mercredi 24 février 2010

Oui aux projets de TGV.

Le TGV, je suis pour; pour le tracé Québec – Windsor et pour le tracé Montréal – New York ainsi que celui de Montréal – Boston. Mais comment justifier un tel projet dans une période d'austérité économique pour nos gouvernements? Comment justifier le financement de ces infrastructures? En calculant les bénéfices, les retombées économiques que générera cet important investissement.


Financement: TGV vs Grand-prix, deux poids deux mesures?

Quand est venu le temps de financer le Grand-prix de Montréal afin d'assurer son retour, les différents paliers de gouvernement, ainsi que les nombreux supporters (à la fois amateurs de sport et acteurs économiques), ont plaidé les retombées économiques pour justifier cet investissement. Et je suis parfaitement d'accord avec leur argumentation. Le Grand-prix de Montréal occasionne suffisamment de retombées économiques pour que les gouvernements « rentrent dans leur argent ». Les gouvernements ne font pas de bénéfices directs, mais les rentrées d'argent indirectes dépassent largement leur mise de fonds. C'est une version élargie du concept coût-bénéfice qui permet de déterminer si un investissement peut être rentable ou non. Et on n'hésite pas à calculer les bénéfices indirects occasionnés par l'investissement, surtout si les bénéfices directs ne sont pas toujours au rendez-vous. Ce n'est peut-être pas une bonne façon de compter pour une entreprise privée, mais c'est une formule gagnante pour un gouvernement qui possède plusieurs sources de revenus, dont les taxes et les impôts. Toute activité économique génère des revenus pour un gouvernement.


Curieusement, lorsqu'il est question de projets d'infrastructures, tels les routes, le transport en commun (comme le métro, le tramway et les trains de banlieue), de même que les projets de TGV, on oublie la notion de bénéfices et on présente seulement les coûts de ceux-ci. Où, lorsque l'on parle de revenus possibles, c'est pour dire que ces projets ne seront pas rentables. Mais on ne définie pas ce que l'on entend par rentable. Ou, si on le définie, on n'utilise pas la même définition que pour le Grand-prix; on ne tient pas compte des bénéfices indirects qui seraient générés par ces investissements. C'est comme si ces projets d'infrastructures ne généraient aucun bénéfice à l'État.


Toute activité économique génère des revenus pour un gouvernement.

Des études de pré-faisabilités aux travaux, jusqu'à l'utilisation de ces infrastructures, il y a des retombées économiques pour les gouvernements qui les financent. L'existence même de ces nouvelles infrastructures génèrent des activités économiques qui à leur tour généreront des revenus pour l'État. Tout est taxé; des boulons aux services des ingénieurs, comptables et avocats. De plus, les revenus de ces mêmes professionnels ainsi que ceux des entreprises qui participent directement (firmes d'ingénierie, entrepreneurs, etc.) et indirectement (fournisseurs) à ces projets sont imposés. Durant les travaux, ceux qui y travaillent, les firmes comme les personnes, peuvent s'adonner à des activités économiques diverses (restaurants, cinémas, etc.) ou s'acheter des biens meubles ou immeubles grâce à leur revenu que leur procurent ces travaux d'infrastructures. Ça aussi ce sont des bénéfices pour les gouvernements. Et ces activités économiques générées par les travailleurs et les firmes occasionnent elles aussi des activités économiques. Pour répondre à la demande, des entreprises créeront de nouveaux emplois (le restaurant du coin comme le constructeur de maison) ce qui générera des nouveaux revenus pour les gouvernements. Ces nouveaux employés aussi auront des activités économiques qui généreront des revenus pour l'État. Et ce tout au long des travaux et même après. Bref, la notion de rentabilité que l'on doit appliquer pour les projets d'infrastructures doit être la plus large possible, comme dans le cas du Grand-prix du Canada.


Créer le marché, la demande plutôt que d'y répondre.

