Voici le quatrième volet du travail que j’ai rédigé en 1999 pour le cours d’Idées politiques dans le cadre de ma maîtrise en science politique. Il s’agit du premier extrait de la deuxième partie du travail qui traite du statut des villes dans l’Empire Romain. Bonne lecture.
Partie II. De la crise
Parmi les explications qui ont été apportées concernant la crise de l’Empire Romain, R. Rémondon propose celle du "dépérissement des cités”. Rémondon avançait que «Rome avait réagi à la guerre imposée par l’ennemi extérieur par un renforcement ruineux et épuisant de l’autorité étatique”. L’émergence de la cité comme sujet d’étude introduit une nouvelle dimension de l’histoire de l’Empire. Celui-ci n’aurait pas pu tenir longtemps s’il n’avait pas eu l’appui des structures locales. Rappelons que des cités libres et souveraines qui existaient avant l’Empire ont signé des traités avec celui-ci et que, pour certaines, non seulement elles lui ont survécu mais elles existent encore aujourd’hui. Le Roux ne parle pas de permanence pour expliquer la "longévité" de ces cités, mais de leur capacité d’adaptation, de mutation. De cette capacité d’adaptation, certains l’interprètent comme une faiblesse des autorités locales vis-à-vis du pouvoir central, alors que d’autres y voient une forme de liberté qui leur permet d’obtenir des privilèges et de les préserver.
«La crise est analysée comme la conséquence d’invasions qui ont surpris l’Empire déjà épuisé par les exigences d’un pouvoir de plus en plus pesant et bureaucratique». «Soucieux de sa tranquillité et préoccupé par ses armes, l’Empire se comportait de plus en plus avec mépris envers les villes et leur population». Cette attitude contrastait beaucoup avec celle de l’époque d’apogée sous Antonin Le Pieux (138-161), où les élites cultivées des villes italiennes et provinciales étaient protégées. Le pouvoir central, héritier d’Auguste, jugeait qu’il était de son devoir de donner vie aux cités locales qu’il considérait comme indispensables à l’unité et à la conservation de l’Empire romain. Mais la continuité de l’Empire mettait en jeu le pouvoir impérial et les cités qui tenaient à préserver leur autonomie.
Pierre Grimal rapporte que c’est à l’époque de Marc Aurèle que l’on vit apparaître les premiers signes des problèmes économiques qui mèneraient à la déchéance de l’Empire. Il était revenu d’une longue guerre avec les Daces sans rapporter d’or. Il accusait plutôt un déficit. Ce fut, selon Grimal, le début d’une longue crise économique. Cette crise serait le prélude à de profonds changements dans les structures de l’Empire qui était, à cette poque, fortement endetté. La guerre ininterrompue depuis plus de 15 ans avait ruiné l’Empire. Et il fallait en plus voir au maintient de l’ordre et à la sécurité du territoire.
mardi 12 février 2008
dimanche 10 février 2008
Le pouvoir local dans l’Empire Romain : reconnaissance ou déchéance (suite).
Voici le troisième volet du travail que j’ai rédigé en 1999 pour le cours d’Idées politiques dans le cadre de ma maîtrise en science politique. Il s’agit du deuxième extrait de la première partie du travail qui traite du statut des villes dans l’Empire Romain. Bonne lecture.
Partie I. Du statut des villes (suite)
Pouvoirs et autonomie
Dans son livre traitant de l’autonomie municipale des cités romaines, François Jacques rapporte que la bibliographie fait part de la crise de la vie municipale tout au long de l’Empire comme étant un fait admis et reconnu par tous les experts. Par contre, il note qu’il y a eu très peu d’études consacres à la "décadence" des cités. Pourtant, à chaque fois qu’il est question des cités romaines ou de la vie municipale, l’idée de décadence du système municipal semble s’imposer. François Jacques parle ici d’un jugement de valeur voulant que la ruine des institutions locales serait due à l’évolution de l’Empire et aux progrès de la centralisation. L’analyse des nombreux ouvrages sur l’Empire romain ne parvient pas à vérifier cette théorie de la décadence des cités romaines. Au contraire, note François Jacques, il existe des preuves de leur vitalité matérielle. Ce qui pourrait porter à confusion, c’est l’évolution des municipale tout au long de l’Empire. On note que les droits municipaux ont perdu de leur originalité, que les constitutions locales et les traités ont perdu de leur spécificités. Pourtant, les cités occidentales ont continué de demander à être reconnues par Rome comme municipe.
Pour François Jacques, la cité doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’Empire romain. Elle est un élément constitutif de l’ensemble qui reconnaît à la cité une dépendance préexistante. Il faut considérer l’Empire et les cités comme deux réalités interdépendantes et solidaires. Les relations entre l’État et les villes ne devrait pas être vues comme des conflits.
L’autonomie, selon Jacques, n’est pas une réalité en soi, elle est relative. Elle se définit d’abord et avant tout comme la capacité d’autogérer les affaires locales et non pas par rapport au pouvoir central. Elle n’est que la possibilité de gérer les affaires qui peuvent être gérées par la cité elle-même sans le recours du pouvoir central. Elle est donc limitée par la propre capacité des villes et non par la volonté de Rome. Les seules restrictions que peut poser Rome quant à l’autonomie de cités concernent des actions qui pourraient mettre en jeu les intérêts de l’Empire.
