mardi 23 octobre 2007

Commentaires sur l’actualité.

Plusieurs “morceaux d’actualité” méritent que l’on s’y attarde un peu.

1. Rivalité Montréal-régions.
Lundi dernier, le journal Le Soleil, repris sur Cyberpresse.ca, y allait d’une série d’articles sur la rivalité entre Montréal et le reste du Québec (en particulier la région de la Capitale nationale). Beaucoup y sont allés de leurs commentaires pas toujours réfléchis, certains donnant tous les torts à Montréal (en particulier aux habitants du Plateau Mont-Royal), alors que d’autres parlaient de la “Dictature des régions” (voir le blogue de Patrick Lagacé sur cyberpresse.ca). Le seul propos songé vient de Marie-France Bazzo dans un article de Valérie Gaudreau du journal Le Soleil (Rivalité Québec–Montréal : « Du folklore », selon Marie-France Bazzo) paru le 15 octobre dernier: «Taper sur un ennemi, c’est petit, on se déchire et, pendant ce temps, on n’avance pas. ».

Je suis tout à fait d’accord avec elle. Il existe une méconnaissance de l’autre région. Pour avoir vécu à Québec, à Montréal et, depuis 5 ans, en Gaspésie, on entend toutes sortes de légendes sur la vie en ville ou en campagne. Ces histoires ont toute une chose en commun: l’ignorance.

Pierre Bourque, ancien maire de Montréal, disait, à propos de cette rivalité, qu’il faudrait prendre les gens des régions par la main et leur faire faire le tour de Montréal pour ensuite prendre les gens de Montréal par la main et leur faire visiter les régions.

Pour ma part, je trouve que tout ce crêpage de chignon inter-régional fait “petit peuple”. Plutôt que de se chercher des poux (urbains ou ruraux), nous devrions tous travailler ensemble à développer notre belle patrie. Pour les gens des régions, Montréal est le moteur économique du Québec (comme disent les anglais: “It’s the economy stupid!”). Pour les gens de Montréal, les régions sont des artères importants qui apportent le combustible (ressources naturelles et humaines) nécessaire au bon fonctionnement du moteur. Elles ont donc besoin de conditions optimales pour se développer.

2. Agence québécoise des viaducs et des ponts.
La ministre des Transports du Québec annonçait vendredi dernier la création de l’Agence québécoise des viaducs et des ponts qui aurait comme principales responsabilités la construction, la gestion et l'entretien des structures.

Cette initiative permettra, en concentrant les responsabilités et pouvoirs dans un même organisme, de mieux coordonner les activités de gestion, de surveillances et d’entretien de ces importants ouvrages. Ces pouvoirs et responsabilités étaient morcelées entre différentes directions du ministère des Transports du Québec et les municipalités; ce qui faisait que personne n’était responsable. En concentrant les pouvoirs et responsabilités dans un même organisme et en lui donnant un mandat clair, nous avons plus de chance d’obtenir de bons résultats. C’est ce que l’on a fait avec l’Agence métropolitaine de transport (AMT) pour ce qui est de la coordination et de la planification des services de transports en communs dans la grande région de Montréal il y a plus de 10 ans. Le mandat était clair, augmenter la demande pour les services de transport en commun dans la région métropolitaine en coordonnant les services qu’offraient, et qu’offrent toujours, les 22 autorités organisatrices de transport de la région.

Vous me voyez venir? Qui est responsable du développement socio-économique de nos régions? Cette importante responsabilité est présentement morcelée entre une multitude d’acteurs disparates; municipalités, MRC, ministères provinciaux et fédéraux, CRÉ, Chambres de commerces, et autres organismes sectoriels. Aussi bien dire que personne n'est responsable. Il est temps de rassembler cette responsabilité dans un organisme et de lui donner un mandat clair et des ressources adéquates. Les Conférences régionales des élus (CRÉ), en y apportant quelques modifications et ajouts, pourraient très bien remplir ce rôle.

2. Salaires intéressants pour nos élus.
Dans le journal L’Écho de la Baie de dimanche dernier (21 octobre), on pouvait lire en page 2 l’article “Salaires intéressants pour nos élus”. L’article citait un article du journal Le Soleil rapportant que les salaires des mairesses de Sainte-Anne-des-Monts et de New Richmond seraient augmentés, passant de 12 000 $ à 18 600 $ par année pour le poste de maire de Sainte-Anne-des-Monts alors que celui du maire de New Richmond passera à 44 749 $ par an cette année.

J’entends déjà certaines personnes s’indigner de telles augmentations. Je leur répondrai que si elles veulent que leur municipalité joue un plus grand rôle dans le développement de leur communauté et qu’elle puisse défendre leurs intérêts, il faudrait peut-être penser accorder à leurs élus une rémunération appropriée pour attirer de bons candidats ou pour garder ceux qui sont déjà en fonction. Je considère que la rémunération que l’on verse à nos élus est tout simplement indécente et que nous ne méritons pas les heures que ceux-ci donnent (parce qu’il s’agit bien ici d’un don) à leur municipalité. Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, ou que vous n’êtes pas satisfait du travail de vos élus, présentez vous aux prochaines élections (en novembre 2009, vous avez le temps de vous préparer). Vous me direz ensuite comment vous ferez pour vous gardez motivé avec environ 5 000 $ de revenu par an et une gagne de “chialeux” qui critiquent sans cesse vos moindres décisions.

dimanche 21 octobre 2007

Plus de budget pour la CRÉ.

Plus de budget pour les fonds gérés par la CRÉ; et plus de responsabilités en matière de développement économique. Présentement, les promoteurs de projets importants pour le développement de la région doivent attendre le bon vouloir des gouvernements supérieurs pour commencer à penser à soulever la première pelletée de terre; même lorsque la CRÉ décide de prioriser leur projet. Dépendance envers Québec (et aussi Ottawa, mais ça c’est une autre histoire ... de juridiction).

Deux exemples qui démontrent le peu d’impact que peut avoir la CRÉ sur le développement économique de la région avec son (petit) Fonds de développement régional de 1,35 M $. Seulement à New Richmond, deux projets ont nécessité des investissements de plus de 15 M $: le parc industriel (4,5 M $) et la Station touristique de Pin Rouge (10 M $). Ces sommes proviennent des gouvernements du Québec et d’Ottawa. La CRÉ, avec son petit budget, n’est même pas dans le coup.

D’ailleurs, ce n’est pas son mandat de faire du développement économique. Je le répète, la CRÉ est un organisme de concertation et de planification régionale et joue le rôle “d’interlocuteur privilégié” du gouvernement du Québec en matière de développement régional. Leur confier la gestion d’un fonds de développement régional si peu garni ne sert qu’à occuper les administrateurs pour ne pas qu’ils se sentent inutiles. Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La CRÉ n’est pas inutile. La concertation et la planification régionale sont essentielles au développement d’une région. Et le personnel de la CRÉ, de même que les administrateurs, font un travail remarquable. Le problème, c’est que l’organisme n’est pas outillé pour que ses travaux se traduisent en résultats concrets pour le développement de la région et qu’il puisse agir comme leader du développement économique régional. C’est d’ailleurs ce qui manque dans la plupart des régions; un leadership régional pour le développement économique.

vendredi 12 octobre 2007

Plus de responsabilités pour la CRÉ.

La CRÉ est un organisme de concertation et de planification régionale et joue le rôle “d’interlocuteur privilégié” du gouvernement du Québec en matière de développement régional. Mis à part le rôle “d’interlocuteur privilégié” en matière de développement régional, de concertation et de planification régionale, elle n’a pas de mandat pour “développer” la région qu’elle dessert. On ne peut pas considérer le 1,35 millions $ pour le Fonds de développement régional comme un outil de développement.

La CRÉ n’a aucun pouvoir d’action pour réaliser la planification stratégique qu’elle élabore. Cette planification stratégique ne sert donc pas à grand chose présentement car il n’y a personne pour mettre en application les objectifs choisis. Un exemple, dans la dernière planification stratégique, on avait déterminé comme objectif, dans le secteur des transports (encore les transports), l’augmentation du tonnage transbordé au port de Gaspé. Mais, la CRÉ n’a aucune autorité sur la gestion, l’administration ou le développement des activités du port de Gaspé et aucun moyen d’influencer les choix des administrateurs (s’il y en a) et le propriétaire des installations (le gouvernement fédéral).

Il faut donc à la CRÉ plus de responsabilités et de pouvoirs pour lui permettre de réaliser son plan de développement auquel elle travaille si fort. Mais quels pouvoirs, quelles responsabilités? Pour quels secteurs d’activité?

Certains secteurs d’activité ne posent pas de problème; les acteurs et décideurs y sont très actifs et sont très impliqués. De plus, des secteurs comme la culture n’ont pas besoin d’importantes infrastructures pour les soutenir. Ce qui manque, c’est surtout des fonds pour augmenter l’offre et soutenir les artistes et créateurs. Par contre, d’autres secteurs sont sous équipés, sous financés et la coordination est déficiente. Je parlerai ici, bien entendu, du secteur des transports (on peut aussi ajouter le secteur des communications ainsi que celui du développement économique). Pourquoi donner tant d’importance à ce secteur? Tout simplement parce que l’économie (et son développement) de notre région en dépend.

Le secteur des transports, c’est un peu comme la colonne vertébrale de notre région. Que ce soit pour développer le secteur du tourisme, attirer de nouvelles entreprises, permettre aux entreprises d’ici d’atteindre de nouveaux marchés, offrir plus de choix en produits et services aux résidents de notre région ou faire venir des artistes de l’extérieur, ou simplement recevoir de la visite (ou aller visiter les autres) nous avons besoins de moyens de transport dignes de notre époque. C’est justement parce que nous sommes dans une région éloignée que nous devons avoir des moyens de transport performants et variés (transport multimodale).

Comme je l’ai déjà écrit sur ce blogue, nous sommes, en Gaspésie, assez bien “équipé” en terme d’infrastructures de transport. Moyennant quelques investissements pour mettre à jour certaines installations, nous pouvons compter sur ces infrastructures pour appuyer le développement économique de notre région. Ce qui manque le plus pour ce secteur important de notre économie, c’est une vision de développement, et une meilleure cohésion, un meilleurs coordination dans la gestion et le développement de ce secteur. Par exemple, on ne devrait pas faire de plan de développement du transport ferroviaire sans considérer le transport routier et maritime comme complémentaire au transport par train. Développer un seul moyen de transport serait hautement contre-productif et pourrait même nuire à notre économie globale.

Alors, comment coordonner le développement et la gestion des services de transport dans notre région? C’est simple. Il suffit de créer un organisme qui aura le mandat de coordonner le développement et la gestion de l’offre de transport à l’échelle de la région. Un tel organisme, ou un agence, pourrait relever de la CRÉ. Il n’est pas nécessaire que cet organisme soit propriétaire des installations et infrastructures. Il peut y avoir des ententes de gestion entre les propriétaires et l’agence.

Avec une telle agence responsable du secteur des transports en Gaspésie, la CRÉ pourrait alors se doter d’un magnifique plan de transport et LE RÉALISER. Ce serait une première. On pourra par la suite prendre exemple sur cette expérience et faire la même chose pour d’autre secteur. (Celui du développement économique et de l’aménagement du territoire - ils sont liés - en aurait bien besoins.)

mardi 9 octobre 2007

Plus d’argent pour la CRÉ.

