samedi 6 novembre 2010

Haïti: mode d'emploi pour une reconstruction

Premièrement, pour la reconstruction, le gouvernement Haïtien a besoin d'argent. Ça tombent bien, la communauté internationale s'est engagée à verser plus de 11 milliards de dollars US pour reconstruire le pays suite au tremblement de terre. Deuxièmement, pour que la reconstruction se fasse, il faut que le gouvernement s'implique totalement. C'est sa responsabilité première (la responsabilité de tout gouvernement); c'est d'ailleurs écrit dans la constitution haïtienne.

Pour ce faire, le gouvernement aura besoin d'engager beaucoup de personnels, et ce dans plusieurs secteurs. Par exemple, pour le secteur de l'éducation, la constitution prévoie que l'instruction est une responsabilité de l'État et doit être gratuite. Ce n'est pas le cas présentement; 68 % des écoles primaires et 82 % des écoles secondaires sont financées par le privé. Les parents qui veulent y envoyer leurs enfants doivent payer des frais de scolarités. Bien entendu, très peu de parents en ont les moyens (en 1995, le taux d'analphabétisation atteignait près de 78 %). Pour remédier à cette situation, le gouvernement haïtien devra engager des professeurs et voire à leur formation. Ah oui, j'oubliais, il devra aussi construire des écoles. C'est faisable; nous l'avons fait au Québec dans les années 1960.

Même chose du côté de la santé. Le gouvernement devra engager du personnel et construire des hôpitaux pour permettre à la population d'avoir accès à des services de santé adéquats.

Et que dire des infrastructures tels les routes, les ponts, les égouts, etc.. Le gouvernement devra investir aussi dans le béton. Ce n'est pas le secteur privé qui construira les routes. Il faudra relancer l'agriculture et procéder au reboisement complet du pays pour éviter les glissements de terrain lors des tempêtes tropicales. Il faudra rendre l'électricité accessible pour tout le monde.

Pour ce faire, le gouvernement devra engager beaucoup de personnels. Ça veut dire qu'il devra créer des emplois. Il n'y a rien de meilleur pour bâtir une économie, surtout une économie de marché. Comment voulez-vous bâtir une économie de marché s'il n'y a personne pour acheter les biens et services qui sont produits. Comment voulez-vous qu'une entreprise crée des emplois pour fabriquer des biens s'il n'y a personne pour les acheter. En créant des emplois massivement, le gouvernement crée ainsi un marché pour ces entreprises de biens et services. L'arrivée en masse de tous ces nouveaux employés de l'État fera naître une multitude d'entreprises pour répondre à leurs nouveaux besoins.

L'arrivée de ces nouveaux salariés (ceux de l'État et ceux des nouvelles entreprises créées) occasionnera des activités économiques sur lesquelles le gouvernement pourra retirer des revenus sous forme d'impôts, de taxes et de permis.

«Oui, mais que faîtes vous de la corruption monsieur Arbour?»

C'est simple, pour contrer la corruption, il faut payer adéquatement les employés, offrir des salaires décents. Ça veut dire que ces salaires permettront à chacun de se loger (des emplois dans le domaine de la construction), de se nourrir (des épiceries, des dépanneurs, des restaurants; et les producteurs), de se vêtir (magasins et fabriquant de vêtements) et de se transporter (garage, poste d'essence ou d'électricité pour voiture électrique). Et aussi de communiquer (services de téléphones, Internet). Et de payer ses taxes et ses impôts.   

vendredi 29 octobre 2010

Haïti: une économie à bâtir.

Le gros problème en Haïti, c'est qu'il n'y a pas d'économie, pas d'activité économique. Le taux de chômage dépasse les 32 %, 78 % de la population vie en situation de pauvreté et le salaire annuel moyen est de 250 $US. On ne peut pas faire de folles dépenses avec seulement 250 $US par année. Comment peut-ont bâtir une économie s'il n'y a pas de marché, pas de consommateurs. On pourra créer les entreprises que l'on voudra, mais elles ne pourront pas survivre s'il n'y a pas personne pour acheter les biens et services qui sont produits. Alors, quelle est la solution?