En matière de transport de personnes, on ne peut justifier la « rentabilité » d'un projet sur le marché ou la demande pour tel ou tel service. Pourquoi? Parce que la demande ou le marché pour un service qui n'est pas offert n'existe pas, parce que le service n'existe pas. Même chose lorsque le service existe mais n'est pas de bonne qualité ou ne répond pas aux besoins. Prenons l'exemple des trains de banlieue dans la région métropolitaine de Montréal. Ce service, au milieu des années 1990, était sous la responsabilité des municipalités. C'était un service déficient qui ne répondait pas aux besoins. La demande n'était donc pas très bonne. Se basant sur cette faible demande, certains élus municipaux avaient demandé, lors des audiences du Groupe de travail sur Montréal et sa région (GTMR), l'abandon du service de trains de banlieue. Dans son rapport final, le GTMR (rapport Pichette – 1993) recommandait que le gouvernement du Québec prennent en charge ce service et demandait à celui-ci de faire une étude de faisabilité avant de procéder à l'expansion du réseau. Le gouvernement à effectivement pris en charge ce service et en a confié la responsabilité à l'Agence métropolitaine de transport (AMT) créée en 1996 pour coordonner et développer les services de transport en commun dans la région métropolitaine de Montréal. L'AMT a choisi d'améliorer l'offre de service des trains de banlieue, ce qui a occasionné une augmentation de la demande. En améliorant les services de trains de banlieue, l'AMT a créé une nouvelle demande pour ce service. Si elle s'était basée sur la demande à l'époque, je ne suis pas sûr qu'elle aurait choisi d'améliorer le service. Mais, le mandat de l'AMT était de développer les services de transport en commun dans la région, et non pas de répondre à la demande. Or, pour le TGV, on ne peut justifier ou non sa faisabilité ou son opportunité sur la demande, car le services de TGV n'existe pas. Il existe bien un service de transport de personne par train, mais il est peu efficace et désorganisé. Comme pour le service de trains de banlieue au milieu des années 1990, la demande est à l'image du service. Plus le service est faible, plus la demande pour ce service est faible. Une offre de service améliorée engendrera une nouvelle demande pour ce service. Comme il n'y a pas de service de TGV au Canada et aux États-Unis, il n'y a pas de demande pour ce service. On ne peut donc pas attendre qu'il y ait une demande pour aller de l'avant avec les projets. Si on avait attendu la demande pour un TGV entre Paris et Londres, l'Eurostar n'aurait jamais été construit; de même que la plupart des lignes de TGV en Europe ou ailleurs dans le monde.


Alors, si on ne peut justifier un projet d'infrastructure comme le TGV sur la demande pour ce service, il ne reste que le calcul des retombées économiques que générera un tel service. Et pour cela, il existe beaucoup d'exemples en Europe. Sortez vos calculatrices.


Transport de personnes: aérien vs ferroviaire.

Les transporteurs aériens ne sont pas très chauds à l'idée de voir arriver le TGV en terre d'Amérique. Et on peut les comprendre. Les corridors qui seraient desservis par le TGV viendraient concurrencer directement leurs corridors les plus rentables; par exemple celui entre Montréal et Toronto. Mais il existe une solution: la complémentarité des services plutôt que la concurrence. Pour les corridors les plus rentables de l'industrie aérienne, le TGV ne s'accaparera pas de la totalité du marché, ni même de la moitié de ce marché. Et on peut s'attendre à une augmentation de la demande de transport sur ces corridors. L'idée ici est de développer des complémentarités entre le transport aérien et le transport ferroviaire afin d'inciter les acteurs du premier à participer au financement du second. Comment? En subventionnant le transport aérien de passagers dans les régions du pays. Il existe là un potentiel de développement très important. Mais, me direz-vous, les services aériens en région ne sont pas rentables et la demande est presque nulle. D'accord avec vous, la demande est presque nulle parce que les services son soit inexistant ou hors de prix (un billet entre Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine coûte plus cher qu'un billet Montréal – Paris). En subventionnant ces services, on diminue les coûts et on crée une nouvelle demande. Et ça fonctionne. C'est ce que les États-Unis font depuis le milieu des années 1970 avec le Rural Air Services Survival Act également appelé «Programme des services essentiels de transport aérien». Cette politique à été introduite lors de la déréglementation des services aériens afin d'assurer un maintien des services aériens minimum dans les localités qui avaient perdu leurs services réguliers suite à la dérèglementation de 1978. Les gros transporteurs aériens ont développer des filiales régionales pour desservir ces régions avec des avions plus petits, les avions régionaux. Est-ce un service rentable? Demandez-le à Bombardier?


Mais il ne suffira pas de subventionner les services de transport aérien pour créer une demande. Il faudra aussi organiser les services, gérer la demande. Comment? En prenant exemple sur le fonctionnement des Conseils intermunicipaux de transport (CIT) dans la région de Montréal (cf. : Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal, L.R.Q. chapitre C-60.1). Ces conseils ont créé une demande de services de transport en commun en permettant d'offrir ces services à leurs concitoyens.


En conclusion.

À la demande s'il serait opportun d'aller de l'avant avec les projets de TGV, la réponse est oui en raison des retombées économiques que ces nouveaux services de transport de passagers généreront pour nos gouvernements.