Dans le journal L’Écho de la Baie de cette fin de semaine (édition du dimanche 7 octobre 2007), on apprenait que l’enveloppe budgétaire de la CRÉ de la région Gaspésie-Les-Îles augmenterait de 63,8 % pour s’établir à 3,9 M$. Bravo. On peut penser que c’est beaucoup, mais en réalité, c’est très peu.

La CRÉ est un organisme de concertation et de planification régionale et joue le rôle “d’interlocuteur privilégié” du gouvernement du Québec en matière de développement régional. Elle est composée en majorité d’élus municipaux de la région auxquels se joignent des représentants de la société civile.

En plus de la concertation et de la planification du développement, la CRÉ gère trois fonds: le Fonds de développement régional, le Programme de mise en valeur des ressources du milieu forestier (aussi appelé Volet II), ainsi que deux fonds qui sont dédiés à la culture: le Fonds des arts et des lettres pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine et le Fonds de soutien au développement culturel. Il ne faut pas oublier aussi les frais de fonctionnement; quelques professionnels dévoués abattent beaucoup de travail.

Donc, 3,9 M$ pour toutes ces responsabilités, c’est très peu. Dans la même édition du journal, on annonçait en première page l’octroi d’une somme de 3,4 M$ par le gouvernement fédéral pour la station touristique de Pin Rouge à New Richmond. Cette somme venait s’ajouter aux quelques millions déjà versés par le Gouvernement du Québec, ceci sans compter la contribution de la Ville de New Richmond.

Les actions de la CRÉ ont-elles un impact sur le développement de la région? Peut-être beaucoup d’impact localement, mais au niveau de la région, pas vraiment. Avec un budget de 1,35 M$ par année pour le Fonds de développement régional pour une cinquantaine de projets, c’est difficile d’avoir une impact régional; surtout lorsque l’on connaît les besoins de financement de projets comme Pin Rouge qui ne peuvent que compter sur l’aide des gouvernements supérieurs (Québec et Ottawa) pour voir le jour.

Devrait-on augmenter le budget de la CRÉ? Bonne question. Je pense qu’avant de penser à augmenter le budget de la CRÉ, il faudrait se demander si l’on veut qu’elle joue un plus grand rôle dans le développement de la région, qu’elle ait plus de responsabilités. Si la réponse à cette dernière question est oui, alors la réponse à la première doit aussi être oui.

Prochain billet: plus de responsabilités et plus de budget pour la CRÉ.

jeudi 27 septembre 2007

Sujets divers et interreliés.

Concurrence déloyale?
Une nouvelle coalition à vue le jour pour dénoncer le programme de subventions aux régions ressources. La Coalition des régions pour l'entraide économique équitable (CREÉÉ) soutient que les subventions dédiées aux régions ressources entraînent une concurrence déloyale.

Ce programme a été créé pour aider au développement économique des régions ressources qui sont éloignées des grands centres. On pourrait répondre aux membres de cette coalition, qui sont pour la plupart dans des régions voisines des grands centres comme Québec et Montréal, que le fait d’être à proximité des grands centres urbains (ou des lignes américaines) entraîne aussi une concurrence déloyale envers les régions éloignées.

Comme le demande les membres de la coalition, je pense que les critères d’admission au programme doivent être modifiés pour ne pas que des entreprises déjà implantées dans des régions plus centrales décident de déménager dans une région ressource pour bénéficier des subventions. C’est ce qu’un membre de la CREÉÉ appelle déshabiller Jacques pour habiller Paul.

Nous nous sommes donnés au Québec une politique d’occupation du territoire. Il faut, pour bien appliquer cette politique, que tout le monde ait les mêmes chances et avantages peu importe la région où il demeure.

Zone économique Canada-Europe
La Presse Canadienne (lue sur Cyberpresse.ca du 26-09-07) rapportait que le ministre du Développement économique du Québec, Raymond Bachand, «estime que les négociations en vue de créer une zone économique canado-européenne pourraient aboutir d'ici deux ans». C’est une excellente nouvelle. Cela veut dire un plus grand accès au marché européen. Comme pour le traité de libre-échange avec les États-Unis, il faudra trouver le moyen d’en profiter, nous aussi en région. Ce n’est pas parce que nous sommes dans une région éloignée que nous devons toujours attendre de l’aide de nos gouvernements. C’est très bien des programmes de subventions dédiées aux régions ressources, mais nous devons nous mêmes se doter d’outils et d’infrastructures si nous voulons développer, et surtout diversifier, notre économie. Les gouvernements peuvent faire un bout, mais ne doivent pas tout faire à notre place. Nous seuls devrions savoir quel développement nous voulons et quels outils nous avons besoin. C’est une question de décision. Et si nous ne sommes pas outillés pour prendre de telles décisions en région, nous devrons revoir nos instances décisionnelles, c’est-à-dire notre façon de nous gouverner. Et ça, ça passe par la décentralisation.

Quelle décentralisation?
Sur le site de Nouvelles de Radio-Canada/Bas-Saint-Laurent, on pouvait lire, le 3 mai dernier (2007) qu’une nouvelle coalition avait vu le jour. «Un regroupement de personnalités des régions du Québec réclame une loi-cadre sur la décentralisation territoriale.» «Le regroupement estime que le gouvernement doit mettre en place des politiques nationales claires sur la décentralisation et se montre favorable à l'implantation de mécanisme de péréquation pour atténuer les inégalités entre régions.» Selon un des membres de la coalition, «l'aide aux régions manque de coordination et s'improvise selon les crises et les besoins». Il demande qu’il y ait une vision globale des enjeux ainsi qu’une vision coordonnée.

On croirait entendre un vieux disque rayé (je parle d’un bon vieux vinyle et pas d'un CD). Encore quelqu’un qui demande au gouvernement de trouver une solution; cette fois-ci une loi-cadre sur la décentralisation ainsi que des politiques nationales claires sur la décentralisation.

Que devrait contenir cette loi-cadre et quelles devraient être ces politiques claires? Avez-vous une idée, vous les membres de cette nouvelle coalition? Si oui, on peut tu s’asseoir ensemble pour l’écrire, avec la participation du gouvernement et des décideurs régionaux?

Présentement, tout le monde se lance la balle en ce qui concerne la décentralisation. Et ça dure depuis plus de 30 ans. Pourtant, ce n’est pas sorcier de faire une politique ou une loi sur la décentralisation. Il suffit de décider quels pouvoirs décisionnels nous avons besoins en région, par exemple quels pouvoirs nous permettraient de mettre en application les plans de développement économiques que nous nous donnons tant de peine à élaborer, et comment nous voulons qu’ils soient organisés. Ensuite, nous n’avons qu’à nous asseoir pour écrire le projet de loi que le gouvernement adoptera.

Si vous avez besoin d’aide, appelez-moi.

lundi 24 septembre 2007

100e billet.

C’est le centième billet que je rédige sur ce blogue. Pour célébrer cet événement, quoi de mieux qu’un brassage d’idée. Je propose deux idées, pas nécessairement nouvelle, mais qui risquent de brasser. La première concerne les Îles-de-la-Madeleine et l’autre concerne la Gaspésie. Je ferai une courte mise en contexte pour ensuite présenter mes idées.

Les Îles-de-la-Madeleine
Ayant travaillé à la Conférence régionale des élu(e)s de la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, j’ai pu être témoin des désaccords qu’il peut subvenir à l’occasion entre les insulaires (les habitants des Îles) et ceux qui vivent “sur la terre ferme” (les Gaspésiens).

Les Gaspésiens trouvent parfois que les gens des Îles sont capricieux, qu’ils sont réticents à travailler avec eux, qu’ils veulent que l’on tienne compte de leur spécificité, de leur particularité, du fait qu’ils font face à des problématique et des défis différents de ceux que vivent les Gaspésiens.

De leur côté, les Madelinots trouvent que nous, les Gaspésiens, prenons beaucoup de temps à faire avancer des dossiers et des projets car nous n’arrivons pas à nous entendre entre nous. Ils préfèrent que nous nous entendions entre nous avant de se prononcer sur les dossiers.

C’est un fait que la réalité des Îles-de-la-Madeleine est très différente de celle de la Gaspésie. C’est vrai que, pour beaucoup de dossiers mis de l’avant par les Gaspésiens, les Îles ne se sentent pas concernés. C’est vrai que nous avons, entre Gaspésiens, beaucoup de difficulté à nous entendre entre nous.

Bref, pour les Gaspésiens, les Îles représentent un boulet pour l’avancement des affaires courantes. Mais, pour les Madelinots, la Gaspésie représente un boulet beaucoup plus gros, en raison surtout des nombreux dossiers qui ne concernent pas les Îles (et aussi le fait que nous avons de la difficulté à nous entendre et/ou à travailler ensemble).

Ce que je suggère, c’est que les Îles-de-la-Madeleine devienne une région administrative à part entière. Ça n’enlèvera rien à la Gaspésie, mais par contre ça donnera aux Îles une meilleure emprise sur son développement. Une solution médiane où les Îles obtiendrait une plus grande autonomie au sein de la CRÉ pourrait être envisagée.

La Gaspésie, de Sainte-Flavie à Sainte-Flavie
Natif de Chandler, j’ai grandi à Québec. Mais nous avons toujours garder un lien, un contact avec notre patrie. À chaque été, nous faisions le trajet, souvent plusieurs fois durant l’été, entre notre résidence à Québec et la maison de ma Grand-Mère dans la Baie-des-Chaleurs.

Pour nous, quand on arrivait à Sainte-Flavie, on arrivait en Gaspésie. La Gaspésie, commençait à Sainte-Flavie. Au milieu des années 1980, le gouvernement de l’époque entrepris de procéder à la reconfiguration des régions administratives afin de mieux organiser ces services sur l’ensemble du territoire québécois. Malheureusement, suite à des négociations ardues (???) entre ministres de ce gouvernement, la région de la Gaspésie fut amputée d’une partie de son territoire au profit de la région du Bas-Saint-Laurent.

La suggestion, c’est de rapatrier les MRC de Matane et de Matapédia en Gaspésie.
Il y a beaucoup d’avantages pour les deux territoires. Premièrement, la Gaspésie verrait sa population augmentée de façon significative; ce qui augmenterait automatiquement son poids politique. Deuxièmement, les MRC de Matane et de Matapédia se retrouveraient à l’entrée de la région et non à la sortie comme elles le sont présentement. Ces deux MRC ont d’ailleurs plus d’affinités avec la région de la Gaspésie qu’avec celle du Bas-Saint-Laurent.

Ce ne sont que des suggestions.

jeudi 20 septembre 2007

Volonté, oui mais ...

Dans mon dernier billet, je parlais de la volonté des gens de ma région de participer au développement. Quand la volonté est là, tout est possible? À condition que l’on en ait les moyens; et je ne parle pas de moyens financiers. Souvent, répondre qu’il n’y a pas d’argent est un moyen détourné pour ne pas montrer que la volonté n’y est pas.

Les autres moyens que je parle sont la capacité ou le pouvoir d’agir. Nous avons, dans nos régions, des instances qui sont pleines de bonnes intentions et de bonne volonté. Par exemple, les Conférences régionales des élu(e)s (CRÉ). Ces instances, comme leur prédécesseurs les CRCD, sont responsables de l’élaboration de plans de développement stratégique. Elles ont beaucoup d’expériences dans le domaines et font un très bon travail. Les plans de développement qui en émanent sont le résultat d’un dynamique exercice de concertation avec la participation d’une grande partie des acteurs et décideurs socio-économiques régionaux.

