Un gouvernement ne fait pas une réforme parce que ça lui tente. En général, les réformes, les politiques, les programmes et même les projets de loi sont élaborés pour répondre à un besoin ou apporter une solution à une problématique particulière. Il est important aussi de bien connaître le contexte qui a mené à faire une réforme. C’est en général ce qui est fait dans les documents de présentation de ces réformes ou politiques. On trouve aussi dans ces documents une présentation des objectifs visés par ces politiques ou ces réformes. Dans le projet de Livre blanc sur la décentralisation de 1977, on présente la réforme de l’éducation des années 1960 ainsi que les résultats une dizaine d’années plus tard. Retour en arrière:
«La réforme des années ‘60 se basera sur une conception de l’éducation vue comme un instrument primordial dans un projet collectif de développement, conception qui n’isole plus les problèmes scolaires des facteurs économiques, politiques, culturels et sociaux. Ses objectifs se retrouvent dans le rapport de la Commission Parent, lequel, en plus de proposer la création d’un ministère de l’Éducation, présente les trois finalités du système d’éducation:
- donner à chacun la possibilité de s‘instruire;
- rendre accessibles à chacun les études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts;
- enfin, préparer l’individu à vivre en société.
La décennie qui suit entraîne un renversement complet de la situation. L’État s’associe des partenaires locaux et régionaux et devient le maître-d’œuvre du système d’éducation. Création du ministère de l’Éducation, constitution d’un réseau complet d’institution publiques d’enseignement s’étendant de la maternelle à l’université, instauration de la gratuité scolaire jusqu’à la fin du collégial, refonte des programmes d’enseignement, extension de la fréquentation scolaire obligatoire, organisation du transport scolaire, régionalisation des commissions scolaires, etc., voilà autant de gestes qui seront posés afin de rendre le système d’éducation plus cohérent et accessible. Sur le plan financier, l’État se basera sur le principe de la justice distributive et cherchera à atteindre l’objectif de la péréquation des ressources et la parité des services en normalisant l’impôt foncier local, en octroyant des subventions statutaires et d’équilibre budgétaire et en assurant la quasi-totalité du financement des institutions postsecondaires.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 7 et 8.
Il est important de rappeler la situation de l’éducation dans les années 1960 au Québec, avant la réforme qui a mené à la création du ministère de l’éducation ainsi que de l’ensemble de réseau scolaire que l’on connaît: 7 adultes sur 10 (70%) n’avaient pas terminer leur primaire. Et sur les 30% qui poursuivaient leurs études au-delà du primaire, il y avait un taux de décrochage de 70 %. Le Québec accusait un sérieux retard sur les autres provinces du Canada quant au niveau d’éducation de ses résidents. Il y avait donc, pour le gouvernement de l’époque, urgence d’agir. Comment et à quelle vitesse? Le gouvernement devait choisir en deux options: former des maîtres pour ensuite bâtir un réseau d’éducation au fur et à mesure que les nouveaux maîtres sortiraient de l’école ou bien bâtir le réseau et les programmes d’enseignement et former les maîtres sur le tas et confier la tâche d’apporter des améliorations au programme scolaire au fonctionnaires du nouveau ministère de l’éducation. C’est cette dernière option qui fut retenue: rattraper le temps perdu.
lundi 5 mars 2007
jeudi 1 mars 2007
La réforme de l’éducation (bilan de 1977).
Je poursuis la présentation du Projet de Livre blanc sur la décentralisation de décembre 1977. Avant de procéder à une réforme, il peut être intéressant de faire le bilan des réformes précédentes. C’est ce que est présenté au chapitre 1 de la première partie du document, le «contexte général des réformes gouvernementales depuis 1970». Aujourd’hui, un bilan de la réforme en éducation, en 1977. Retour en arrière:
«”Il n’y aura pas de ministère de l’Éducation” disait, il y a quelques années, un homme politique célèbre. Il y a aujourd’hui un ministère de l’Éducation et un système scolaire qui ont pris des proportions telles que d’aucuns n’hésitent pas à le qualifier de “monstrueux”.
Rappelons, sommairement les principaux éléments de la réforme.
Les raisons de la réforme.
