mercredi 2 mai 2007

De l’utilité des fusions municipales.

J’étais d’accord avec les fusions municipales de 2000, surtout pour les régions de Québec (Communauté urbaine de Québec - CUQ) et de Montréal (Communauté urbaine de Montréal - CUM). Ces deux entités, après plus de 20 ans d’existences, avaient démontré leur inefficacité.

Dans le cas de la CUM, on avait suggéré aux membres de ce nouvel organisme de trouver le moyen de créer un seul service de prévention des incendies sur le territoire (celui de l’Île de Montréal). Lors de son démantèlement en 2002 pour faire place à la nouvelle Ville de Montréal, il existait encore plus d’une dizaine de services; toutes les tentatives pour fusionner ces services ont été bloquées au conseil. Cette division a donné lieu à quelques aberrations et à quelques incohérences. Par exemple, alors que la Ville de Montréal avait un temps de réponse de moins de 4 minutes pour une alarme incendie sur son territoire et était en mesure d’arriver avec les effectifs nécessaires pour à la fois sauver les sinistrés et limiter les dommages (maîtriser le plus rapidement possible l’incendie), les villes voisines devaient faire le choix entre ces deux objectifs faute d’effectif ou d’équipement. Autre exemple, si un incendie se déclarait dans une ville voisine de Montréal, mais à proximité de la frontière entre les deux municipalités, les pompiers de Montréal n’avaient pas le droit d’aller éteindre le feu même si leur caserne était à côté. Ils devaient attendre que le conseil municipal de la ville voisine donne son accord. On a même déjà vu deux équipes de pompiers provenant de deux municipalités voisines argumenter sur le fait que l’incendie était sur leur territoire alors que le feu faisait son travail sans être perturbé; jusqu’à ce qu’il ne reste que des ruines.

Les affrontements constants entre la Ville de Montréal et les villes de banlieue sur l’Île de Montréal nuisait grandement au développement économique de toute la région. Chaque municipalité faisait son propre démarchage à l’étranger en vantant sa proximité avec la Ville de Montréal tout en dénigrant la métropole. Les municipalités de banlieue se plaisait à mettre des bâtons dans les roues de la ville centre sans se soucier des répercussions négatives que pouvait avoir ces guerres de clochers sur la réputation de la région à l’étranger. L’incessante compétition que lui livraient les municipalités voisines nuisait à la capacité de Montréal de faire sa place parmi les grandes métropoles du monde. C’est comme si on lui avait mis un sabot de Denver. Le regroupement des villes de l’Île de Montréal allait permettre enfin à la métropole de concentrer ses efforts à être plus compétitive sur la scène internationale. Après près de vingt ans de blocage, les villes de la banlieue de Montréal avaient eu ce qu’elles méritaient. Mais cette fusion n’a pas été complète. Le gouvernement de l’époque aurait du, comme le suggérait le Maire Bourque, briser les frontières existantes en réduisant considérablement le nombre d’arrondissements; il en proposait 7 ou 9 au lieu des 27 que le gouvernement a voulu conserver. Maintenir les territoires des anciennes municipalités intactes ne pouvait que maintenir le climat d’affrontement qui existait déjà.

Pour la région de Québec, la CUQ, j’en ai déjà parlé. Si la région connaît aujourd’hui une croissance économique constante et une développement de l’emploi aussi fort, c’est sans doute en raison des fusions. La gestion unifiée des parcs industriels en est pour quelque chose.

Donc, selon moi, les fusions peuvent être très utiles pour mettre fin à la zizanie qui règne dans certaines régions. Mais ce n’est pas la meilleure solution. Ce qui est préférable, c’est de trouver un terrain d’entente entre les différentes instances politiques afin qu’elles acceptent de travailler ensemble pour le développement de leur territoire (l’union fait la force). La principale difficulté, ce n’est pas de trouver quel type d’organisme régional pourra favoriser le développement durable (ça inclus le développement économique) de la région, mais de trouver le bon mode de fonctionnement pour que chaque instance membre y trouve son compte. Je reviens à ce que j’écrivais hier, le problème avec les conseils d’agglomération, ce n’est pas leur existence, mais leur fonctionnement. Il faut donc trouver une façon de gérer ces organismes en trouvant un équilibre entre le pouvoir politique des instances locales et le pouvoir administratif de l’organisme qui lui permettrait de réaliser ses mandats en ayant comme objectif le développement de l’ensemble du territoire.

Les conseils d’agglomération: l’art de semer la zizanie.