Mais, qu’est-ce qui arrive une fois que ces planifications stratégiques ont été adoptées et entérinées par le gouvernement à Québec? Malheureusement, ces beaux documents sont condamnés à accumuler de la poussière sur une tablette quelconque à côté des autres plans de développement antérieurs. Pourquoi en est-il ainsi? Non, ce n’est pas en raison du manque de volonté des acteurs et décideurs qui ont participé à cet exercice, ni en raison du manque de volonté du gouvernement du Québec.

La raison, c’est parce qu’il n’y a pas d’instance régionale pour les mettre en application. Par exemple, dans le secteur des transports (et oui, encore les transports), la CRÉ peut concerter les différents acteurs et décideurs pour entendre leur besoins ou élaborer un plan de développement. Mais elle n’a pas le pouvoir d’appliquer les actions retenues ni de coordonner les activités de ce secteur pour atteindre les objectifs fixés dans le plan de développement.

Ce qu’il faudrait, c’est une réorganisation des pouvoirs décisionnels dans les régions pour permettre à celles-ci de mettre en application leur planification stratégique. On parle ici d’une réorganisation de la gouvernance régionale, plus précisément de décentralisation. Ce n’est pas très compliqué, mais cela demande de la volonté de la part de tous. Et c’est là le problème présentement. Il n’y a pas de volonté de décentralisation tant de la part des élus municipaux (municipalité et MRC ainsi que les instances qui les représentant - FQM et UMQ) que du gouvernement du Québec. Quand les deux camps se lancent la balle en accusant l’autre de ne pas vouloir présenter de solution, c’est signe qu’il y a un manque flagrant de volonté de part et d’autre.

Ou peut-être est-ce que personne ne sait ou ne comprend ce qu’est la décentralisation. Je suis disponible si vous avez des questions.

mercredi 19 septembre 2007

Deux fois bravo ... et pas de “mais” ...

Deux événements importants ont marqué l’actualité dans ma belle région de la Gaspésie.

Le premier, à l’initiative de la Société de développement commerciale de New Richmond, une rencontre des gens d’affaires de la Baie-des-Chaleurs a eu lieu. Cette rencontre avait pour but de mettre les bases d’un regroupement de gens d’affaires de la région afin de travailler ensemble pour le développement économique de cette même région. Les commerçants et gens d’affaires de la région de la Baie-des-Chaleurs veulent travailler ensemble pour le développement de leur région. Bravo et pas de “mais”.

Deuxième événement, il y aura un centre des congrès dans la Baie-des-Chaleurs. Le projet a été annoncé récemment et les travaux de construction débuteront au mois de mars 2008. Bravo et pas de “mais”.

C’est deux événements, de même que l’aboutissement du dossier ferroviaire (voir le billet “Pause train”), démontre une volonté de développement ainsi qu’une très grande ténacité de la part des gens d’ici et que l’on a la capacité de réaliser des projets ici en région.

Encore une fois bravo ... et pas de “mais”.

lundi 6 août 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (8)

Voici la septième et dernière partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995.


Conclusion
Tocqueville disait de la centralisation qu’elle repose sur des idées générales. Par la centralisation, les gouvernements se faisaient les défenseurs de l’uniformité. Des principes comme l’universalité des services aux citoyens sont encore bien ancrés dans notre société. Mais uniformité ne veut pas dire nécessairement égalité. L’application des normes “mur à mur” l’a très bien démontré. On s’imaginait qu’en offrant la même quantité de services à tous les citoyens, sans distinction de leur lieu de résidence, on arriverait à réduire les disparités locales. Mais la notion de disparités locales n’a de sens que lorsqu’on évalue la qualité de vie d’une localité à l’autre et non la quantité de services disponibles. Et qui d'autres que les localités elles-mêmes peuvent évaluer leur qualité de vie et chercher à l’améliorer en tenant compte de leur réalité et de leur diversité?

Le gouvernement central doit se mettre au diapason de ses localités. Il doit permettre aux localités de se faire entendre. Si ce gouvernement veut faire preuve de souplesse, il doit donner une voix à ces localités par la régionalisation en transférant des compétences aux collectivités locales et en les consultant au besoin. Celle-ci peut prendre deux formes : la déconcentration ou la décentralisation.

Le gouvernement central peut aménager sa politique de centralisation en déconcentrant son administration, donnant ainsi des pouvoirs décisionnels aux directeurs locaux des ministères et organismes gouvernementaux. Ces directeurs, des agents du gouvernement central dispersés sur le territoire, pourraient ainsi être en mesure de mieux coordonner les actions de leur gouvernement.

Le réaménagement de la centralisation peut avoir des effets bénéfiques pour les localités, mais il compte aussi des limites. C’est le gouvernement central qui décide; c’est lui qui a le dernier mot. Un gouvernement central demeure un gouvernement central, bien intentionné ou non.

Lorsqu’un système ne fonctionne pas à la satisfaction de ceux qu’il gère, il est parfois jugé à propos de le remettre en question. C’est le propre de la décentralisation. En favorisant un partage de pouvoir, elle contredit le principe même de la centralisation qui vise la concentration des pouvoirs en un même endroit : le gouvernement central. La décentralisation permet à des autorités locales indépendantes du pouvoir central de prendre en charge leurs affaires propres et de gérer leurs décisions de façon autonome.

Par contre, pour bien réussir l’aventure de la décentralisation, si on choisie cette option, il faudra faire attention de ne pas s’embourber dans des conditions et prérequis qui pourraient en empêcher la réalisation. Des conditions minimales, mais très claires et précises ne laissant pas de place à l’interprétation, seraient une sorte de garantie à sa bonne réalisation.

lundi 30 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (7)

Voici la sixième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les enjeux et les moyens. Je présenterai au prochain billet la conclusion de ce document.


Déconcentrer ou décentraliser : quelle option?
Déconcentration, décentralisation ou aucune de ces réponses? Choisir une option n’est pas aussi simple que cela. Deux critères doivent être considérés : les enjeux et les moyens à privilégier.

Les enjeux
Beaucoup se sont plaints de la grosseur et de la lenteur de l’appareil d’État. Dans La question régionale au Québec, Lionel Robert (1984) cite un extrait du rapport de la Commission Rochon ou il est question d’“ingouvernabilité” : «Le système devient tellement complexe, réglementé, embourbé, traversé par des conflits qu’il est à toutes fins pratiques ingouvernable» (Rapport Rochon, 1988). Face à l’inefficacité du gouvernement central, l’idée qui s’impose alors, selon la commission, est le partage du pouvoir décisionnel. Ce partage permettrait ainsi à ceux qui sont le plus en mesure de trouver des solutions à des situations qui les touchent de disposer de pouvoirs et de compétences leur permettant d’appliquer ces solutions. L’enjeu principal n’est donc pas la création de nouveaux gouvernements ou de structures nouvelles, mais le partage de pouvoirs et de responsabilités publiques du gouvernement central vers des paliers plus près des citoyens.

Les moyens
Détenir un véritable pouvoir décisionnel implique la capacité de l’utiliser de façon autonome sans avoir à attendre l’autorisation de l’État central. Une instance qui détient un tel pouvoir doit être en mesure d’appliquer et de gérer ses décisions de façon autonome. De plus, cette instance doit être indépendante du pouvoir central tant pour la nomination de ses administrateurs que pour leur révocation. Enfin, pour qu’une telle instance détienne ce type de pouvoir, il faut que le pouvoir central reconnaisse à la fois l’existence d’affaires d’un niveau autre que national et, pour cette instance, une compétence sur ces “affaires”. Ces trois conditions sont celles qui mènent à une véritable décentralisation.

mercredi 25 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (6)

Voici la cinquième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les conditions pour qu’il y ait décentralisation.

Les conditions de la décentralisation
La décentralisation implique un transfert de pouvoirs et un transfert de pouvoirs implique une décentralisation. C’est là un postulat de base sur lequel il doit y avoir unanimité. Comme nous l’avons vu précédemment, la décentralisation peut prendre plusieurs formes. Par contre, pour qu’il y ait une véritable décentralisation, trois conditions doivent être réunies. Il doit y avoir une reconnaissance d’“affaires locales” de la part du gouvernement central. Ensuite, ces “affaires locales” doivent être prises en charge par des autorités locales indépendantes du pouvoir central et reconnues par celui-ci. Enfin, ces autorités locales doivent être en mesure de gérer leurs affaires propres de façon autonome.

Reconnaissance d’affaires locales
Selon Jacques Baguenard (1980), la reconnaissance d’une catégorie d’affaires locales, distincte des affaires nationales, est la donnée première de toute décentralisation. Par contre, il note que cette notion d’affaires locales est juridiquement imprécise. Selon lui, il serait inutile de reconnaître des affaires locales si elles ne peuvent être protégées des ingérences du pouvoir central. La meilleure protection contre ces ingérences serait une ”constitutionnalisation” des affaires locales, mais cette solution serait jugée trop rigide en ne permettant pas d’adaptation. Selon l’auteur, la solution qui permettrait de palier aux exigences d’efficacité, exigences contradictoires que sont la rigueur et l’adaptabilité, serait une reconnaissance juridique des affaires locales où ces dernières seraient définies de façon claire et précise.

Prise en charge des “affaires locales” par des autorités locales indépendantes du pouvoir central
Cette indépendance des autorités locales doit être reconnue par le gouvernement central. Ces autorités doivent avoir le loisir de conduire leurs affaires sans risquer à tout moment d’être écarté, de façon définitive ou temporaire, de leurs responsabilités par l’autorité centrale.

Cette reconnaissance d’autorités locales indépendantes fait face à deux obstacles majeurs : la réticence du pouvoir central et l’absence de consensus, de la part des différents intervenants, quant à leur nature.

Tout d’abord, le pouvoir central a, comme nous l’a démontré la récente histoire de la décentralisation au Québec, de la difficulté à accepter l’existence de structures qu’il ne peut contrôler, surtout si ces dernières peuvent le contester. L’État central a souvent prôné la décentralisation, mais n’était pas prêt à en accepter les implications. Certaines compétences locales ont été reconnues, mais le pouvoir central s’est toujours laissé la possibilité d’intervenir au nom de l’intérêt général. Bien qu’il ne doive pas se départir de tous ses pouvoirs, l’État central devrait, en reconnaissant l’existence de responsables locaux, leur reconnaître des capacités de gestion. De plus, on reconnaît à ces instances une certaine autonomie mais, en oubliant de leur accorder des moyens financiers et techniques, on les empêche de l’exercer. Cette incohérence entre les discours décentralisateurs de l’État central et ses actions semble résulter d’une ambivalence entre la reconnaissance du droit à la différence et les vertus de l’égalité.

Le deuxième obstacle à la reconnaissance d’autorités locales indépendantes est la nature ou la forme que devrait prendre celles-ci. Certains prétendent que pour qu’il y ait une véritable décentralisation, il faut que les autorités locales soient élues au suffrage universel. Ceci assurerait, selon eux, leur indépendance face au pouvoir central et garantirait à la fois leur imputabilité et leur légitimité. Une telle approche résulte d’une confusion entre des questions qui relèvent de concepts différents et indépendants entre eux.