Au début des années ‘50, l’éducation au Québec relevait traditionnellement de l’unité familiale. Pour les catholiques, l’Église et la famille partageaient les principales responsabilités conjointement avec les institutions publiques ou privées d’éducation, sans beaucoup impliquer le Gouvernement. Au delà de l’école primaire, l’éducation demeurait davantage un privilège plutôt qu’un service public accessible à tous. Cette perception élitiste de l’éducation impliquait que l’éducation ne pouvait participer au projet collectif de développement de l’activité économique, sociale et culturelle. Cette non-reconnaissance de l’éducation n’incitait guère à définir l’État comme premier responsable du développement du système scolaire.
Au cours de la décennie 1950-1960, de nombreux facteurs, tels l’explosion des effectifs scolaires, l’industrialisation, l’urbanisation, une prise de conscience plus nette des classes sociales, etc. , ont contribué à mettre en évidence les principaux problèmes auxquels se butait le système scolaire. Administré par 8 ministères différents et par plus de 1 700 commissions scolaires, le système d’éducation manquait manifestement de cohérence tant au plan de l’administration qu’au plan des programmes d’enseignement, favorisant ainsi la dispersion et l’éparpillement des services. À ce morcellement et à ce cloisonnement des administrations scolaires s’ajoutait le problème d’inaccessibilité de l’éducation. L’absence d’un enseignement secondaire public complet dans la plupart des commissions scolaires rurales et l’appropriation presque exclusive de l’enseignement de l’enseignement secondaire par des établissements privés de capacité restreinte et de caractère sélectif maintenaient un niveau de scolarisation extrêmement bas de l’ensemble de la population. Enfin, le faible rendement des assiettes fiscales foncières locales, la non-reconnaissance, au plan budgétaire, de l’éducation comme service public et l’implication restreinte et souvent discriminatoire du Gouvernement dans l’octroi des budgets requis par la demande croissante de scolarisation faisaient en sorte que l’éducation jouissait de ressources financières nettement insuffisantes provoquant ainsi l’inégalité des services selon les régions et les individus.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 6 et 7.
À suivre...
«”Il n’y aura pas de ministère de l’Éducation” disait, il y a quelques années, un homme politique célèbre. Il y a aujourd’hui un ministère de l’Éducation et un système scolaire qui ont pris des proportions telles que d’aucuns n’hésitent pas à le qualifier de “monstrueux”.
Rappelons, sommairement les principaux éléments de la réforme.
Les raisons de la réforme.
Au début des années ‘50, l’éducation au Québec relevait traditionnellement de l’unité familiale. Pour les catholiques, l’Église et la famille partageaient les principales responsabilités conjointement avec les institutions publiques ou privées d’éducation, sans beaucoup impliquer le Gouvernement. Au delà de l’école primaire, l’éducation demeurait davantage un privilège plutôt qu’un service public accessible à tous. Cette perception élitiste de l’éducation impliquait que l’éducation ne pouvait participer au projet collectif de développement de l’activité économique, sociale et culturelle. Cette non-reconnaissance de l’éducation n’incitait guère à définir l’État comme premier responsable du développement du système scolaire.
Au cours de la décennie 1950-1960, de nombreux facteurs, tels l’explosion des effectifs scolaires, l’industrialisation, l’urbanisation, une prise de conscience plus nette des classes sociales, etc. , ont contribué à mettre en évidence les principaux problèmes auxquels se butait le système scolaire. Administré par 8 ministères différents et par plus de 1 700 commissions scolaires, le système d’éducation manquait manifestement de cohérence tant au plan de l’administration qu’au plan des programmes d’enseignement, favorisant ainsi la dispersion et l’éparpillement des services. À ce morcellement et à ce cloisonnement des administrations scolaires s’ajoutait le problème d’inaccessibilité de l’éducation. L’absence d’un enseignement secondaire public complet dans la plupart des commissions scolaires rurales et l’appropriation presque exclusive de l’enseignement de l’enseignement secondaire par des établissements privés de capacité restreinte et de caractère sélectif maintenaient un niveau de scolarisation extrêmement bas de l’ensemble de la population. Enfin, le faible rendement des assiettes fiscales foncières locales, la non-reconnaissance, au plan budgétaire, de l’éducation comme service public et l’implication restreinte et souvent discriminatoire du Gouvernement dans l’octroi des budgets requis par la demande croissante de scolarisation faisaient en sorte que l’éducation jouissait de ressources financières nettement insuffisantes provoquant ainsi l’inégalité des services selon les régions et les individus.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 6 et 7.
À suivre...
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