en 1977 en ne rendant pas publique son projet de Livre blanc sur la décentralisation ? - voir mes billets sur le sujet) et accoucha plutôt d’une Politique de soutien au développement local et régional (1997), une approche qualifiée de paternaliste par certains à l’époque.

Bref, j’œuvrais à l’époque à titre d’agent de développement pour l’AQORCD et j’ai fais un petit document sur la régionalisation qui s’intitulait: Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix.

Je vous offre comme lecture ce document de recherche qui, je l’espère, saura vous instruire. La première partie de ce document est, bien entendu, l’introduction. La voici en version intégrale.

Introduction
L’État-providence, qui est un des symboles de la centralisation sur le plan de la fourniture de services, ne fonctionne plus. L’appareil d’État est embourbé, lent et inefficace. Les politiques globales et sectorielles adoptées par les gouvernements sont devenues inadéquates et ne correspondent plus aux réalités des régions et des localités. La politique du “mur à mur”, implantée par le gouvernement à la demande même des régions, ne répond plus à leurs besoins. D’abord réclamée pour ramener un certain équilibre dans la qualité et la quantité des services offerts dans chacune des régions, et ainsi contrer le phénomène de disparité régionale, cette politique est aujourd’hui décriée comme étant un frein à leur développement; les normes et trop nombreux règlements ne pouvant s’appliquer aux particularités de chacune d’elles.

La centralisation telle que nous la connaissons ne répond plus aux exigences de la modernité. Le gouvernement central n’arrive pas à bouger assez vite pour suivre l’évolution de la société qu’il doit gérer parce qu’il n’en a plus les moyens.

De plus en plus, les régions demandent au gouvernement central que leur différence et leur spécificité soient reconnues dans les politiques globales et sectorielles et veulent avoir un mot à dire sur celles-ci. Pour répondre à leurs demandes, l’État doit se mettre à l’ère de la régionalisation. La régionalisation, qui consiste en un transfert de compétence, peut prendre deux formes, soit la déconcentration ou la décentralisation. Bien que ces concepts aient fait l’objet de débats, de recherches et de consultations, ils demeurent encore du domaine de la théorie et le consensus sur une définition unique n’a pas encore été atteint.

Ce travail de recherche vise à réactualiser ces concepts en leur donnant une définition non restrictive qui permettra, peut-être, d’atteindre un certain consensus parmi les différentes idées qui sont véhiculées par les nombreux intéressés. Dans un premier temps, il sera question de régionalisation. Je ferai un bref tour d’horizon sur ce concept et les notions qui lui sont apparentées telle la notion de région et celle de régionalisme. Ensuite, dans un deuxième temps, je définirai brièvement le concept de déconcentration en donnant quelques exemples d’applications que nous avons connus ici au Québec au cours des 30 dernières années. La troisième partie, plus exhaustive, portera sur la décentralisation et les conditions quant à son application. Enfin, il sera question des éléments qui devront être pris en considération afin de choisir la meilleure option, soit les enjeux et les moyens.
(Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix, 1996)