D’abord, le fait que des organes locaux soient élus ne garantit aucunement leur indépendance face au pouvoir central. Par exemple, le fait qu’un conseil municipal soit élu au suffrage universel ne le met pas à l’abri d’une mise en tutelle. Les organes locaux sont indépendants de l’autorité centrale lorsqu’ils ne sont pas soumis à cette dernière pour la nomination et la révocation de leurs dirigeants. C’est donc le mode de nomination de leurs dirigeants qui garantirait à ces organes leur indépendance. Les notions d’indépendance et de démocratie sont des concepts différents, l’un n’impliquant pas “naturellement” l’autre.

Pour ce qui est de l’imputabilité, certains prétendent que l’élection au suffrage universel des dirigeants d’organes locaux et régionaux est un gage de responsabilisation. Ici aussi on confond deux concepts qui sont indépendants l’un de l’autre. Le dictionnaire Larousse définie la responsabilité comme étant la «capacité de prendre une décision sans en référer préalablement à une autorité supérieur» (p. 842). Pour le mot responsable, deux définitions se rapportent au domaine politique : «qui doit répondre de ses actes» et «personne qui a la charge d’une fonction, qui a un pouvoir de décision». Il existe plusieurs niveaux de responsabilisation. En s’inspirant de la définition qu’apporte le dictionnaire Larousse, on peut avancer que le degré de responsabilisation est proportionnel au niveau d’indépendance, le principe démocratique n’ayant pas d’incidence.

Enfin, pour la question de légitimité, faisons un peu de philosophie politique. La légitimité, c’est la conformité à une certaine règle. Elle se réclame d’une idée morale supérieure au droit établi et qui, parfois, est assimilée à ce même droit. En fait, la légitimité relève de croyances et de mémoires validés ou, en d’autres termes, de symboles (ou de symbolique) qui définissent le champ du politique, ses frontières et ses variations. On a tendance à associer la notion de légitimité à celle d’équité ou de légalité.

L’élection d’un gouvernement au suffrage universel en garantit la légalité car cette pratique répond aux règles que nous nous sommes données. La légitimité vient du respect de ces mêmes règles. Il arrive parfois que cette légitimité soit remise en question lorsque l’appui à un gouvernement, en pourcentage, est faible. Pour un gouvernement central (fédéral ou provincial), le respect des règles démocratiques que nous nous sommes données, c’est-à-dire l’élection au suffrage universel, est essentiel. Par contre, pour une instance décentralisée, le respect de ces règles ne devraient pas être une condition sine qua non. Pour assurer la légitimité et la légalité de ces instances, il suffirait d’établir de nouvelles règles propres à leur réalité et à s’assurer qu’elles sont respectées.


La capacité de gestion autonome
Que des “affaires locales” soient reconnues par le gouvernement central, c’est bien. Que des autorités locales indépendantes du pouvoir central puissent prendre en charge leurs affaires propres, c’est bien. Mais à quoi cela sert-il si ces instances ne peuvent gérer leurs affaires de façon autonome?

Cette capacité de gérer ses affaires de façon autonome permet aux instances d’appliquer leurs propres décisions sans attendre d’avoir une autorisation quelconque du pouvoir central. La capacité de gestion autonome requiert que l’instance décentralisée ait des moyens financiers et techniques adéquats. L’octroi de ces moyens peut faire l’objet d’une entente administrative entre l’instance décentralisée et le gouvernement central qui aura recours à la péréquation.

mardi 24 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (5)

Voici la quatrième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie présente les différents types de décentralisation qui peut exister.

Les types de décentralisation
Un survol de la documentation et de quelques ouvrages sur la question fait ressortir qu’il existe plusieurs types de décentralisation. Les paragraphes qui suivent ont pour but d’énumérer ces différents types de décentralisation en y attachant les définitions élaborées par les différents auteurs.

Selon un auteur dont j’ai perdu les références, il y aurait 3 types de décentralisation : la décentralisation politique, la décentralisation administrative et la décentralisation territoriale. La décentralisation politique est définie comme étant une répartition des pouvoirs législatifs de l’État. Cette répartition doit être officialisée par un document constitutionnel. La décentralisation administrative, ou déconcentration, est définie comme étant la mise en place de structures administratives locales ou régionales subordonnées à une administration centrale et qui reçoivent des mandats ou des missions de celle-ci. La décentralisation territoriale est définie comme étant une variante de la décentralisation administrative. Ce qui la différencie est son aspect politique. Les administrateurs de ces organismes sont élus. Leurs missions sont déterminées par eux-mêmes alors que leurs pouvoirs sont définis par l’administration centrale plutôt que par une constitution comme c’est le cas pour la décentralisation politique. Il s’agit, comme pour la décentralisation administrative, d’une délégation de pouvoirs.

Selon Jacques Baguenard (1980), la décentralisation de pouvoirs suppose l’existence d’“organes locaux” qui ont la maîtrise juridique de leurs activités, c’est-à-dire qu’ils sont libres de prendre les décisions qu’ils veulent dans le respect des lois et règlements et sans être soumis à aucune volonté du pouvoir central. Il pose trois conditions pour sa réalisation.

D’abord, la décentralisation implique la détermination de compétences spécifiques dont bénéficieront les collectivités locales. C’est la reconnaissance d’une “catégorie” d’affaires locales qui sont différentes des affaires nationales. Ensuite, comme deuxième condition, elle implique que les activités propres à ces collectivités locales soient prises en charge par des autorités locales qui sont indépendantes du pouvoir central tant pour la nomination de leurs dirigeants que pour leur révocation. Enfin, comme troisième condition, elle implique que les autorités locales puissent gérer leurs affaires propres de façon autonome.

Dans Introduction à l’administration publique : une approche politique (Gow, Barette, Dion et Fortmann, 1987), les auteurs définissent la décentralisation comme étant un processus qui consiste à «transférer des fonctions, des pouvoirs et des responsabilités de l’administration centrale vers une administration autonome et distincte». L’autonomie, qui caractérise une administration décentralisée, repose sur plusieurs conditions. D’abord, l’administration décentralisée doit avoir une personnalité juridique propre. Ensuite, elle doit disposer d’une autorité décisionnelle. De plus elle doit avoir la capacité d’organiser l’exécution de sa mission et d’en assurer la gestion. Enfin, elle doit avoir le pouvoir de déterminer ses propres politiques et de disposer comme elle l’entend de ses propres ressources. Bien sûr, l’administration décentralisée doit respecter les limites du mandat qui lui a été attribué. En somme, selon les auteurs, il s’agit d’une délégation d’autorité et d’un transfert de responsabilités à un organisme administratif subalterne mais autonome.

Cette délégation d’autorité peut se faire, toujours selon les auteurs, sous deux formes différentes. La première forme est la décentralisation technique ou fonctionnelle. C’est lorsque l’autorité centrale confie certaines missions spéciales à des organismes autonomes telles les sociétés d’État. La deuxième forme est la décentralisation territoriale ou géographique. C’est lorsque des pouvoirs et des responsabilités sont attribués par l’administration centrale à une autorité décentralisée subalterne mais autonome dont les limites territoriales ont été déterminées par cette même administration centrale.

Charles Debbash, qui signe l’article sur la décentralisation dans Encyclopedia Universalis, définie celle-ci comme étant «la gestion par les administrés des affaires qui les concernent le plus directement» en permettant de les associés aux prises de décisions. Il dénombre deux types de décentralisation: la décentralisation territoriale et la décentralisation technique.

La décentralisation territoriale, selon Debbash, implique des collectivités territoriales où les “affaires locales” sont gérées par les citoyens qui vivent sur ces territoires. Cela suppose l’existence d’une communauté d’intérêts entre les habitants de chaque territoire. Elle implique aussi une certaine autogestion locale. Selon l’auteur, il existe plusieurs critères pour mesurer l’étendue de la décentralisation : le volume des affaires locales reconnues, le mode de désignation des responsables locaux et le pouvoir reconnu à ces responsables. Mais, selon lui, tous ces éléments relèvent plus de considérations politiques qu’administratives, puisque ce type de décentralisation est lié au libéralisme.

La décentralisation technique, toujours selon Debbash, c’est lorsqu’un service déterminé détaché de l’État est conféré à un établissement public. Ce type de décentralisation relève des mêmes moyens juridiques et suppose de l’existence d’affaires spécialisées. C’est en quelque sorte un démembrement de l’administration centrale, ce qui suppose, toujours selon l’auteur, un contrôle de tutelle de la part de cette dernière. Cela fait penser aux sociétés d’État que l’on connait ici.

Ce qui différencie la décentralisation territoriale de la décentralisation technique est, selon Debbash, que la première répond à des aspirations politiques alors que la seconde répond à un souci d'efficience. En effet, la décentralisation territoriale consiste en une répartition des affaires administratives qui est demandée par la diversité sociale alors que la décentralisation technique répond aux exigences d’une répartition “harmonieuse” des fonctions administratives entre les différentes branches de l’État.

vendredi 13 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (4)

Voici la troisième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995. Cette partie, qui comprend trois tableaux, porte sur la décentralisation. Elle présente d’abord une définition de la décentralisation; ensuite une description des types de décentralisation et, enfin, les conditions requises. Aujourd’hui, je présenterai la définition de la décentralisation.

La décentralisation : une remise en question de la centralisation
L’élément essentiel de la décentralisation est le transfert de pouvoirs du gouvernement central vers des instances externes ou non gouvernementales. Pour ce faire, le gouvernement central doit renoncer à son pouvoir absolu sur “tout ce qui bouge” et accepter qu’il n'ait pas les solutions à tous les problèmes. C’est en quelque sorte une remise en question de la politique de centralisation.

Une véritable décentralisation implique des changements importants dans la configuration politique d’un l’État.

La décentralisation : c’est quoi?
La décentralisation, un concept à géométrie variable. Le terme décentralisation est devenu un mot à la mode au Québec et, depuis peu, au Canada. Tous les intervenants socio-économiques et politiques le prêchent sans trop chercher à le définir. Pareil débat avait fait couler beaucoup d’encre en France dans les années 70. La confusion était grande, chacun donnant une définition qui collait à son idéologie ou à ses aspirations. Le danger, dans un débat comme celui-ci, est que l’on s’attache au mot plutôt qu’au concept.

Le dictionnaire Larousse (p. 295) définit la décentralisation comme étant un «système d’organisation des structures administratives de l’État qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou locaux». Dans cette définition, on peut voir une similitude avec le concept de déconcentration ainsi qu’une différence. D’abord, il s’agit, tout comme pour la déconcentration, d’un “déplacement” de certains pouvoirs du centre vers la périphérie. La différence, quant à elle, réside dans le fait que ce “déplacement” se fait, pour la décentralisation, vers des organes autonomes régionaux ou locaux tandis que, pour la déconcentration, il se fait vers des agents du gouvernement central.

J’attire ici votre attention sur le fait qu’il semble y avoir une certaine contradiction entre les termes “organe” et “autonome”. D’abord, le terme “organe” se défini comme étant «ce qui sert d’intermédiaire, d’instrument (Larousse p. 688)». Le terme “autonome”, quant à lui, se définit comme étant ce qui jouit d’autonomie, ce qui veut dire indépendance, possibilité de décider par rapport à un pouvoir central (Larousse p. 101). Où est la contradiction me direz-vous? Je vous répondrai en vous demandant si un intermédiaire peut être indépendant?

jeudi 12 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (3)

Voici la deuxième partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995.