Pour bâtir une économie, il faut y injecter de l'argent. Et la meilleure façon d'injecter de l'argent, de façon durable, dans l'économie, c'est en créant des emplois, en versant des salaires; salaires qui seront réinvestis dans cette même économie. Il faut d'abord miser sur le capital humain. Et à qui revient le rôle de créer ces emplois? D'abord au gouvernement. En créant des emplois, en versant des salaires pour ses employés, le gouvernement se trouve à injecter de l'argent dans l'économie. De cet argent, de ces salaires, le gouvernement en prélèvera une partie sous forme d'impôt sur le revenu, s'assurant ainsi des revenus qu'il pourra réinvestir dans l'économie.

Les employés de l'État, grâce à leur nouveau pouvoir d'achat (leur salaires) pourront se procurer des biens et services. Des entreprises pourront voir le jour pour offrir à ces nouveaux consommateurs ces mêmes biens et services. La création ou l'expansion d'entreprises passera forcément par la création de nouveaux emplois, le versement de nouveaux salaires, dont une partie trouvera le chemin des coffres de l'État sous forme d'impôt. Le gouvernement pourra aussi prévoir une taxe sur les biens et services vendus pour garnir ses coffres. Et ces revenus provenant des taxes pourront aussi être réinvestis dans l'économie.

Vous trouvez que c'est simpliste comme solution? Vous avez raison. Mais ça fonctionne. La présence d'un important secteur public assure une base solide et durable à une économie de marché. Regardez les pays développés qui fonctionnent avec une économie de marché, leurs gouvernements sont souvent les plus importants employeurs et les plus gros donneurs d'ouvrages.

Prenons l'exemple du Québec. Tel que mentionné dans un précédent billet, selon l'Institut de la statistique du Québec, on compterait plus de 500 000 employés de l'État (fonction publique, sociétés d'États, secteurs de l'éducation, de la Santé et des services sociaux). Et c'est sans comptés ceux appartenant à la fonction publique fédérale. Ces employés de l'État reçoivent tous un salaire et peuvent ainsi s'acheter des biens et des services de toutes sortes. Combien d'entreprises sont nécessaires pour répondre aux besoins en biens et services de ces employés de l'État. Et combien d'emplois ces mêmes entreprises ont créées pour répondre à cette demande? Combien d'entrepreneurs en construction, combien d'agent d'immeubles, d'agent d'assurances, combien d'épiceries, combien de dépanneurs vivent en raison de la présence de ces nombreux salariés de l'État? Et c'est sans compter les entreprises qui ne vivent que des contrats en biens et services octroyés pas l'État. Toutes ces entreprises qui ont comme unique client une société d'État, un ministère, ou un organisme public; combien d'emplois cela représente-t-il?

mardi 19 octobre 2010

Haïti, bon temps pour une révolution tranquille.

Dans une lettre parue sur Cyberpresse le 7 octobre dernier, Jocelyn Coulon rapporte que le représentant de l'ONU à Haïti, Edmund Mulet, a lancé un cri d'alarme en disant que le pays était devenu une république aux mains des ONG et que les choses stagnaient. Monsieur Mulet disait qu'il fallait tout revoir dans ce pays. Et il n'a pas tord. Depuis le départ précipité de l'héritier Duvalier, et peut-être même avant, les Haïtiens ont laissé à d'autres la responsabilité des affaires publiques. Que ce soient les hôpitaux ou les écoles, ce n'est pas le gouvernement haïtien qui s'en occupe. Même chose pour les services publics comme l'eau, l'électricité et les routes. Les haïtiens ne sont pas «maîtres chez eux».

Les ONG ont beaucoup de bonnes intentions. Mais pour le niveau d'aide nécessaire pour reconstruire le pays, elles ne sont pas du tout efficace. Et elles ne l'étaient pas plus avant le tremblement de terre. Je me souviens d'avoir lu un article il y a plus d'un an sur un programme d'aide qui avait permis à une petite communauté d'avoir de l'électricité environ 6 heures par jour. On avait même installé des lampadaires pour éclairer les rues. Ce programme avait pris plusieurs mois à se réaliser. Et on espérait pouvoir répéter l'exploit dans d'autres communautés au cours des prochaines années. Comment voulez-vous bâtir un pays à ce rythme là.

