jeudi 8 mars 2007

Le social (suite)

Je poursuis la présentation du contexte général des réformes gouvernementales depuis 1960 et les résultats en 1977 tel que présenté dans le document Projet de Livre blanc sur la décentralisation. Le social deuxième partie.

«Ces pouvoirs ont fait du ministère des Affaires sociales le maître-d’œuvre de plusieurs réformes entreprises au cours des dernières années, réformes qui ont toutes eu pour objectifs d’améliorer l’accès à des services de qualité et pour conséquences de placer sous le contrôle du ministère plusieurs services et responsabilités autrefois dispensés par le secteur privé:

- adoption de la Loi de l’aide sociale et mise en place d’un réseau gouvernemental pour la distribution de cette aide (bureaux locaux et régionaux de l’aide sociale);
- fusion de la multitude des agences sociales et quatorze (14) centres de services sociaux (CSS) responsables de la distribution de l’ensemble des services sociaux à la population;
- mise en place d’environ quatre-vingt (80) centres locaux de services communautaires (CLSC); c’est la première intervention importante de l’État dans le secteur des services sociaux et des services de santé de première ligne, secteur qui avait toujours été, jusque là, la chasse-gardée de l’initiative privée;
- mise en place, dans trente-deux (32) hôpitaux généraux, de départements de santé communautaire (DSC) responsables de la santé publique;
- création, dans chaque région administrative, d’un conseil régional de la santé et des services sociaux (CRSSS) chargé de développer la participation des citoyens à la gestion des établissements, de conseiller le ministère sur les besoins de la population et les meilleurs moyens de les satisfaire, et de promouvoir, au sein des établissements et entre eux, une meilleure coordination des ressources;
- mise en place de ressources légères (foyers de groupe, familles d’accueil, centres de jour, services et soins à domicile, etc...) afin de favoriser le maintien à domicile et la réinsertion sociale des personnes âgées et des jeunes mésadaptés et, partant, de diminuer leur hébergement en centre d’accueil (CA).

Ces pouvoirs ont également fait du ministère des Affaires sociales un intervenant dans les moindres détails de la pratique quotidienne des soins de santé et sociaux. (...)

Afin de tempérer cette centralisation encore accentuée par la négociation, à l’échelle du Québec, des conventions collectives régissant les conditions de travail de tous les employés du réseau des affaires sociales, on a jeté les bases d’une certaine décentralisation en confiant à des conseils d’administration autonomes la gestion des centres hospitaliers (CH), des centres d’accueil (CA), des centres de services sociaux (CSS) et des centres locaux de services communautaires (CLSC). Cependant, si l’on fait un bilan, on constate que les objectifs généraux de la réforme ont été atteints, mais on se rend compte également des faits suivants:

- La nécessité d’obtenir continuellement l’autorisation du ministère a vidé de son sens de la participation que recherchait le Gouvernement et a amené une diminution rapide de la marge de manœuvre des conseils d’administration, qui s’interrogent de plus en plus sur leur rôle dans le système.
- Le citoyen se sent de plus en plus étranger face à un réseau qui se complexifie et à des établissements qui se spécialisent, et ce, malgré les efforts qu’a consentis le ministère pour clarifier les responsabilités respectives de chaque catégorie d’établissement. Ce phénomène est d’ailleurs accompagné d’une déshumanisation grandissante des services à la population.
- Les efforts et le temps investis par le ministère au niveau de l’allocation des ressources aux établissements (postes, budgets, plans d’organisation, immobilisations, équipements), tout en lui donnant l’impression de contrôler le développement de son réseau, ne l’ont pas amené vraiment à vérifier si les sommes étaient effectivement utilisées pour les fins pour lesquelles elles ont été versées non plus qu’à évaluer les différents programmes et services mis en œuvre.»
- «Livre blanc sur la décentralisation» (PROJET), 12 décembre 1977, pp. 13 à 16.

Près de 30 ans après que ce constat a été fait, mais pas rendu public il faut le rappeler, on pourrait presque dire, en suivant l’actualité dans ce secteur, qu’il n’y a pas eu de changement. On parle encore de déshumanisation des services, on va encore à l’urgence de l’hôpital pour une grippe ou un mal de tête, et la gestion des établissements se fait encore dans la confusion (C difficile, urgence qui déborde, pénurie d’infirmière alors que plusieurs ont encore un statut précaire après plus de 10 ans de services pour le même établissement, etc.). Et chacun se renvoie la balle en se disant non responsable de la situation. Les plus simples d’esprit s’empresseront de blâmer le gouvernement en oubliant que la grande majorité des réformes proposées par les gouvernements qui se sont succédés à Québec se sont frappées aux différents groupes de pressions (syndicats, médecins spécialistes, administrateurs, etc.) qui composent ce complexe secteur. Certains de ces groupes sont passés maître dans l’art de faire déraper les initiatives des gouvernements pour améliorer les services de santé et services sociaux tout en prenant le temps de demander plus d’argent; certains de ces groupes allant même jusqu’à faire du chantage devant les médias. On demande toujours plus d’argent, mais cherchent-on vraiment à vérifier si les sommes versées sont effectivement utilisées pour les fins pour lesquelles elles l’ont été ou à évaluer les différents programmes et services mis en œuvre?

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