lundi 3 mars 2008

Le pouvoir local dans l’Empire Romain : reconnaissance ou déchéance (suite et fin).

Voici le sixième et dernier volet du travail que j’ai rédigé en 1999 pour le cours d’Idées politiques dans le cadre de ma maîtrise en science politique. Il s’agit de la conclusion du travail. Bonne lecture.

«Conclusion
«Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-mme et reste aussi libre qu’auparavant». C’est ainsi que Jean-Jacques Rousseau présentait son contrat social. On peut se demander si ce n’est pas cette fin que recherchaient les premières sociétés civiles, les première cités. Les institutions locales sont antérieures à la constitution des États. Leur importance vient du fait qu’elles sont en prise directe avec les sociétés locales et qu’elles combinent à la fois passé historique, mutation ou évolution sociale.

Les valeurs défendues par ses autorités locales, sont la liberté, la participation et l’efficacité. La liberté s’exprime surtout contre l’autorité centrale et les abus qu’elle peut faire de son pouvoir. Elle provient de la division territoriale des pouvoirs propre à un système de gouvernement local. La deuxième valeur défendue par les autorités locales est la participation populaire aux affaires locales. Cette participation est favorisée par la proximité qu’il y a entre les décideurs et les citoyens. C’est ce qui caractérise les institutions locales. La troisième valeur qui est défendue par les autorités locales est l’efficacité. Cette efficacité provient du fait qu’une organisation à l’échelle locale est plus appropriée pour la prestation de services publics puisqu’elle est plus sensible aux besoins de la localité.

De part leur emprise et leur proximité sur les communautés, le rôle des autorités locales est beaucoup plus apparent que celui des lointains gouvernements centraux. La proximité de celle-ci permet aux citoyens une participation plus directe dans les choix collectifs que fera sa communauté. Les communautés locales ont précédé les États et, bien souvent, leur ont survécu. Pour assurer sa pérennité, un État doit composer avec les communautés locales en leur laissant leur autonomie et leur liberté. Il faut un certain équilibre entre les pouvoirs du centre et ceux de la périphérie. C’est ce que n’a pas su faire Rome, et bien d’autres gouvernements par la suite.

Plusieurs facteurs ont contribué à préserver les cités locales tout au long de l’Empire romain. Parmi ceux-ci, sans doute le plus important, c’est la capacité d’adaptation aux nouvelles exigences des États qui a permis aux cités de conserver une certaine autonomie qui leur garantissait ce sentiment de liberté sans lequel elles se videraient de leurs habitants.

Quelle est l’utilité des cités? Rappelons qu’à l’époque de la renaissance, l’organisation de la ville reposait sur trois principes : la nécessité, la commodité et ... la beauté.»

samedi 1 mars 2008

Le pouvoir local dans l’Empire Romain : reconnaissance ou déchéance (suite).

Voici le cinquième volet du travail que j’ai rédigé en 1999 pour le cours d’Idées politiques dans le cadre de ma maîtrise en science politique. Il s’agit du deuxième extrait de la deuxième partie du travail qui traite du statut des villes dans l’Empire Romain. Bonne lecture.


«L’Empire avait une économie sous-développée et fonctionnait de façon centralisée. Le niveau de vie de la population en général se situait près du seuil de subsistance. Une forte proportion de la main-d'œuvre était employée dans l’agriculture. La production en était une de subsistance. On ne pensait pas à accumuler des surplus pour l’exportation. Les échanges entre les divers entités et les guerres de conquêtes qui apportaient leur part de richesses avaient permis à l’Empire de se maintenir. Mais lorsque confronté à des guerre d’usure ainsi qu’à certains blocus, comme celui du couloir du Danube, le gouvernement devait chercher d’autres sources de financement. Et ce financement devait être important pour maintenir l’armée en fonction.

Les prélèvements faits pour subvenir aux besoins des armées sont venus déstabiliser le marché privé. Les réserves étant quasi inexistantes, on vit apparaître des signes de pénuries. L’Empire fonctionnait comme une vaste structure urbaine. Des réseaux acheminaient les ressources des campagnes vers les villes. Ces campagnes, qui n’étaient pas cultivées à leur pleine capacité, ne parvenaient pas à fournir les demandes de Rome et des autres villes. Les pénuries et le fonctionnement centralisé de l’Empire ont entraîné un grand nombre de paysans sur les routes. Ceux-ci sont venus s’installer dans les villes, déjà fortement endettées, ce qui entraîna une forte augmentation de leur charge d’assistance. L’État devait donc intervenir pour rétablir le financement des cités en envoyant des contrôleurs.

Il est difficile de trouver la véritable cause de cette récession qui frappait l’Empire. Certains se demandent si ce n’est pas les dépenses somptueuses de l’Empereur Trajan (98 à 117) qui ont entraîné une inflation monétaire. D’autres avancent que cette récession serait la conséquence des habitudes de consommation des romains; habitudes toujours croissantes alors que le système de production ne suffit plus à la demande. Une autre raison avancée pour expliquer la crise économique serait la grande peste venue d’Orient que l’Empereur Lucius Verus, qui succéda à Marc Aurèle, aurait ramené.

La décadence des cités est une autre raison que l’on a avancé pour expliquer la crise économique que subissait l’Empire. Mais comment expliquer cette décadence? François Jacques avance deux raisons. En premier lieu, il parle de la "conjuration des centralisateurs". Ceux-ci auraient cherché à réduire grandement l’autonomie des villes. Mais les élites locales auraient aussi leur part de responsabilité. Voyant leurs charges augmenter en raison des difficultés de l’Empire, celles-ci auraient abandonner leurs fonctions, refusant toutes nouvelles tâches provenant de Rome.

Les provinces ainsi que les villes se sont beaucoup développées au sein de l’Empire, si bien qu’elles n’eurent plus besoin de Rome. Plutôt que de se "fédéraliser" en associant le pouvoir central aux intérêts locaux pour conserver l’intégrité de l’Empire, Rome riposta par une plus grande centralisation. Ne voulant plus subir les pressions de Rome, les instances locales se révoltèrent. Cette révolte fut étouffée au cours du III siècle, mais éclata de nouveau au IV siècle pour mettre fin à l’Empire.»