Haïti se trouve dans une situation de développement similaire (ou pire) à celle que le Québec vivait il y a 50 ans, avant la révolution tranquille. Du moins le Québec francophone. En Haïti, à peine 30 % des Haïtiens ont terminé l'école primaire. Vous trouvez ces chiffres effarants? Nous étions pas plus avancé au Québec il y a 50 ans. En 1964, année de la création du ministère de l'éducation, 7 adultes francophones sur 10 n'avaient pas terminé l'école primaire. Le gouvernement haïtien compte pourtant un ministère de l'éducation; mais il n'est pas, pour l'instant, fonctionnel. Pour les hôpitaux et et le secteur de la santé, c'est la même chose. Tout est désorganisé dans le pays. Il faut donc réorganiser la gouvernance. Et ce n'est pas les ONG qui vont pouvoir le faire. Seul le gouvernement haïtien peut et doit le faire. Il a juste besoin d'un peu de volonté et de beaucoup d'aide.

Je l'ai déjà écrit sur ce blogue, c'en est d'ailleurs la prémisse de départ, le développement d'une région, ou d'un pays, est d'abord et avant tout une question de gouvernance, une question politique. La gouvernance, c'est l'organisation de la prise de décision sur les affaires publiques; comme l'éducation, le logement, les transports etc..

Pour Haïti, il y a déjà du bon travail de fait. Le pays s'est doté, il y a plusieurs années, d'une constitution qui traite de tous ces sujets importants. Il faut seulement pouvoir l'appliquer.

Et ce n'est pas impossible.

lundi 4 octobre 2010

Gouvernement régional: point de vue économique.

Certaines régions du Québec sont un peu à l'image du Québec d'avant 1960. Elles n'ont pas les pouvoirs nécessaires pour s'occuper de leurs affaires et ont des taux de chômage plus élevés que la moyenne. Souvent, elles doivent encore attendre après une décision qui vient d'ailleurs. La mise en place d'un gouvernement régional leur permettrait de s'approprier le fameux «maîtres chez nous» qui a propulsé le Québec dans la modernité en enclenchant sa «révolution tranquille».

Dans les années 1960, le gouvernement du Québec s'est donné les outils institutionnels nécessaires à son développement socio-économique. On a qu'à penser à la nationalisation de l'électricité, au régime d'assurance hospitalisation créé en 1961, au régime d'assurance maladie en 1971, au Ministère de l'Éducation en 1964, à la Société générale de financement (SGF) en 1962, ou à la Caisse de dépôt et de placement en 1965. Avec ces nouvelles instances, le Québec a pu prendre en charge son développement. Mais, ces nouvelles responsabilités ont aussi eu comme effet d'augmenter la taille de l'appareil d'État. Pour prendre en charge ces nouvelles responsabilités, l'administration publique québécoise a dû augmenter significativement ses effectifs.

Entre 1961 et 1980, l'effectif total du gouvernement du Québec, qui comprend la fonction publique, le secteur de l'éducation, le réseau de la santé et des services sociaux ainsi que les sociétés d'États, a plus que doublé; passant de 54 080 employés à 126 100. Une augmentation de plus de 4 % par année.

Quel a été l'impact de la création de tous ces nouveaux emplois sur l'économie du Québec? En supposant que la rémunération versée à ces nouveaux employés de l'État se retrouvaient au milieu de l'échelle salariale, ceux-ci sont venus augmenter les rangs des salariés, mettant au monde ni plus ni moins une nouvelle classe moyenne francophone. Or, du point de vue économique, c'est la classe moyenne qui fait rouler l'économie. Plus elle est importante, plus elle génèrent de l'activité économique. C'est sans doute l'arrivée massive de ces nouveaux employés de l'État qui a permis, du moins en partie, de mettre au monde le Québec Inc.; qui nous a permis d'atteindre ce niveau de prospérité que l'on connait.