La déconcentration: un aménagement de la centralisation
Selon le dictionnaire Larousse, la déconcentration est un «système d’organisation des structures de l’État dans lequel certains pouvoirs de décision sont donnés aux agents du pouvoir central répartis sur le territoire» (p. 297). Le terme “pouvoir” est défini comme étant la «capacité, la possibilité de faire quelque chose, d’accomplir une action», dont celle de décider. Selon cette définition, l’agent du pouvoir central pourrait déterminer, fixer, décréter quelque chose. Dans La décentralisation territoriale de Jacques Baguenard (1980), la déconcentration est définie comme étant un «procédé consistant à confier des pouvoirs de décision à des autorités non centrales reliées au pouvoir central par le principe de la subordination hiérarchique». Les avantages de cette formule sont, selon l’auteur, qu’elle permet une plus grande rapidité dans le traitement des affaires et une meilleure prise en considération des réalités locales.

La déconcentration est une initiative du gouvernement qui a pour but de rationaliser ses opérations. Elle origine du pouvoir central, et non pas de la volonté de la population, et ne consiste donc pas en une remise en question de la centralisation. Il n’est pas question ici d’une délégation de pouvoirs vers des instances non gouvernementales. Une vraie déconcentration implique un transfert de pouvoirs de décisions aux directions locales que le gouvernement a créées. Ce transfert se fait, bien sûr, à l’intérieur d’un cadre bien défini de politiques bien définies par le pouvoir central. Les directions locales sont ainsi en mesure de prendre des décisions sans attendre une autorisation de pouvoir central; à condition que celles-ci n’aient aucune incidence sur les autres régions et qu’elles respectent le cadre établie.

En 1966, le gouvernement du Québec procéda au découpage du territoire du Québec en 10 régions administratives. Le but de cette mesure visait à uniformiser les nombreux systèmes de régions utilisés par les ministères; on en comptait une quarantaine à l’époque. Le gouvernement comptait ainsi rationaliser ses opérations en déconcentrant son administration.

S’agissait-il d’une véritable déconcentration? Les directeurs régionaux des ministères avaient-ils de réels pouvoirs de décision, ou devaient-ils attendre l’autorisation de Québec? Oui et non; les dépenses inhérentes de ces directions devaient, et doivent toujours, être approuvées par le Conseil du trésor. Quant aux décisions ayant une incidence politique, elles devaient, et doivent toujours, être endossées par le ministre ou le cabinet. Et qu’en est-il aujourd’hui? Il serait peut-être inopportun de conclure à l’échec de la déconcentration sans l’avoir vraiment expérimentée. On devrait plutôt parler d’usure du système. Il est possible que ce concept ne puisse réellement s’appliquer dans son intégrité.

Le problème majeur de la déconcentration est que le fonctionnaire régional n’est pas appuyé lorsqu’il doit prendre une décision. Il n’existe aucun système d’arbitrage au niveau régional. Si des citoyens sont insatisfaits de la décision du fonctionnaire, ils en feront part à leur député qui en fera part au ministre concerné qui fera des pressions auprès de son sous-ministre qui recommandera fortement à son directeur régional de corriger la décision du fonctionnaire.

jeudi 5 juillet 2007

Pause train.

Vendredi dernier (le 19 juin 2007), les gouvernements du Québec et du Canada annonçaient enfin des investissements pour consolider le réseau ferroviaire en Gaspésie. Cette annonce est excellente puisqu’elle permettra à la Corporation de chemin de fer de la Gaspésie d’acquérir le tronçon entre Matapédia et Chandler, devenant ainsi l’unique propriétaire de cette importante voie de communication pour toute la région. Je lève mon chapeau à tous ceux qui ont travaillé à rendre possible cet important développement.

Cet heureux développement nous permettra de travailler ensemble, de Matapédia à Murdochville (en passant par Gaspé), au développement du chemin de fer; un réseau de transport important pour notre économie.

La région possède de nombreux atouts pour développer son économie. Cette transaction, qui assure la pérennité du chemin de fer en Gaspésie, vient consolider notre réseau de transport qui, comme vous le savez, est fort bien pourvu. Un tronçon de 350 kilomètres de voie ferrée qui est directement branché au réseau Nord Américain. À ce réseau ferroviaire, vient s’ajouter cinq ports de mer; quatre commerciaux publics (Gaspé, Chandler, Paspébiac et Carleton-sur-mer tous opérés par Transport Canada) et un port privé (New Richmond). Fait à remarquer, tout ces ports sont opérationnel à l’année.

On parle de la Gaspésie comme une région éloignée. Mais, dans les faits, Gaspé est plus proche de New York que Montréal. En effet, un container qui débarque à Gaspé aura moins de distance à parcourir pour se rendre à New York que s’il transite par Montréal (la distance entre Gaspé et New York est de 1 167 km; la distance entre Montréal et New York est de 543 km, mais le container doit franchir la distance entre Gaspé et Montréal - 782 km - ce qui fait un total de 1 325 km). Qui parle de New York parle de la Côte Est des États-Unis; un marché de 110 millions d’habitants.

En tenant compte du fait que cela prend moins de temps de débarquer un container au port de Montréal pour l’envoyer par train à New York que de l’envoyer par bateau directement à New York en raison de l’achalandage du Port de New York, nous pourrions profiter nous aussi de cette proximité avec les États-Unis (et du traité de libre-échange) pour développer un marché de transit qui permettrait de rentabiliser nos installations portuaires et ferroviaires.

Avec la Chine qui se cherche une porte d’entrée en Amérique de ce côté-ci (le magazine L’Actualité rapportait il y a quelques mois que les chinois avaient visité les installations portuaire d'Halifax en raison de l’achalandage du Port de Vancouver qui devenait problématique et retardait de beaucoup leurs livraisons vers les États-Unis) et la volonté du Gouvernement du Québec de conclure une entente de Libre-échange avec l’Europe, les opportunités sont là pour développer notre réseau de transport et notre économie régionale.

Nous devrons faire preuve de créativité pour relever cet important défi de développer notre réseau de transport. Avec la consolidation de notre réseau ferroviaire, nous sommes très bien parti. Nous avons l’expertise, la capacité et la volonté de réussir. Il faut apprendre à travailler ensemble, de Matapédia à Gaspé, et ne pas tenir compte des clochers ou de la couleur politique des uns et des autres. Nous sommes tous Gaspésiens.

mercredi 4 juillet 2007

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (2)

Voici la première partie du texte Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix que j’ai rédigé en 1995.

Partie 1
Région, régionalisme et régionalisation
La notion de région est, encore aujourd’hui, particulièrement ambiguë. Sa définition varie selon le domaine où l’on se situe: région-plan, région culturelle, région touristique, région faunique. Son territoire aussi peut varier: par exemple, pour certains, le territoire d’une région équivaut à celui d’une MRC, pour d’autres, il s’apparente à celui d’une région administrative. Le Conseil de l’Europe définit la région comme étant «un territoire de dimension moyenne susceptible d’être déterminé géographiquement et qui est considéré comme étant homogène». Définition “large” qui laisse beaucoup de place à l’interprétation et qui permet d’en fixer les limites selon ses aspirations ou ses intérêts. Par contre, la notion de “territoire homogène” peut permettre plus de précision puisque la limite d’une région peut alors être associée à un élément humain, comme le sentiment d’appartenance, à un élément physique ou à un élément géographique.

Le régionalisme, c’est la prise de conscience, par la population d’une même région, d’intérêts communs, de son caractère homogène et qui sont différents de ceux des autres régions. C’est aussi la volonté de cette même population de prendre en charge la gestion de ses affaires, de ses intérêts, estimant pouvoir le faire mieux que l’État central.

Pour faire face à cette montée du régionalisme, le gouvernement peut reconnaître l’existence de régions et aussi prendre des mesures concrètes pour que ces régions participent à leur propre développement. Il s’agit alors de la régionalisation. Le gouvernement national reconnaît donc aux régions, non seulement des “affaires” propres, mais aussi des compétences particulières; la compétence étant définie comme une «capacité reconnue de telle ou telle manière, et qui donne le droit d’en juger» ou, du point de vue légal, comme l’«aptitude d’une autorité à effectuer certains actes» (Larousse, p. 240).

L’État, par des politiques de développement régional, tente de répondre aux besoins des régions. Mais l’affrontement entre ces deux mouvements, régionalisme et régionalisation, pose parfois quelques problèmes; les demandes des régions au droit à la différence se heurtant à la politique d’unité nationale du gouvernement central. De plus, ce dernier, depuis le début des années 60, est confronté à des impératifs économiques et techniques. En créant les régions administratives en 1966, le gouvernement central se dotait de relais lui permettant de rationaliser ses opérations sur tout le territoire.

Au fil des ans, la montée du régionalisme et les mesures prises par l’État pour accroître l’efficacité de son administration ont conduit à une certaine reconnaissance de la réalité régionale. La présence de conseils régionaux de développement (CRD) et la connaissance qu’ils avaient de leur milieu respectif amena le gouvernement central à les consulter. Ces derniers furent associés à différentes initiatives en matière de développement régional telles que l’opération “schémas régionaux”, la tenue de sommets régionaux et de conférences socio-économiques.

Depuis la fin des années 70, le gouvernement central a fait deux pas majeurs dans la reconnaissance de compétences particulières aux régions. Premièrement, avec la loi créant les MRC, il reconnaissait à ces dernières des compétences exclusives en matière d’aménagement du territoire. Ensuite, au début des années 90, le gouvernement donna au organismes régionaux de concertation et de développement (les CRD) le mandat d’élaborer leur propre plan de développement. Pour concrétiser cette ouverture vers les régions, sa nouvelle politique en matière de développement régional prévoyait la signature d’ententes-cadres de développement avec les régions à partir de priorités et d’orientations issues de leur plan de développement.

Par la régionalisation, le gouvernement central confirme l’existence de régions différentes et leur reconnaît des compétences ainsi que des “affaires” particulières. Par contre, il ne s’agit pas là de décentralisation. Bien que des intervenants extérieurs soient associés à certaines activités, il s’agit d’initiatives du gouvernement central qui en conserve jalousement le contrôle sans délaisser ses pouvoirs. La décentralisation, de même que la déconcentration, sont deux formes que peut prendre la régionalisation. Mais là s’arrête toute comparaison entre ces deux notions. La déconcentration, que nous verrons dans la prochaine partie, est un aménagement à la politique de centralisation. La décentralisation, le sujet de la troisième partie, est une remise en question de cette même politique de centralisation.

Régionalisation: déconcentration et/ou décentralisation (1)

Encore un autre texte que je sors de mes tiroirs. Celui-là date de 1995. À cette époque, je travaillais à l’Association québécoise des organismes de concertation et de développement du Québec (AQORCD), qui fut renommée Association des régions du Québec (ARQ) et exista jusqu’en 2004. Fondée dans les années 1970, cet organisme avait pour mandat de représenter les CRD auprès du gouvernement du Québec. Or, en 1996, devinez de quel sujet on parlait. De décentralisation. Le gouvernement de l’époque venait de publier un livre vert intitulé: Décentralisation: un choix de société (1995). Un petit rappel, le gouvernement péquiste de l’époque ne donna pas suite à cette idée de décentralisation (comme en 1977 en ne rendant pas publique son projet de Livre blanc sur la décentralisation ? - voir mes billets sur le sujet) et accoucha plutôt d’une Politique de soutien au développement local et régional (1997), une approche qualifiée de paternaliste par certains à l’époque.

Bref, j’œuvrais à l’époque à titre d’agent de développement pour l’AQORCD et j’ai fais un petit document sur la régionalisation qui s’intitulait: Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix.

