mardi 24 avril 2007

Agglomérations et régions: intérêt local vs intérêt régional

On a beaucoup écrit sur le développement régional, la décentralisation, la gouvernance métropolitaine, etc. Beaucoup d’études et d’essais ont été faits sur ces questions. Beaucoup d’expériences ont été tentées au Québec et ailleurs. Certaines ont connu quelque succès alors que beaucoup d’autres n’ont pas donné les résultats escomptés. Depuis quarante ans que l’on parle de développement régional au Québec, que l’on tente des expériences. Résultat, les régions sont toujours aussi mal en point et dépendante du pouvoir central et ne savent pas, pour la plupart, comment prendre en charge leur développement. Mais, on ne peut pas que blâmer le manque de volonté des décideurs locaux. Souvent, c’est l’organisation de la gouvernance qui pose problème. Et ce n’est pas facile de trouver une solution qui permettra aux régions de se développer tout en permettant aux acteurs locaux de défendre les intérêts de leur communauté.

La principale difficulté est de trouver une façon de concilier les intérêts locaux avec les intérêts régionaux (ou ceux de l’agglomération) puisque ce sont les élus locaux qui se retrouvent au sein des organismes régionaux. Il est très difficile pour un élu local d’adopter une vision régionale surtout si cette vision semble aller à l’encontre des intérêts de sa localité. Par exemple, la gestion d’équipements locaux tels que les parcs industriels par une instance régionale (les conseils d’agglomération) n’est pas bien vu par certains acteurs locaux qui voient dans ce transfert de responsabilité une perte de leur autonomie et de leur indépendance. Et ce sentiment est plus fort si cet acteur local voit son influence sur les décision de l’organisme régional réduite en raison de son faible poids démographique.

C’est cette difficulté de concilier les intérêts locaux avec les intérêts régionaux qui a empêché ces organisme à prendre en charge le développement de leur territoire. Les CRD, les Communautés urbaines, les CRÉ, les MRC et les conseils d’agglomération ont tous été paralysé par cette opposition entre les intérêts locaux et régionaux. Pour que ces organismes fonctionnent, leurs membres ont du s’abstenir de traiter de certaines problématiques régionales (développement du transport en commun, logement social, développement économique et touristique, développement d’infrastructures de transport, etc.) afin d’éviter tout blocage.

Cette problématique de divergence d’intérêts n’est pas propre aux régions périphériques. Elle est présente aussi dans la grande région de Montréal. La gestion de services à cette échelle peut poser tout un casse-tête aux instances locales et régionales. Souvent, le gouvernement central se voit obliger d’intervenir soit en suggérant une solution aux pouvoirs locaux, soit en imposant sa solution. Et les solutions qui viennent du gouvernement central à Québec ne sont pas toujours les bienvenues car elles ne sont pas souvent très efficaces. Mais parfois, un ministre sort une idée de son sac et, surprise, ça fonctionne. Voici un cas d’espèce que nous pourrions prendre en exemple. Ce cas, je le connais très bien car j’en ai fait le sujet principal de mon mémoire de maîtrise en science politique.

Dans le milieu des années 1990, le gouvernement du Québec se voyait poser un important défi: comment harmoniser les services de transport en commun dans la grande région de Montréal. La région métropolitaine de Montréal (Îles de Montréal, Laval, couronnes nord et sud) comptait 22 autorités organisatrices de transport (AOT). Des petits Conseil intermunicipal de transport (CIT) aux sociétés de transport de la Communauté urbaine de Montréal, de Laval et de la Rive-Sud de Montréal, chacun essayait tant bien que mal d’amener ses passagers à destination ou, quand s’était le cas, le plus près possible. Si bien que, pour un passager de la Rive-Sud qui résidait en dehors du territoire couvert par la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal (STRSM), il lui fallait emprunter trois réseaux de transport pour se rendre à Montréal. De un, il n’y avait pas de lien entre les différents réseaux et il fallait à ce passager qu’il achète trois titres de transport différents pour se rendre à destination.

Il existait à cet époque un comité interrégional de transport en commun regroupant les trois sociétés de transport de la région: le Conseil métropolitain de transport en commun (CMTC). Comme pour la plupart des organismes régionaux de l’époque, son conseil d’administration était composé d’élus municipaux. Le processus de prise de décision requérait l’unanimité du conseil, qui comptait 13 membres, pour les questions d’ordre financier. Pendant les quatre années d’existence de cet organisme, aucune décision ne put être prise, aucune politique ne put être mise de l’avant. Le conseil avait pour principal mandat de réaliser l’intégration tarifaire (le fait qu’un passager n’ait besoin d’un seul titre de transport pour voyager sur l’ensemble des réseaux membre du comité). Manquant de souplesse, le CMTC n’est pas parvenu à développer une vision régionale; les élus locaux membres le voyaient plus comme un lieu de discussion.

À suivre.

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