Selon l'Institut de la statistique du Québec, on compterait plus de 500 000 employés de l'État au Québec. Des emplois biens rémunérés et sûrs. Peu importe les aléas de l'économie, ces emplois là ne seront pas perdus. L'importance de notre fonction publique pourrait-elle expliquer le faible impact (par rapport à d'autres économies) qu'à eu la récente crise des marchés financiers sur notre économie?

Pensons maintenant aux régions. La création de gouvernements régionaux permettrait à la fois aux régions d'avoir les pouvoirs pour prendre en charge leur développement, et de se doter d'une véritable classe moyenne capable de faire rouler l'économie locale. C'est souvent ce qui manque en région pour assurer la survie de commerces ou de services; un clientèle en mesure de payer. Avec l'arrivée de centaines de nouveaux employés de l'État dans chaque région, on pourrait régler en partie cette problématique. De plus, comme les gouvernements sont souvent les plus gros donneurs d'ouvrages, leur impact sur les économies régionales s'en trouverait augmenté. C'est un pensez-y bien.

Bien entendu, il faudrait revoir la carte des régions pour en réduire le nombre; et revoir le partage des pouvoirs entre le gouvernement central et les gouvernements régionaux. Ça, c'est une autre histoire. Politique celle-là.

lundi 27 septembre 2010

Gouvernement régional: point de vue politique

Au printemps 2007, je présentais sur ce blogue de larges extraits du « Livre blanc sur la décentralisation », un projet de politique du premier gouvernement Lévesque (1977) qui n'a jamais été publié. Ce document proposait, comme politique de décentralisation, la création de gouvernements régionaux. Oui, un autre palier de gouvernement qui serait venu s'ajouter aux municipalités. Il faut préciser que les MRC (municipalités régionales de comté) n'existaient pas à l'époque. Elles furent créées en 1979.

Proposer aujourd'hui, en 2010, la création de gouvernements régionaux serait sans doute perçu comme un moment d'égarement. J'entends déjà les critiques: ça va coûter cher; on a pas les moyens, on est déjà assez gouverné comme ça; l'appareil d'État est déjà assez imposant, on ne va pas ajouter d'autres fonctionnaires; etc.. Bref, mettre de l'avant une telle proposition pourrait provoquer une révolution. Et, croyez moi, cette révolution ne serait pas tranquille.

Malgré cette vague d'oppositions anticipées, je crois que cette proposition mérite que l'on s'y attarde un peu plus.

Si on fait le tour des régions du Québec aujourd'hui, on peut constater que certaines sont encore en état de sous-développement; absence d'infrastructures, pénuries de main-d'oeuvre spécialisée, dépendance envers les ressources naturelles, économie mono-industrielle, absence de services Internet haute vitesse, etc..

Et la principale raison pour expliquer cette situation est l'absence d'instance décisionnelle en région. J'ai traité de ce sujet plusieurs fois sur ce blogue. Oui il existe des municipalités, des MRC et des CRÉ (Conférence régionale des élus) dans chaque région. Mais aucune de ces instances n'a de pouvoirs sur le développement socio-économique de leur région respective. La majorité des municipalités sont de très petites tailles, moins de 1500 habitants, et leurs élus occupent leurs fonctions à temps partiel. Quant aux MRC, elle exercent les pouvoirs qu'on bien voulu leur accorder les municipalités qui en sont membres. Ce n'est pas très autonome comme gouvernement local. Sur les 86 MRC qui existent au Québec, seulement 8 ont un préfet élu au suffrage direct par les citoyens de la MRC. Quant aux CRÉ, ce sont des organisme de concertation. Bien qu'elles aient le mandat d'élaborer et d'adopter un plan quinquennal de développement, elles ne disposent pas des pouvoirs nécessaires pour le réaliser. Pour leur développement, les régions dépendent encore du bon vouloir des paliers supérieurs, soit Québec et Ottawa.

Donc, sur la stricte question de la gouvernance, la création de gouvernements régionaux serait une bonne chose et permettrait enfin de rendre nos régions plus autonomes. Celles-ci pourraient enfin véritablement prendre en charge leur développement socio-économique.

Mais qu'en est-il pour l'aspect économique? Est-ce économiquement viable?