L’autonomie des cités romaines se définit donc par leur capacité à s’autogérer. Cette autogestion nécessite une administration locale qui ne relève pas du pouvoir central. Il n’y a pas de forme constitutionnelle précise. Cet état favorise une vie sociale cohérente, avec ses tensions et ses équilibres propres.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les principaux objectifs de l’administration centrale étaient la perception des impôts et le maintient de l’ordre public. S’ajoutait à ceux-ci le recrutement des soldats. Les seules tâches demandées par Rome aux cités étaient de garder des animaux en réserve pour les transports et d’offrir l’hébergement aux fonctionnaires de passage. On demandait aussi de fournir le logis ainsi que du matériel aux soldats. Les autres tâches relevant des administrations locales étaient celles habituellement remplies par une administration publique municipale : entretien des aqueducs, réparation des bâtiments publics, provision de combustible pour les thermes, maintien de l’ordre public (dans les provinces où il n’y avait pas d’armées), organisation des fêtes religieuses et des jeux ainsi que les fournitures aux ambassades et aux représentations légales.
L’institution locale qui permet de remplir ces tâches se nomme la liturgie. C’est un système où les services essentiels sont pris en charge par les membres les plus riches de la communauté. Ceux-ci versent des contributions en numéraire ou en services personnels. Ce sont les riches qui payaient de leur personne pour assurer les magistratures le leur cité. La prise en charge des dépenses publiques par des particuliers avaient des implications économiques, politiques et sociales. Vu la faiblesse des finances de la cités, cette prise en charge était nécessaire. Mais cela faisait l’affaire des donateurs car cette pratique justifiait leur position dominante dans la société et la politique locales.
Partie I. Du statut des villes (suite)
Pouvoirs et autonomie
Dans son livre traitant de l’autonomie municipale des cités romaines, François Jacques rapporte que la bibliographie fait part de la crise de la vie municipale tout au long de l’Empire comme étant un fait admis et reconnu par tous les experts. Par contre, il note qu’il y a eu très peu d’études consacres à la "décadence" des cités. Pourtant, à chaque fois qu’il est question des cités romaines ou de la vie municipale, l’idée de décadence du système municipal semble s’imposer. François Jacques parle ici d’un jugement de valeur voulant que la ruine des institutions locales serait due à l’évolution de l’Empire et aux progrès de la centralisation. L’analyse des nombreux ouvrages sur l’Empire romain ne parvient pas à vérifier cette théorie de la décadence des cités romaines. Au contraire, note François Jacques, il existe des preuves de leur vitalité matérielle. Ce qui pourrait porter à confusion, c’est l’évolution des municipale tout au long de l’Empire. On note que les droits municipaux ont perdu de leur originalité, que les constitutions locales et les traités ont perdu de leur spécificités. Pourtant, les cités occidentales ont continué de demander à être reconnues par Rome comme municipe.
Pour François Jacques, la cité doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’Empire romain. Elle est un élément constitutif de l’ensemble qui reconnaît à la cité une dépendance préexistante. Il faut considérer l’Empire et les cités comme deux réalités interdépendantes et solidaires. Les relations entre l’État et les villes ne devrait pas être vues comme des conflits.
L’autonomie, selon Jacques, n’est pas une réalité en soi, elle est relative. Elle se définit d’abord et avant tout comme la capacité d’autogérer les affaires locales et non pas par rapport au pouvoir central. Elle n’est que la possibilité de gérer les affaires qui peuvent être gérées par la cité elle-même sans le recours du pouvoir central. Elle est donc limitée par la propre capacité des villes et non par la volonté de Rome. Les seules restrictions que peut poser Rome quant à l’autonomie de cités concernent des actions qui pourraient mettre en jeu les intérêts de l’Empire.
L’autonomie des cités romaines se définit donc par leur capacité à s’autogérer. Cette autogestion nécessite une administration locale qui ne relève pas du pouvoir central. Il n’y a pas de forme constitutionnelle précise. Cet état favorise une vie sociale cohérente, avec ses tensions et ses équilibres propres.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les principaux objectifs de l’administration centrale étaient la perception des impôts et le maintient de l’ordre public. S’ajoutait à ceux-ci le recrutement des soldats. Les seules tâches demandées par Rome aux cités étaient de garder des animaux en réserve pour les transports et d’offrir l’hébergement aux fonctionnaires de passage. On demandait aussi de fournir le logis ainsi que du matériel aux soldats. Les autres tâches relevant des administrations locales étaient celles habituellement remplies par une administration publique municipale : entretien des aqueducs, réparation des bâtiments publics, provision de combustible pour les thermes, maintien de l’ordre public (dans les provinces où il n’y avait pas d’armées), organisation des fêtes religieuses et des jeux ainsi que les fournitures aux ambassades et aux représentations légales.
L’institution locale qui permet de remplir ces tâches se nomme la liturgie. C’est un système où les services essentiels sont pris en charge par les membres les plus riches de la communauté. Ceux-ci versent des contributions en numéraire ou en services personnels. Ce sont les riches qui payaient de leur personne pour assurer les magistratures le leur cité. La prise en charge des dépenses publiques par des particuliers avaient des implications économiques, politiques et sociales. Vu la faiblesse des finances de la cités, cette prise en charge était nécessaire. Mais cela faisait l’affaire des donateurs car cette pratique justifiait leur position dominante dans la société et la politique locales.
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