Je vous offre comme lecture ce document de recherche qui, je l’espère, saura vous instruire. La première partie de ce document est, bien entendu, l’introduction. La voici en version intégrale.

Introduction
L’État-providence, qui est un des symboles de la centralisation sur le plan de la fourniture de services, ne fonctionne plus. L’appareil d’État est embourbé, lent et inefficace. Les politiques globales et sectorielles adoptées par les gouvernements sont devenues inadéquates et ne correspondent plus aux réalités des régions et des localités. La politique du “mur à mur”, implantée par le gouvernement à la demande même des régions, ne répond plus à leurs besoins. D’abord réclamée pour ramener un certain équilibre dans la qualité et la quantité des services offerts dans chacune des régions, et ainsi contrer le phénomène de disparité régionale, cette politique est aujourd’hui décriée comme étant un frein à leur développement; les normes et trop nombreux règlements ne pouvant s’appliquer aux particularités de chacune d’elles.

La centralisation telle que nous la connaissons ne répond plus aux exigences de la modernité. Le gouvernement central n’arrive pas à bouger assez vite pour suivre l’évolution de la société qu’il doit gérer parce qu’il n’en a plus les moyens.

De plus en plus, les régions demandent au gouvernement central que leur différence et leur spécificité soient reconnues dans les politiques globales et sectorielles et veulent avoir un mot à dire sur celles-ci. Pour répondre à leurs demandes, l’État doit se mettre à l’ère de la régionalisation. La régionalisation, qui consiste en un transfert de compétence, peut prendre deux formes, soit la déconcentration ou la décentralisation. Bien que ces concepts aient fait l’objet de débats, de recherches et de consultations, ils demeurent encore du domaine de la théorie et le consensus sur une définition unique n’a pas encore été atteint.

Ce travail de recherche vise à réactualiser ces concepts en leur donnant une définition non restrictive qui permettra, peut-être, d’atteindre un certain consensus parmi les différentes idées qui sont véhiculées par les nombreux intéressés. Dans un premier temps, il sera question de régionalisation. Je ferai un bref tour d’horizon sur ce concept et les notions qui lui sont apparentées telle la notion de région et celle de régionalisme. Ensuite, dans un deuxième temps, je définirai brièvement le concept de déconcentration en donnant quelques exemples d’applications que nous avons connus ici au Québec au cours des 30 dernières années. La troisième partie, plus exhaustive, portera sur la décentralisation et les conditions quant à son application. Enfin, il sera question des éléments qui devront être pris en considération afin de choisir la meilleure option, soit les enjeux et les moyens.
(Les voies de la régionalisation: déconcentrer ou décentraliser l’État - Éléments de choix, 1996)

jeudi 28 juin 2007

Fusions et défusions: Suggestions 2003

Suite et fin du texte que j’avais rédigé en avril 2003 à l’intention du (ou des) futur(s) ministre(s) responsable(s) des Affaires municipales et régionales. Mes recommandations portaient sur la saga des fusions. Comme je l’ai déjà écrit sur ce blogue, j’étais pour les fusions ... à Montréal et à Québec. Pour la Rive-Sud de Montréal, il y a des regroupements qui ont été fait qui me laissent songeur. Pourquoi intégrer Saint-Bruno dans le Grand Longueuil? Et pourquoi Boucherville? Pour l’Outaouais aussi je me posait des questions. Mais comme il n’y a pas eu de défusion dans ce coin là, il vaut mieux continuer à aller de l’avant.

Je suggérais aussi un regroupement des responsabilités Affaires municipales métropolitaines et régionales dans un même ministère. Bonne lecture.


Pour éviter les défusions : achever la politique des fusions
Ici encore, ce sont les intérêts locaux qui se frottent aux intérêts métropolitains. L’importance pour le Québec de compter sur des grandes villes pour son développement économique est plus criant en ce début de 20e siècle. Ce sont les grandes villes qui seront appelées à jouer un rôle majeur dans le développement économique de leur pays, province ou État. Les grandes villes ont de plus grands moyens pour se doter d’infrastructures d’accueil (parcs industriels, services, etc.) et de mesures fiscales qui lui permettent d’attirer des grandes entreprises qui créeront de l’emploi et de la richesse. Cette nouvelle richesse permettra à ces villes et aux gouvernements centraux d’offrir de meilleurs services à leur citoyens respectifs. Mais ces grandes villes deviennent de plus en plus distantes et impersonnelles pour les citoyens qui en font partie. Ces derniers perdent peu à peu l’emprise qu’ils avaient auprès des anciennes instances locales. Les intérêts des citoyens, plus locaux, entrent donc en conflit avec ceux des grandes villes auxquelles ils appartiennent sans pour autant avoir de sentiment d’appartenance envers celles-ci.

La question est de savoir si on peut réconcilier les intérêts des citoyens (intérêts locaux) avec ceux des grandes villes. La réponses est non. Alors que faire ? Les séparer à l’intérieur d’une même instance politique; la grande ville. La mise en place d’arrondissement dans les nouvelles grandes villes est très intéressante à cet égard. Cette instance locale peut très bien “s’occuper” des affaires locales et répondre aux principales préoccupations des citoyens tout en permettant à la grande ville de voir à son développement global. Mais pour réussir ce tour de force, il faut très bien distinguer ce qui relève du local de ce qui relève de la grande ville. De plus, ils faut assurer une pleine indépendance de l’arrondissement dans la gestion des affaires locales. En ayant une séparation claire entre les affaires locales et celles de la grande ville, il sera plus aisé de mettre des mécanismes politiques qui permettront aux citoyens d’avoir un mot à dire sur la gestion des affaires par l’arrondissement (services de proximité) sans que cela nuise au développement des grandes villes. Du côté des instances décisionnelles, les élus des arrondissements devront être consultés par ceux de la grande ville mais n’auront pas de pouvoirs décisionnels sur les affaires concernant la grande ville. De la même manière, les élus de la grande ville n’auront pas droit de regard sur la gestion des affaires des arrondissements.

Regroupement ministériel
Pour répondre à la volonté du nouveau gouvernement de réduire le nombre de ministère sans pour autant amoindrir le rôle de l’État, une solution s’impose pour que le gouvernement puisse continuer d’exercer son rôle dans le domaine municipal et régional et métropolitain; le regroupement de ces trois responsabilités à l’intérieur d’un même ministère.

Ce regroupement peut avoir plusieurs avantages. Dans un premier temps, il indique que ces trois niveaux sont aussi importants que l’un que l’autre dans le développement du Québec. Deuxièmement, il permet d’élaborer des mesures et des politiques globales qui pourront être adaptées à chacun des niveaux puisque les enjeux sont souvent les mêmes. Enfin, il permettra au gouvernement de bien tenir compte des intérêts des trois niveaux dans l’élaboration de ses politiques de développement.

Une appellation significative
Le nom que l’on donne à une instance peut être révélateur quant à l’intention de l’entité qui crée cette instance. Il est donc important de bien choisir le nom que portera ce nouveau ministère regroupant les domaines municipal, régional et métropolitain. Une suggestion : le ministère des Affaires municipales, régionales et métropolitaines. Cette appellation est significative à plusieurs égards. Premièrement, en regroupant les trois domaines sous un même chapeau tout en les nommant, le gouvernement démontre que ces trois niveaux sont différents. Deuxièmement, cela démontre que ces trois domaines sont complémentaires. Troisièmement, cela démontre que le gouvernement attache une importance égale à chacun de ces paliers de décision. Enfin, l’utilisation du terme “Affaires” présente une nouvelle approche que le gouvernement entend adopter dans la gestion de ces dossiers; approche qui pourrait se traduire par l’expression : « We mean business ».

lundi 25 juin 2007

Développement régional: Suggestions 2003 (suite)

Voici la suite du texte que j’avais rédigé en avril 2003 à l’intention du (ou des) futur(s) ministre(s) responsable(s) des Affaires municipales et régionales. Mes recommandations portent sur l’organisation de la gouvernance régionale.

Pour une instance régionale décisionnelle
Pour assurer aux régions un développement optimal, il faut mettre en place une instance décisionnelle régionale qui sera composée de décideurs ou de représentants régionaux qui n’ont pas d’attaches locales. Pour être efficace, cette instance devra répondre à certains critères. Premièrement, elle devra être indépendante et autonome. Deuxièmement, elle devra avoir comme unique mandat et préoccupation le développement économique de sa région désignée. Enfin, son conseil d’administration devra être composé de personnes dédiées au développement de leur région.

Décentralisation politique ou décentralisation administrative
Ce qui a fait défaut dans les récentes politiques de développement régionale est que l’on n’a pas donné de pouvoir décisionnel aux régions. Il n’y a pas eu de véritable décentralisation, c’est-à-dire de transfert de pouvoir décisionnel du gouvernement central aux régions. La réussite d’une instance décisionnelle régionale tient en grande partie de ce transfert. La question que l’on devra se poser n’est plus si on doit décentraliser des pouvoirs ou non, mais quel genre de décentralisation devra-t-on mettre de l’avant. Une décentralisation politique ou une décentralisation administrative.

Une décentralisation politique implique la création d’une instance politique au niveau régional. Une instance politique régionale veut dire l’élection au suffrage universel des décideurs régionaux par l’ensemble des citoyens de cette région; un financement et des sources de revenus autonomes (taxes, impôts fonciers, etc.), et une compétence élargie sur tous ce qui touche la région (développement social, développement économique, santé, transport, environnement, etc.). Bref, une décentralisation politique implique la création d’un véritable gouvernement régional. Or, les critères spécifiques énumérés plus haut ne correspondent aucunement à la définition d’un gouvernement régional.

L’autre option est la décentralisation administrative. Plus souple que la décentralisation politique, la décentralisation administrative permet de concentrer le mandat de l’instance décentralisée sur un objectif spécifique, tel le développement économique. Elle permet de garantir une grande indépendance d’action en donnant un véritable pouvoir décisionnel aux dirigeants tout en gardant un lien hiérarchique avec le gouvernement central. La mise en place d’une telle instance n’est pas compliquée et peut se faire dans un délai très court. Le mandat spécifique de l’instance lui permet d’être efficace et fonctionnelle rapidement.

Un vis-à-vis pour le CRD
La mise en place d’une instance décisionnel régionale décentralisée procurera au CRD un vis-à-vis de calibre qui lui permettra de bien remplir sa mission qui est de défendre les intérêts de la région qu’il dessert. L’efficacité de cette nouvelle instance permettra de développer l’économie des régions de façon optimale et de briser cette dépendance qu’elles avaient envers le gouvernement central. L’appellation de ces nouvelles instances sera importante car elle devra bien refléter leur mission. Je suggère une appellation simple mais précise : Agence de développement économique de (nom de la région). À ceux qui seront tentés de critiquer le fait que le gouvernement crée encore des structures, nous poserons la question à savoir comment assurer le développement économique des régions de façon efficace et peu coûteuse.

La suite du texte au prochain billet.

mercredi 20 juin 2007

Retour en arrière.

En fouillant dans mes paperasses pour trouver de l’inspiration pour ce blogue, je suis tombé sur un texte que j’avais écrit au mois d’avril 2003 à l’intention du futur ministre responsable des affaires régionales du Québec. Ce texte représente en quelque sorte mes recommandations au nouveau gouvernement du Parti libéral qui avait à l’époque deux défis important à relevé en matière de développement régional : voire à la relance des régions et tenter de réparer les pots cassés par la politique de réorganisation territoriale (les fusions) sans en casser d’autres (les nouvelles grandes villes). Voici donc quelques extraits de ce texte. Bonne lecture.