Prochain billet.

mardi 29 juin 2010

Turcot: échange d'idées sur l'échangeur

Bonne nouvelle, le MTQ serait sur le point de présenter un nouveau projet qui reprenderait «l'essentiel des propositions de (la Ville de) Montréal», mais sans le caroussel. La ministre des Transports expliquait que le Gouvernement ne voulait plus imposer de projet à Montéral. Ça, c'est une avancée. C'est fini le temps où le ministère des Transports, que ce soit au fédéral ou au provincial, pouvait décider seul et imposer ses choix.

Rappelons que les ministères des transports tant à Ottawa et à Québec (ce doit être la même chose dans les autres provinces) sont les seuls ministères qui ont un pouvoir d'expropriation; c'est-à-dire un pouvoir de déposséder quelqu'un de sa propriété (terre, maison, usine, etc.) moyennant une indemnité. Le propriétaire ne peut s'opposer à une telle décision puisque le ministère, ou le gouvernement, a plein pouvoir. C'est ce qui est arrivé aux propriétaires de terres agricoles lorsque le gouvernement d'Ottawa a mis de l'avant son projet de construction de l'aéroport de Mirabel dans les années 1970.

Comme je le disais dans mon précédent billet, les grands projets de transport ne doivent plus être pensés que sous l'angle de la circulation. Ces infrastructures doivent s'inscrire dans un schéma plus large qui prend en compte éléments. Et c'est sur la base de ces éléments que l'on pourra élaborer le plan final.

Mais, de quels éléments parle-t-on? Et comment s'inscrit cette prise en compte dans le processus décisionnel? Et qui doit participer dans cette prise de décision?

Les pays européens ont une longueur d'avance sur nous. Pour évaluer la pertinence d'un projet et procéder à son élaboration, les décideurs (les gouvernements) utilisent une série d'indicateurs. Ces indicateurs reflètent les enjeux auxquels les sociétés modernes doivent prendre en compte. On évalue les aspects économiques et sociaux, la fiscalité (financement), l'aménagement urbain ou territorial, la durée de vie ainsi que l'empreinte écologique. On parle ici du concept d'infrastructures durables dans un contexte de développement durable.

Une fois les indicateurs déterminés, on invite les acteurs de chacun des secteurs touchés à s'impliquer dans la conception de ces infrastructures. Une fois le processus terminé, le projet final qui est présenté fait déjà un large consensus et peut être réalisé plus rapidement.

Ce n'est évidemment pas le cas pour le projet de réfection de l'échangeur Turcot et, surtout, dans le cas du projet de réaménagement de la rue Notre-Dame à Montréal. Depuis combien d'année se chamaille-t-on et combien de plans nous a-t-on présenté pour la rue Notre-Dame?

mardi 4 mai 2010

Échangeur Turcot, la problématique.

Alors que le ministère des Transports du Québec (MTQ) est à faire des travaux d'urgences sur une bretelle de l'échangeur, nos instances sont en train de se chamailler sur qui a le meilleur projet. Le MTQ a présenté le sien, pas assez urbain au goût de la Ville de Montréal et des ses voisins. La Ville y arrive, sur le tard, avec son projet; pas assez « autoroute » pour le MTQ, et trop cher pour la ministre des transports.

Qui dit vrai? Personne. Qui a le meilleur projet? Personne. Le problème, c'est que chacun des intervenants y est allé selon ses préoccupations, ses intérêts ou selon son mandat. Lundi matin (3 mai 2010), le maire Gérald Tremblay disait souhaiter un « véritable partenariat » avec le MTQ. Les deux parties doivent se rencontrer dans la semaine pour échanger sur le sujet.

Pourquoi, lorsqu'un projet de transport ou d'aménagement du territoire est présenté, il ne semble jamais faire de consensus. Le problème est une question de mandat, d'objectif de l'organisme qui le présente. Je m'explique.