Voici les notes explicatives du projet de Loi No 75, Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations (2004, chapitre 29). Après la saga fusions - référendums - défusions, il y a de quoi semer la zizanie.

Extraits:

«Le projet de loi a pour objet de déterminer les compétences municipales qui, plutôt que d’être exercées distinctement pour chaque territoire municipal local compris dans une agglomération, doivent être exercées globalement pour celle-ci. Il a également pour objet de prescrire les règles relatives à l’exercice de ces compétences, désignées « compétences d’agglomération ». À cette fin, il crée la notion de «municipalités liées », pour viser toutes les municipalités dont les territoires forment ensemble une agglomération, ainsi que le concept de «municipalité centrale », pour viser au sein de chaque agglomération la municipalité actuelle dont le territoire est diminué.

Le projet de loi crée deux genres de compétences d’agglomération. D’une part, il prévoit que les compétences municipales portant sur différentes matières qu’il énumère sont des compétences d’agglomération. Au nombre de ces matières figurent le transport collectif des personnes, les voies de circulation formant le réseau artériel et les services de police, de sécurité incendie et de sécurité civile, ainsi que plusieurs éléments relatifs à l’alimentation en eau, à l’assainissement des eaux, à la gestion des matières résiduelles et au développement économique. D’autre part, le projet de loi prévoit que constituent une compétence d’agglomération le pouvoir municipal de prescrire des règles portant sur la gestion de tout équipement, infrastructure ou activité qui intéresse à la fois la municipalité centrale et au moins une municipalité reconstituée, ainsi que le pouvoir municipal de prescrire des règles sur le financement collectif des dépenses relatives à l’équipement, à l’infrastructure ou à l’activité et sur le partage des revenus produits par celui-ci.

Le projet de loi prévoit que seule la municipalité centrale exerce de plein droit une compétence d’agglomération, et ce, dans toute l’agglomération, par l’intermédiaire d’un de ses organes délibérants désigné « conseil d’agglomération ». Le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir de décréter, pour chaque agglomération, les règles qui concernent notamment la nature, la composition et le fonctionnement de ce conseil. Il impose toutefois certaines caractéristiques communes à tous les conseils
d’agglomération. Ainsi, chaque municipalité liée doit être représentée à ce conseil, le poids décisionnel relatif conféré à la représentation de la municipalité à ce conseil doit correspondre au poids démographique relatif de celle-ci et les séances de ce conseil doivent être publiques. Par ailleurs, selon le projet de loi, lorsqu’un représentant d’une municipalité liée participe aux délibérations et au vote sur une question dont est saisi le conseil d’agglomération et au sujet de laquelle le conseil de la municipalité a préalablement pris une orientation, ce représentant doit prendre une position conforme à cette orientation.

Le projet de loi établit les règles financières qui sont relatives à l’exercice des compétences d’agglomération. Il détermine quels sont les dépenses et revenus d’agglomération. Il édicte des dispositions fiscales dont l’objet est de concrétiser la possibilité pour le conseil d’agglomération, d’une part, et le conseil ordinaire de la municipalité centrale ou le conseil d’une municipalité reconstituée, d’autre part, d’utiliser concurremment, chacun pour ses propres fins, les pouvoirs de taxation et autres moyens de financement dont disposent les municipalités locales du Québec.

Le projet de loi instaure un mécanisme selon lequel, à l’égard de diverses décisions du conseil d’agglomération, toute municipalité liée peut manifester son opposition dans un délai prévu et faire en sorte que l’entrée en vigueur de la décision devienne conditionnelle à l’approbation du ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir ou d’un arbitre que celui-ci désigne.»

La façon dont ces instances sont présentées et leur fonctionnement qui donne une compétence exclusive de la ville centre sur l’ensemble de l’agglomération, sans compter la possibilité de blocage par les municipalités liées; voilà tout les ingrédients pour maintenir le climat de zizanie qui perdurent, dans certaines régions, depuis des décennies. Ce type de fonctionnement, que je qualifie de politique, est voué à l’échec. Et, de plus, on ne prend même pas le temps de définir ce qu’est un conseil d’agglomération et d’expliquer son utilité. On impose les compétences d’agglomération ainsi que le mode de fonctionnement de l’organisme aux municipalités de ces régions et on s’attend à ce que celles-ci y participent dans l’enthousiasme.

Pour ma part, ce n’est pas les conseils d’agglomération qu’il faut remettre en question, mais plutôt leur fonctionnement. J’y reviendrai.