Le texte s’intitulait ainsi: «Développement des régions et défusions : Des solutions pragmatiques».

Rappelons que ce texte a été écrit au début du premier mandat du gouvernement Libéral, donc avant la création des CRÉ (Conférences régionales des élus) et avant les défusions et les monstrueux “Conseils d’agglomération”.

Première partie:

Le local et le régional : des intérêts souvent divergents

Que l’on parle de développement régional ou de regroupement municipal, nous sommes toujours confrontés aux dilemmes de choisir entre les intérêts locaux et les intérêts régionaux ou métropolitains. Autant pour la politique de soutien au développement local et régional que pour la réorganisation des instances municipales (les fusions), le gouvernement du Parti québécois a tenté de ne pas froisser les deux écoles de pensées. Le résultat est que les deux “paliers” sont insatisfaits de ces politiques et que les objectifs recherchés n’ont pas été atteints. Les outils mis en place pour assurer un développement économique optimal des régions et des nouvelles grandes villes sont handicapés par les pouvoirs que l’on a laissé aux représentants locaux de défendre leurs intérêts au sein de ces organismes à vocation plus régionales; intérêts qui sont souvent divergents de ceux de l’organisme régional. Résultats, les instances qui sont issues de ces politiques ne parviennent pas à répondre au mandat qu’on leur avait confié.

Les communautés urbaines et les CRD n’ont pas donné ce nouveau souffle aux régions qu’elles desservaient et les nouvelles grandes villes risquent de se voire déchirée par une politique incomplète qui ne parvient pas à répondre à la fois aux intérêts et besoins des citoyens et à ceux de ces nouvelles instances municipales.


Le local et le régional : une distinction s’impose

Afin d’assurer un développement régional optimal, les décideurs locaux ne devraient pas être présents dans le processus décisionnel des régions. Par contre, ils doivent faire partie d’un processus de consultation. Au même titre, les décideurs régionaux ne devraient pas être impliqués dans le processus décisionnel local. Et, le plus important, il faudrait que soit défini de façon très claire ce qui est local et ce qui est régional.

Le local : des acteurs connus

Au niveau local, les acteurs et décideurs locaux sont bien connus. Municipalités, villes et villages, MRC et leurs instances sont des acteurs importants dans le développement de leur collectivité.

Le régional : des instances à réinventer et d’autres à redéfinir

Les CRD
Créés dans les années 70, les CRD ont pour fonction de défendre les intérêts des régions auprès du gouvernement du Québec. Organismes de concertation, ils ont pour mandat d’élaborer des plans stratégiques de développement qui seront entérinés par le gouvernement du Québec sous forme d’entente-cadre. Ces ententes comprennent les grandes orientations définies comme prioritaires par les acteurs locaux siégeant sur les différentes instances des CRD. Les différentes orientations peuvent par la suite faire l’objet d’entente spécifiques qui seront elles aussi entérinées par le gouvernement. Les CRD sont des organismes de concertation et non des organismes décisionnels. C’est au gouvernement que revient la décision finale. Or, c’est ici que le problème survient. Le gouvernement n’est pas équipé d’organismes régionaux suffisamment développés pour répondre aux demandes des CRD. Le processus décisionnel est concentré à Québec, qui est bien souvent loin des préoccupations régionales.

Devrait-on donner plus de pouvoir aux CRD pour ce qui touche le développement de leur région ? Devrait-on leur donner un pouvoir décisionnel dans la gestion de leur affaires régionales ? À la lumière des expériences passées, la réponse qui s’impose est non. Donner à des décideurs locaux le mandat de développer leur région est un gage d’insuccès. Et ce n’est pas par manque de confiance envers les décideurs locaux, c’est plutôt le contraire. Les décideurs locaux sont élus ou nommés pour défendre les intérêts de leur localité en premier. Or, lorsqu’ils siègent sur des instances régionales, il ne troquent pas pour autant leur chapeau local. Comme les intérêts locaux sont souvent divergents des intérêts régionaux, ils ne reste souvent plus personnes à la table régionale pour défendre les intérêts de la région. La seule raison d’être d’une présence de représentants locaux auprès d’une instance régionale est de rappeler à cette dernière l’importance des préoccupations locales. Et cette présence est nécessaire. Le CRD doit donc continuer d’exercer sont rôle de concertation auprès du gouvernement du Québec ou des instances décisionnelles régionales qui devront être mises en place.

Tel qu’il a été mentionné plus haut, le gouvernement du Québec n’est pas équipés pour répondre aux besoins des régions en matières de développement. Même avec la création d’un ministère des régions, les décisions sont encore prises à Québec.

lundi 4 juin 2007

Fusions: C’est Pierre Bourque qui avait raison.

Ce message est en réponse à la chronique d’Yves Boisvert qui parait sur Cyberpresse aujourd’hui.
(ww.cyberpresse.ca/article/20070604/CPOPINIONS/706040473/6730/CPACTUALITES)

On aurait du écouter M. le maire Pierre Bourque jusqu'au bout.

M. Bourque proposait 7 arrondissements et non 28. Son idée était de défaire ce découpage territorial qu'était les banlieues de l'Île et de briser dès le départ ce sentiment d'appartenance des résidents de ces villes pour le remplacer par un autre plus fort, l'appartenance à la magnifique ville qu'était alors Montréal (il aimait profondément sa ville).


Ce n'est pas l'idée de départ qui était mauvaise, c'est la façon dont on l'a appliquer et les acteurs qui l'ont mis en œuvre. Après plus de 4 ans à chercher des solutions au mal développement de la métropole afin de l'outiller pour qu'elle puisse "compétitionner" avec les autres métropoles de la planète (et non se battre avec les banlieues), le gouvernement du Québec de l'époque a eu le courage d'aller de l'avant avec ce projet vieux de 40 ans. L'objectif des fusions était la réorganisation des territoires métropolitains pour qu'ils puissent faire face aux défis de la mondialisation de l'économie. Les régions métropolitaines doivent être bien outillées et équipées pour faire face à la compétition internationale. Pour qu'elles puissent réussir, les acteurs locaux doivent travailler ensembles. Comme il n'y a jamais eu de volonté pour les élus locaux de coopérer, la deuxième meilleure solution se révélait être les fusions. Donc, l'idée de départ était bonne.

Ce qui n'a pas fonctionné, c'est la suite. Premièrement, les économies d'échelles, je n'y ai jamais cru. C'est une sorte de bonbon que des publicitaires ont inventé pour mieux faire passer la pilule. Deuxièmement, ce n'est pas 28 arrondissements mais 7 qu'on aurait du avoir. M. Bourque proposait, si je me souviens, 6 élus par arrondissement (pas de maire d'arrondissement), ce qui aurait fait un total d'environ 42 élus plus le maire. Troisièmement, on a pas élu le bon maire. C'est M. Bourque qui aurait dû être élu et non M. Tremblay qui ne croyait pas à l'époque à cette ville (je me demande si il y croit maintenant). Quatrièmement, c'est l'idée stupide des "défusions" et surtout, leur mise en application. Ajoutons à cela les monstrueux conseils d'agglomérations. Le mode de fonctionnement de ces créatures, qui me fait penser aux anciennes communautés urbaines d'avant les fusions, a tous les ingrédients pour semer la zizanie parmi les élus locaux.

Mais les fusions, ce n’est jamais la meilleure solution, surtout quand elles sont forcées. La meilleure solution est la création d’organismes régionaux ou d’agglomération. Mais, pour que ceux-ci fonctionnent, il faut que les élus locaux acceptent de travailler ensemble. Plutôt que de dire que cela est impossible, il faudrait trouver un mode de fonctionnement où ils trouveraient chacun leur compte. Et ça c’est possible. Relisez mes derniers messages.

jeudi 24 mai 2007

Conseils d’agglomération (encore).

Un nouveau projet de loi (Projet de loi no 6, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale) a été déposé pour apaiser les tensions dans ces conseils créés après la saga des défusions. J’avais écrit récemment que, pour le projet de loi original, si l’intention du législateur était de semer la zizanie parmi les municipalités de ces agglomération, c’était réussi. Mais ce n’était sûrement pas l’intention du législateur (en passant, le législateur, c’est celui qui fait, qui rédige et qui présente la loi ou le projet de loi; dans ce cas-ci, c’est la ministre des Affaires municipales et des régions). Mais quelle était son intention?

Avez-vous déjà tenté de lire un projet de loi? Moi oui. C’est souvent aride, ennuyeux et trop complexe. Et, dans bien des cas, les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi ou la loi ne sont pas beaucoup plus claires. On perd alors de vue l’intention du législateur, la raison d’être de ce projet de loi ou de cette loi. Et, de la façon dont les lois sont rédigées, les résultats lors de l’application sont souvent très loins de d’idée de départ.

Dans le cas du projet de loi modifiant les conseils d’agglomération (et même dans la loi qui les a créé) on a de la difficulté à comprendre la raison d’être de ces “créatures”. On ne sait plus trop pourquoi elles ont été créés. Et c’est peut-être ça le problème; on a pas pris le temps d’expliquer pourquoi on voulait créer ce genre d’organisme. On a plutôt travaillé sur le processus décisionnel en s’assurant qu’il pouvait être paralysé très facilement.

Avant de créer ce genre d’organisme, il faut se demander pourquoi, quel est son rôle et son mandat et quel seront les bébéfices à la fois pour la région dans son ensemble et pour chacune des instances politiques qui en feront parti. Ensuite, il faut trouver un mode de fonctionnement qui permettra à l’organisme de “fonctionner”.

Je vous invite à relire le texte du 9 mai dernier pour avoir une idée du genre d’organisme régional qui aurait des chances de fonctionner pour les régions.

mercredi 9 mai 2007

Discours du trône: je suis pour.

Voici un extrait du discours prononcé par le premier ministre Jean Charest à l’Assemblée nationale le 9 mai 2007.

«Nous nous entendons aussi dans ce Parlement pour que nos régions soient plus autonomes, plus fortes.

Cette autonomie accrue, c’est un moyen de mieux occuper le territoire; c’est un moyen pour que nos communautés rurales soient plus fortes; c’est un moyen de reconnaître la volonté de nos régions de participer pleinement au développement du Québec.

Cette reconnaissance du leadership qu’assument nos régions nous amène aussi à reconnaître le leadership assumé par nos élus municipaux.

Avec eux, nous allons accélérer nos travaux de décentralisation.

Nous voulons que les municipalités puissent vous livrer de meilleurs services, mieux adaptés à vos besoins.» © Gouvernement du Québec, 2007

Il a dit : «Avec eux (les élus municipaux), nous allons accélérer nos travaux de décentralisation.»

Mais eux (les élus municipaux), que vont-ils faire? Vont-ils encore attendre des propositions du gouvernement ou vont-ils faire leurs propres demandes?

Le parti gouvernemental (Parti libéral) et l’opposition officielle (l’ADQ) s’entendent pour que nos régions soient plus autonomes, plus fortes. Peut-on demander de meilleures conditions pour faire avancer la cause des régions? Il faut saisir la balle au bon et aller de l’avant. C’est à nous, les régions, de déterminer les pouvoirs et les moyens que nous voulons pour prendre en charge notre développement et participer au développement du Québec tout entier.

Tout arrangement qui nous permettra de nous prendre en main peut être réalisé. Il ne faut pas avoir peur d’innover.