Pour le MTQ, sa mission « est d’assurer, sur tout le territoire, la mobilité des personnes et des marchandises par des systèmes de transport efficaces et sécuritaires qui contribuent au développement durable du Québec ». Bien que le MTQ dit souhaiter « une intégration harmonieuse des nouvelles infrastructures à leur milieu » son plan de réfection de l'échangeur Turcot est un projet strictement de circulation et non, comme plusieurs le voudrait, d'un projet d'aménagement urbain ou d'aménagement du territoire. Ce n'est tout simplement pas le mandat du MTQ.

Pour la Ville de Montréal, son mandat est d'abord et avant tout une mandat d'aménagement urbain, pas de circulation. Son projet de réfection de l'échangeur Turcot se concentre plus sur l'aspect aménagement urbain que celui de la circulation. D'ailleurs, la seule mention faite dans son projet présenté le 21 avril dernier touchant la circulation est le fait de « Maintenir les fonctionnalités de transport des marchandises ».

Donc, nous avons ici deux joueurs importants qui ne partagent pas la même conception de la réalité, ou plutôt qu'ils ne voient qu'une partie de la réalité (on retrouve la même problématique pour le réaménagement de la rue Notre-Dame). Les solutions apportées par les deux parties ne sont donc pas conciliables. Nous n'avons ici que des parties de solutions et non, comme il serait souhaitable, une solution globale qui tiendrait compte à la fois des besoins en circulation et de l'aménagement du territoire.

On retrouve cette même problématique pour l'ensemble du territoire métropolitain. L'absence de vision globale, de planification et de coordination au niveau métropolitain pour les questions de transports et d'aménagement du territoire rendent plus compliquée l'élaboration de projets comme celui de l'échangeur Turcot ou celui de l'Autoroute Bonaventure, pour ne nommer que ceux là. Il suffit qu'un promoteur ou une instance présente un projet, la plupart du temps sans concertation, pour que les nombreux autres intervenants viennent y mettre leurs grains de sel (ou de sable) avec pour résultat de faire retarder ou même dérailler le projet.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas de vision d'ensemble, de plan ou de cadre qui permettrait de guider les différents intervenants dans l'élaboration de leurs projets. La vision, tout comme la prise de décision, se trouve à être fragmentée. On se retrouve à avoir une diversité de visions pour un même projet, pour une même problématique.

Pour élaborer et réaliser ce plan d'ensemble, cette vision métropolitaine, mais aussi pour coordonner et concerter l'ensemble des intervenants lors de l'élaboration de projets de transports ou d'aménagement du territoire, il faudrait un organisme métropolitain qui aurait ce mandat, cette responsabilité. Pas une autre structure me direz-vous? Non, car cette structure existe déjà; c'est la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Retour sur le mémoire.

J'avais émis, dans un précédent billet, l'intention de publier mon mémoire de maîtrise sur ce blogue. Après une relecture, j'ai décidé de me raviser; trop lourd et trop long. Mais ne me remercier pas trop vite. Je vais quand même vous l'imposer, mais dans une version plus légère, plus accessible. Je pigerai à l'occasion des passages qui sont en lien avec l'actualité ou qui peuvent apporter une complément d'information. Pour ceux qui voudrait le lire dans son intégralité, vous n'avez qu'à m'en faire la demande par courriel.

mercredi 24 février 2010

Oui aux projets de TGV.

Le TGV, je suis pour; pour le tracé Québec – Windsor et pour le tracé Montréal – New York ainsi que celui de Montréal – Boston. Mais comment justifier un tel projet dans une période d'austérité économique pour nos gouvernements? Comment justifier le financement de ces infrastructures? En calculant les bénéfices, les retombées économiques que générera cet important investissement.


Financement: TGV vs Grand-prix, deux poids deux mesures?