Et, surtout, il faut arrêter de quémander pour recevoir un plus gros chèque de B.S..

Nous sommes responsables de notre développement.

Séparer le politique de l’administratif.

Pourquoi, lorsque des élus locaux siègent sur un organisme régional, il est si difficile pour eux de faire consensus? Parce qu’ils ne se font pas confiance. Et pourquoi ne se font-ils pas confiance? Parce qu’ils ont tous comme premier mandat de défendre les intérêts de leur localité et non ceux de la région. Doit-on les blâmer pour cela? NON. C’est pour cela qu’ils ont été élus. Pourtant, ils auraient intérêt à coopérer ensemble. Et ils le savent. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux voudraient avoir des organismes régionaux plus efficaces et plus souples qui pourraient faire avancer des dossiers régionaux tout en respectant les réalités de chacune des localités. Mais ils ne sont pas prêts à aller jusqu’à la création de gouvernements régionaux. Pourquoi? La principale crainte est de voir leurs spécificités locales englouties dans des “normes” régionales. Et cette crainte est légitime.

Est-il possible alors d’avoir des organismes régionaux qui soient à la fois efficaces et qui respectent les spécificités locales? La réponse est OUI. Il faut séparer le politique de l’administratif. Mais comment?

D’abord, faire la distinction entre le politique et l’administratif. Le politique concerne plus la décision, l’orientation et le choix. L’administration concerne plutôt la planification, la gestion et la mise en application de ces choix et orientations.

Ensuite, créer un organisme bicéphale; à deux têtes: une tête politique et une tête administrative. La tête politique serait l’assemblée des élus. Son mandat, déterminer les compétences de l’organisme, son financement et son fonctionnement (structure, ressources humaines, etc.). C’est elle qui choisirait les membres du conseil (tête administrative). Un fois la tâche remplie, l’assemblée se réunirait de 3 à 4 fois par année pour suivre l’évolution des dossiers, déterminer de nouvelles compétences à remettre au Conseil, élaborer de nouvelles orientations, etc.

La tête administrative serait le conseil d’administration et aurait pour mandat de gérer l’organisme régional. Composé d’un nombre restreint d’administrateurs, dont un président-directeur-général, le conseil serait responsable de la gestion quotidienne de l’organisme. Le conseil pourrait comporter autant de directions qu’il y a de secteurs à gérer. Le conseil devrait faire adopter son budget par l’assemblée des élus à laquelle il serait redevable. Il devrait aussi y déposer, à chaque fin d’année financière, un rapport annuel. Fait important, le conseil serait au service de la région (ou de l’agglomération) dans son ensemble.

Ce type d’organisme régional n’existe pas, à ma connaissance, chez nous au Québec. L’avantage de ce genre d’organisme est de permettre aux élus locaux d’avoir une emprise directe sur les “affaires régionales” sans avoir à se préoccuper si leurs intérêts locaux sont pris en compte. Le conseil administratif, avec des règles du jeu (règles d’engagement) très claires, serait garant de l’objectivité territoriale, c’est-à-dire qu’il viserait au développement de l’ensemble du territoire, tout en tenant compte des spécificités locales (incluses dans les règles de fonctionnement). C’est le conseil qui aurait comme mandat de voir aux intérêts de tout le territoire.

Il ne faut pas avoir peur d’innover.

mardi 8 mai 2007

Conseil d’agglomération: réformer plutôt qu’abolir.

C’est connu, les conseils d’agglomération ne fonctionnent pas. C’est un nid à chicanes. Le statu quo n’est tout simplement pas acceptable. Comme je l’ai écrit précédemment, si le législateur voulait semer la zizanie dans les agglomérations qui se sont vues imposer ces créatures, il n’aurait pu faire mieux. Il suffit de lire la présentation du projet de loi (cf. blogue du 2 mai 2007).

Faut-il abolir les conseils d’agglomération pour autant? Avant même de se poser la question, on devrait peut-être se demander si certaines compétences auraient avantage a être gérées au niveau de l’agglomération (ou de la région). Il serait bon de faire l’exercice pour chaque compétences prévues par la loi 75. La liste de ces compétences se retrouvent à l’article 19 de la loi:

«19. Les matières suivantes intéressent l’ensemble formé par les municipalités
liées :
1° l’évaluation municipale ;
2° le transport collectif des personnes ;
3° les voies de circulation constituant le réseau artériel à l’échelle de
l’agglomération ;
4° tout lieu ou toute installation qui est destiné à recevoir la neige ramassée
sur le territoire de la municipalité centrale et d’au moins une municipalité
reconstituée ;
5° l’alimentation en eau et l’assainissement des eaux ;
6° l’élimination et la valorisation des matières résiduelles, ainsi que
l’élaboration et l’adoption du plan de gestion de ces matières ;
7° les cours d’eau municipaux ;
8° les éléments de la sécurité publique que sont :
a) les services de police, de sécurité civile et de sécurité incendie ;
b) le « centre d’urgence 9-1-1 » ;
c) l’élaboration et l’adoption du schéma de sécurité civile et du schéma de
couverture de risques en matière de sécurité incendie ;
9° la cour municipale ;
10° le logement social et l’aide destinée spécifiquement aux sans-abri ;
11° les éléments du développement économique que sont :
a) la promotion du territoire de toute municipalité liée, y compris à des fins
touristiques, lorsqu’elle est effectuée hors de ce territoire ;
b) l’accueil des touristes effectué dans l’agglomération ;
c) tout centre local de développement ;
d) tout centre de congrès, port ou aéroport ;
e) tout parc industriel ou embranchement ferroviaire ;
f) toute aide destinée spécifiquement à une entreprise ;
12° dans le cas où la municipalité centrale a succédé à une municipalité
régionale de comté ou à une communauté urbaine, toute autre matière sur
laquelle la compétence appartient à la municipalité centrale et appartenait, en
vertu d’une disposition législative, à l’organisme auquel la municipalité a
succédé.»
Projet de loi no 75, LOI SUR L’EXERCICE DE CERTAINES COMPÉTENCES
MUNICIPALES DANS CERTAINES AGGLOMÉRATIONS. (2004, chapitre 29)

Une fois l’exercice fait par les municipalités touchées dans chacune des agglomération (il n’est pas impossible que celles-ci décident d’ajouter d’autres compétences et d’en enlever quelques unes), il ne reste plus qu’à trouver un mode de fonctionnement qui permettra à l’organisme de travailler au développement de l’ensemble du territoire; dans l’intérêt de tous ces membres. Un mode de fonctionnement impartial. Oui c’est possible.

Il suffit de séparer le politique de l’administratif.

vendredi 4 mai 2007

De l’utilité des organismes régionaux.

Que ce soit pour les fusions municipales, ou pour la mise en place des conseils d’agglomération, des CRÉ et autres créatures de la sorte (même l’AMT), les autorités politiques en place n’ont pas pris le temps d’expliquer le pourquoi. On s’est plutôt attardé au comment cela fonctionnerait, sans trop de succès. Comme je l’ai écrit plus tôt, à voir comment le fonctionnement des conseils d’agglomération a été présenté dans le projet de loi, on aurait dit que ce que le législateur voulait, c’était de semer la zizanie au sein des municipalités. Et il a très bien réussi (c’est sans doute ce qui arrive lorsque l’on fait faire des lois par des avocats - c’est une blague!).

Pour les fusions, on a parlé beaucoup d’économie d’échelle; sans trop expliquer c’était quoi. Et, bien sûr, une fois les fusions faites, on a pas pris soin de vérifier si il y avait effectivement eu des “économies d’échelle”. Mais je ne me lancerai pas dans une définition de ce que ça veut dire (trop ennuyant). Je préfère donner une explication plus concrète pour justifier le recours aux fusions.

Dans le cas des fusions de 2000, la raison que l’on aurait due donner est celle-ci: il s’agissait de réorganiser (politiquement) les régions métropolitaines afin que celles-ci puissent faire leur place dans un contexte de mondialisation de l’économie.

Quelle est l’utilité des organismes régionaux?

Il faut d’abord connaître le rôle que joue les municipalités locales (et leurs limites) pour juger de l’utilité des organismes régionaux.

Les autorités locales sont responsables d'activités très diverses; de la prestation de services publics, comme la réparation des routes et la collecte des déchets, au maintien de l'ordre, au respect des lois et règlements. Elles doivent baliser les activités du secteur privé, que ce soit en adoptant des règlements de zonage ou en établissant des normes pour les projets de construction. Les activités les plus importantes, et les plus visibles, sont celles qui sont reliées à la prestation de services publics (pompiers, voiries, etc.). Ces activités représentent la plus grande partie de leurs dépenses budgétaires et emploient la plus importante part de leurs effectifs. L'efficacité municipalités locales se mesure sur leur capacité de fournir ces différents services. Certaines municipalités disposent de ressources financières plus importantes que d'autres et peuvent fournir à leurs citoyens un plus grand nombre de services, ou des services de meilleure qualité. Cette situation peut occasionner des inégalités entre les différentes municipalités d'une même région. De plus, les municipalités locales n'ont pas toutes la même vocation. Certaines vont privilégier un développement résidentiel alors que d'autres voudront favoriser la mise en place d'équipements (parcs industriels) pour accueillir de petites ou grandes entreprises. Leurs plans de développement et d'aménagement sont élaborés de façon indépendante, certaines municipalités cherchant même à faire compétition avec les municipalités voisines. L'absence de concertation et de coordination peut produire des effets négatifs pour le développement de l'ensemble de l'agglomération, ou de la région, dont elles font partie.

Je reviens sur la situation dans la région de Québec avant et après les fusions pour donner un exemple que la compétition entre municipalités voisines peut être coûteuses pour celles-ci. Avant les fusions, les 13 municipalités membres de la CUQ se partageaient 17 parcs industriels. Chacune opérait ses installations à sa façon (certaines avec plus de succès ou avec plus de moyens que d’autres) et se livrait à une compétition féroce avec ses voisines. Se doter d’infrastructures comme les parcs industriels, avec tous les services, n’est pas donner. La multiplication de telles installations dans un même territoire, additionnée par une compétition désordonnée, peut coûter très chère aux municipalités, tant sur le plan financier qu’en terme d’efficacité. Cette absence de cohésion peut nuire grandement au développement à la fois des municipalités locales elles-mêmes, de même qu’à celui des régions et agglomérations. Dans un contexte de mondialisation des échanges commerciaux, chaque territoire tente de tirer son épingle du jeu en investissant des sommes pour créer des conditions qui seront propices à attirer chez elles de nouvelles entreprises. Sans coordination à l’échelle de l’agglomération ou de la région, sans planification et sans collaboration entre elles, les municipalités locales auront beaucoup de difficultés à se démarquer et à se développer de façon plus autonomes. Déjà dépendantes du pouvoir central, les municipalités locales risquent de ne pas pouvoir continuer à offrir des services divers et de qualité à leur citoyens.

La création d’organismes régionaux ou d’agglomération permet aux municipalités locales qui en font partie de mieux gérer leurs infrastructures et leurs investissements et de mieux se positionner sur le marché économique mondial. De plus en plus, les municipalités locales seront appelées à jouer un plus grand rôle dans le développement durable de leur région. C’est en travaillant ensemble (et en se donnant les moyens de le faire) qu’elles parviendront à faire face aux défis du XXIe siècle.

La semaine prochaine, quel type d’organisme (le mode d’emploi).