Quand est venu le temps de financer le Grand-prix de Montréal afin d'assurer son retour, les différents paliers de gouvernement, ainsi que les nombreux supporters (à la fois amateurs de sport et acteurs économiques), ont plaidé les retombées économiques pour justifier cet investissement. Et je suis parfaitement d'accord avec leur argumentation. Le Grand-prix de Montréal occasionne suffisamment de retombées économiques pour que les gouvernements « rentrent dans leur argent ». Les gouvernements ne font pas de bénéfices directs, mais les rentrées d'argent indirectes dépassent largement leur mise de fonds. C'est une version élargie du concept coût-bénéfice qui permet de déterminer si un investissement peut être rentable ou non. Et on n'hésite pas à calculer les bénéfices indirects occasionnés par l'investissement, surtout si les bénéfices directs ne sont pas toujours au rendez-vous. Ce n'est peut-être pas une bonne façon de compter pour une entreprise privée, mais c'est une formule gagnante pour un gouvernement qui possède plusieurs sources de revenus, dont les taxes et les impôts. Toute activité économique génère des revenus pour un gouvernement.


Curieusement, lorsqu'il est question de projets d'infrastructures, tels les routes, le transport en commun (comme le métro, le tramway et les trains de banlieue), de même que les projets de TGV, on oublie la notion de bénéfices et on présente seulement les coûts de ceux-ci. Où, lorsque l'on parle de revenus possibles, c'est pour dire que ces projets ne seront pas rentables. Mais on ne définie pas ce que l'on entend par rentable. Ou, si on le définie, on n'utilise pas la même définition que pour le Grand-prix; on ne tient pas compte des bénéfices indirects qui seraient générés par ces investissements. C'est comme si ces projets d'infrastructures ne généraient aucun bénéfice à l'État.


Toute activité économique génère des revenus pour un gouvernement.

Des études de pré-faisabilités aux travaux, jusqu'à l'utilisation de ces infrastructures, il y a des retombées économiques pour les gouvernements qui les financent. L'existence même de ces nouvelles infrastructures génèrent des activités économiques qui à leur tour généreront des revenus pour l'État. Tout est taxé; des boulons aux services des ingénieurs, comptables et avocats. De plus, les revenus de ces mêmes professionnels ainsi que ceux des entreprises qui participent directement (firmes d'ingénierie, entrepreneurs, etc.) et indirectement (fournisseurs) à ces projets sont imposés. Durant les travaux, ceux qui y travaillent, les firmes comme les personnes, peuvent s'adonner à des activités économiques diverses (restaurants, cinémas, etc.) ou s'acheter des biens meubles ou immeubles grâce à leur revenu que leur procurent ces travaux d'infrastructures. Ça aussi ce sont des bénéfices pour les gouvernements. Et ces activités économiques générées par les travailleurs et les firmes occasionnent elles aussi des activités économiques. Pour répondre à la demande, des entreprises créeront de nouveaux emplois (le restaurant du coin comme le constructeur de maison) ce qui générera des nouveaux revenus pour les gouvernements. Ces nouveaux employés aussi auront des activités économiques qui généreront des revenus pour l'État. Et ce tout au long des travaux et même après. Bref, la notion de rentabilité que l'on doit appliquer pour les projets d'infrastructures doit être la plus large possible, comme dans le cas du Grand-prix du Canada.


Créer le marché, la demande plutôt que d'y répondre.

En matière de transport de personnes, on ne peut justifier la « rentabilité » d'un projet sur le marché ou la demande pour tel ou tel service. Pourquoi? Parce que la demande ou le marché pour un service qui n'est pas offert n'existe pas, parce que le service n'existe pas. Même chose lorsque le service existe mais n'est pas de bonne qualité ou ne répond pas aux besoins. Prenons l'exemple des trains de banlieue dans la région métropolitaine de Montréal. Ce service, au milieu des années 1990, était sous la responsabilité des municipalités. C'était un service déficient qui ne répondait pas aux besoins. La demande n'était donc pas très bonne. Se basant sur cette faible demande, certains élus municipaux avaient demandé, lors des audiences du Groupe de travail sur Montréal et sa région (GTMR), l'abandon du service de trains de banlieue. Dans son rapport final, le GTMR (rapport Pichette – 1993) recommandait que le gouvernement du Québec prennent en charge ce service et demandait à celui-ci de faire une étude de faisabilité avant de procéder à l'expansion du réseau. Le gouvernement à effectivement pris en charge ce service et en a confié la responsabilité à l'Agence métropolitaine de transport (AMT) créée en 1996 pour coordonner et développer les services de transport en commun dans la région métropolitaine de Montréal. L'AMT a choisi d'améliorer l'offre de service des trains de banlieue, ce qui a occasionné une augmentation de la demande. En améliorant les services de trains de banlieue, l'AMT a créé une nouvelle demande pour ce service. Si elle s'était basée sur la demande à l'époque, je ne suis pas sûr qu'elle aurait choisi d'améliorer le service. Mais, le mandat de l'AMT était de développer les services de transport en commun dans la région, et non pas de répondre à la demande. Or, pour le TGV, on ne peut justifier ou non sa faisabilité ou son opportunité sur la demande, car le services de TGV n'existe pas. Il existe bien un service de transport de personne par train, mais il est peu efficace et désorganisé. Comme pour le service de trains de banlieue au milieu des années 1990, la demande est à l'image du service. Plus le service est faible, plus la demande pour ce service est faible. Une offre de service améliorée engendrera une nouvelle demande pour ce service. Comme il n'y a pas de service de TGV au Canada et aux États-Unis, il n'y a pas de demande pour ce service. On ne peut donc pas attendre qu'il y ait une demande pour aller de l'avant avec les projets. Si on avait attendu la demande pour un TGV entre Paris et Londres, l'Eurostar n'aurait jamais été construit; de même que la plupart des lignes de TGV en Europe ou ailleurs dans le monde.


Alors, si on ne peut justifier un projet d'infrastructure comme le TGV sur la demande pour ce service, il ne reste que le calcul des retombées économiques que générera un tel service. Et pour cela, il existe beaucoup d'exemples en Europe. Sortez vos calculatrices.


Transport de personnes: aérien vs ferroviaire.

Les transporteurs aériens ne sont pas très chauds à l'idée de voir arriver le TGV en terre d'Amérique. Et on peut les comprendre. Les corridors qui seraient desservis par le TGV viendraient concurrencer directement leurs corridors les plus rentables; par exemple celui entre Montréal et Toronto. Mais il existe une solution: la complémentarité des services plutôt que la concurrence. Pour les corridors les plus rentables de l'industrie aérienne, le TGV ne s'accaparera pas de la totalité du marché, ni même de la moitié de ce marché. Et on peut s'attendre à une augmentation de la demande de transport sur ces corridors. L'idée ici est de développer des complémentarités entre le transport aérien et le transport ferroviaire afin d'inciter les acteurs du premier à participer au financement du second. Comment? En subventionnant le transport aérien de passagers dans les régions du pays. Il existe là un potentiel de développement très important. Mais, me direz-vous, les services aériens en région ne sont pas rentables et la demande est presque nulle. D'accord avec vous, la demande est presque nulle parce que les services son soit inexistant ou hors de prix (un billet entre Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine coûte plus cher qu'un billet Montréal – Paris). En subventionnant ces services, on diminue les coûts et on crée une nouvelle demande. Et ça fonctionne. C'est ce que les États-Unis font depuis le milieu des années 1970 avec le Rural Air Services Survival Act également appelé «Programme des services essentiels de transport aérien». Cette politique à été introduite lors de la déréglementation des services aériens afin d'assurer un maintien des services aériens minimum dans les localités qui avaient perdu leurs services réguliers suite à la dérèglementation de 1978. Les gros transporteurs aériens ont développer des filiales régionales pour desservir ces régions avec des avions plus petits, les avions régionaux. Est-ce un service rentable? Demandez-le à Bombardier?


Mais il ne suffira pas de subventionner les services de transport aérien pour créer une demande. Il faudra aussi organiser les services, gérer la demande. Comment? En prenant exemple sur le fonctionnement des Conseils intermunicipaux de transport (CIT) dans la région de Montréal (cf. : Loi sur les conseils intermunicipaux de transport dans la région de Montréal, L.R.Q. chapitre C-60.1). Ces conseils ont créé une demande de services de transport en commun en permettant d'offrir ces services à leurs concitoyens.


En conclusion.

À la demande s'il serait opportun d'aller de l'avant avec les projets de TGV, la réponse est oui en raison des retombées économiques que ces nouveaux services de transport de passagers généreront pour nos gouvernements.